LA SEIGNEURIE DE BLAMONT

Par PIERRE FREDERIC BEURLIN, Pasteur de la Paroisse d’Etobon (Haute-Saône)-1889
mardi 24 février 2009
par  Jean Paul BUIREY

RECHERCHES HISTORIQUES SUR L’ANCIENNE SEIGNEURIE DE BLAMONT DEPENDANCE DU COMTE DE MONTBELIARD

Par PIERRE FREDERIC BEURLIN, de Montbéliard,

Pasteur de la Paroisse d’Etobon (Haute-Saône)-1889.

J’ai remis en forme le document de PIERRE FREDERIC BEURLIN ; Il semble que ce document ne comprenne que la 1ere partie .


OBSERVATIONS :

Il y a dans cet ouvrage deux espèces de styles anciens, savoir un vieux style par rapport au commencement de l’année, et un vieux style par rapport à la manière de compter les jours de l’année.

1) vieux style par rapport au commencement de l’année :
Anciennement dans le Comté de Montbéliard, comme dans la Franche Comté et dans la plus grande partie de la France, on commençait l’année avec la fête de Pâques.
Vers l’an 1565, par suite d’une ordonnance du roi Charles IX de France, de l’an 1564 on prit le premier janvier pour l’ouverture de l’année. Il en résulte qu’à la date des documents antérieurs à cette époque depuis le 1 janvier jusqu’à la fête de Pâques, il faut ajouter une année pour se conformer à notre manière de compter. Ainsi le 15 mars 1560 d’après l’usage ancien correspond au 15 mars 1561 d’après l’usage actuel.

2) Vieux style par rapport à la manière de compter les jours de l’année.

Le calendrier grégorien, introduit dans les pays catholiques en 1582, ne l’a été qu’en novembre 1700 dans le comté de Montbéliard et dans l’Allemagne protestante et pendant ce laps de temps on y est resté en retard de 10 jours. Ainsi le 11 janvier 1646 du calendrier Julien ou vieux style correspond au 21 janvier de la même année du calendrier grégorien ou nouveau style.

Sommaire

PREMIERE PARTIE DES RECHERCHES HISTORIQUES CONCERNANT LA SEIGNEURIE DE BLAMONT EN GENERAL AVEC LA VILLE DE CE NOM.

CHAPITRE I : Temps antérieurs à la formation de la seigneurie de Blamont remontant à l’an 1232

CHAPITRE II : La seigneurie de Blamont possédée par les sires de Neufchâtel en fief, puis en suzeraineté dès 1282 à 1506

CHAPITRE III : SEIGNEURIE DE BLAMONT POSSEDEE PAR LES COMTES DE MONTBELIARD EN SOUVERAINETÉ, DES 1506 A 1676

CHAPITRE IV : LA SEIGNEURIE DE BLAMONT POSSESSION DES COMTES DE MONTBELIARD A LA SOUVERAINETÉ DE LA FRANCE DE 1676 A 1789

CHAPITRE V : SUPPRESSION DE LA SEIGNEURIE DE BLAMONT ET SON INCORPORATION DANS LE TERRITOIRE DE LA FRANCE DES 1789 A 1878.


AVERTISSEMENT

Lorsque nous avons rédigé nos recherches historiques sur l’ancienne Seigneurie de Blamont, Monsieur Charles Duvernoy de Montbéliard, ancien juge de paix d’Audincourt, décédé à Besançon l’an 1850 en qualité de Conservateur adjoint de la Bibliothèque de cette ville, avait déjà fait imprimer de courtes notices sur la plupart des communes de cette seigneurie dans plusieurs annuaires statistiques et historiques du Département du Doubs, publiés à Besançon en volumes in 12, savoir une notice de 11 pages sur le bourg de Blamont et une notice de 8 pages sur Audincourt dans l’annuaire de 1837, une notice de 4 pages sur Dale dans l’annuaire de 1838, des notices comprenant en tout 40 pages sur Autechaux, Bondeval, Chamabon, Ecurcey, Dannemarie, Glay, Hérimoncourt, Meslières, Mossonvillars, Pierrefontaine, Roche, Seloncourt, Tulay, Vandoncourt, et Villars dans l’Annuaire de 1840. On trouve répétés les articles sur Audincourt, Blamont et Bondeval dans l’Annuaire de 1844, les articles sur Dale, Dannemarie et Ecurcey dans l’Annuaire de 1845, et les articles sur Glay, Hérimoncourt et Meslières dans l’Annuaire de 1846. Les articles sur Chamabon, Mossonvillers et Tulay ont encore été insérés par M. Charles Duvernoy dans sa brochure intitulée « les villages ruinés du Comté de Montbéliard », laquelle a été imprimée à Arbois en 1847, renfermant en tout 48 pages in 8er.
M. Duvernoy fait aussi plusieurs fois mention de la Seigneurie de Blamont et de quelques uns de ses villages dans les Ephémérides du Comté de Montbéliard, un volume in 8er de 520 pages Besançon 1832.
Ajoutons qu’il n’avait rien été publié sur Beaucourt, Montbouton, Damvant, Grandfontaine et Réclère, qui ont fait partie de la Seigneurie de Blamont.

Pour faire notre travail, nous avons non seulement puisé des renseignements dans les ouvrages dont il vient d’être question, nous avons encore consulté d’autres ouvrages imprimés, notamment le Précis Historique de la Réformation des Eglises Protestantes dans l’Ancien Comté de Montbéliard ( par plusieurs auteurs anonymes ) 1 volume in 12 de 176 pages Paris 1841, Les Monuments de l’Histoire de l’Ancien Évêché de Bale par Trouillat (dès le 10eme siècle jusqu’à l’an 1500) 5 volumes in 8er, Porrentruy 1852, 1854, 1858, 1861, et 1867 ; Les recherches historiques et statistiques sur la Seigneurie de Neuchatel en Bourgogne par l’Abbé Richard, curé de Dambelin, un volume in 8er de (..) pages, Besançon 1840. Il faut faire observer que ce dernier ouvrage renferme des erreurs, surtout pour ce qui concerne la souveraineté de la seigneurie de Blamont. Nous avons enfin mis à profit des extraits de pièces des archives de l’ancienne principauté de Montbéliard, transportées à Paris dans les archives nationales en 1839, et à Besançon dans les archives départementales du Doubs en 1840 et des extraits de pièces déposées dans les archives des communes du canton de Blamont.

Nos recherches historiques sur la Seigneurie de Blamont renferment deux parties :
La première partie concerne la seigneurie en général avec la ville de Blamont.
La seconde partie concerne les villages de la seigneurie.

PREMIERE PARTIE DES RECHERCHES HISTORIQUES CONCERNANT LA SEIGNEURIE DE BLAMONT EN GENERAL AVEC LA VILLE DE CE NOM.

CHAPITRE I : Temps antérieurs à la formation de la seigneurie de Blamont remontant à l’an 1232
Le bourg de Blamont, actuellement chef-lieu d’un des sept cantons de l’arrondissement de Montbéliard, était dans le Moyen âge le chef-lieu d’une seigneurie, qui, bien que soumise à l’autorité de la France dès 1676, continua de subsister jusqu’en 1790. Cette seigneurie comprenait dans les derniers siècles de son existence, outre son chef lieu, la totalité des treize villages d’Autechaux, de Bondeval, de Dannemarie, d’Ecurcey, de Glay, d’Hérimoncourt, de Meslieres, de Pierrefontaine, de Roche, de Seloncourt, de Tulay, de Vandoncourt et de Villars les-Blamont et d’une partie des quatre villages d’Audincourt, de Dale, de Beaucourt et de Montbouton.
Elle renfermait dans les temps plus anciens plusieurs autres villages qui ont disparu par suite des guerres ou qui ont été réunis à d’autres seigneuries comme on le verra plus loin.

Le territoire qui a formé le ressort de la Seigneurie de Blamont n’était point dépourvu d’habitants dans les temps fort reculés qu’on appelle temps préhistoriques. On avait déjà découvert vers l’an 1860 au dessus du village d’Hérimoncourt, sur la colline de la Bouloie des ruines d’habitation appartenant évidemment à ces temps là. On découvrit encore en 1876 près du même village, au lieu dit les Vielles Vignes, le Grammont et le Monterot, ainsi que sur le territoire de Roche-les -Blamont, au lieu dit le Chatillon, et sur le territoire de Beaucourt, au lieu dit le Grammont, des haches et des couteaux en pierre, des pointes de flèches en silex, d’autres objets en pierre ou appartenant à l’âge dit de la pierre polie. On trouverait probablement encore beaucoup de choses semblables dans ces endroits et dans ceux du voisinage si on y faisait les recherches nécessaires. Les hommes de l’époque indiquée qui vivaient ordinairement dans les vallons, se retiraient sur les éminences à leur proximité et s’y fortifiaient en cas de guerre pour échapper aux malheurs qui en étaient la conséquence.

Dans la suite des siècles le territoire de la Seigneurie de Blamont, comme tout le pays de Montbéliard avec la Franche Comté, fit partie de la Province des Gaules nommée Séquanie. Il passa sous la domination des Romains en l’an 58 avant Jésus Christ, époque de la conquête de cette province par Jules César, et il resta sous cette domination jusqu’à l’invasion des Bourguignons d’origine allemande dans l’Orient de la Gaule vers l’an 408. Des ruines romaines se remarquent notamment au pied des vignes de Frémuge (territoire de Mandeure). On a trouvé récemment au delà d’Ecurcey, dans la direction de Roche, près de la ferme de Surnoie (territoire d’Ecurcey ) les vestiges d’une villa d’une certaine importance ; toutes les pentes qui dominent la ferme au Sud, sont coupées par d’anciens murs ; des tuileaux romains, 2 médailles de l’époque des Antonins, des débris de poteries ont été découverts depuis peu d’année, et une fontaine creusée dans le roc porte encore la trace de travaux romains. Non loin de là, près de la maison des bois, on a recueilli une médaille en or de Philippe de Macédoine. De la grande voie romaine qui passait par Mandeure et Audincourt, se détachait sur le territoire de cette dernière commune un chemin de 2er ou de 3er ordre, encore subsistant sous forme de sentier, qui remontait le ruisseau de Gland dans la direction de Seloncourt, d’Hérimoncourt, gagnait le territoire d’Abbévillers et conduisait à Porrentruy par Fahy et Courtedoux. Un autre chemin de 3er ordre, venant de Pont de Roide, montait le lieu dit la Crochère, passait sous Blamont près de la ferme de Danache, où il présente encore l’aspect d’un chemin ferré, pour arriver à Porrentruy par Damvant.

Sous le gouvernement des rois bourguignons le pays de Blamont faisait partie de la contrée de Montbéliard, à la quelle on avait donné le nom d’Alsgau ou Elsgau, dont plus tard on fit par corruption Ajoie. La dénomination d’Alsgau vient de Alle, nom de la rivière que nous appelons maintenant Allan, et de l’allemand gau signifiant pays, et veut dire pays d’Alle ou Allan. On sait que les contrées voisines portaient le nom de Sundgau, Nordgau, Brisgau etc..

La contrée de Montbéliard, après avoir été comprise dans les états bourguignons, dès le commencement du 5er siècle, tomba avec tous ces états sous la domination des rois francs de la race Mérovingienne en 594, époque à laquelle Gondemar, roi de Bourgogne, fut défait par les fils de Clovis. Elle continua d’appartenir aux rois de cette race jusqu’à ce qu’ils descendent du trône en 751. Elle passa alors sous la domination des monarques Carolingiens.

Il est certain qu’au milieu du 9eme siècle, et même déjà dans le 8eme, la contrée de Montbéliard qui portait encore le nom d’Elsgau, était administrée par des comtes placés sous l’autorité des monarques carolingiens ; Ces comtes n’étaient que de simples magistrats civils et militaires. A cette époque le régime féodal avait déjà pris sa première consistance, mais il n’était pas encore question de l’hérédité des domaines et des titres. Plus tard, sur la fin du 9eme siècle, les seigneurs profitèrent de l’anarchie généralisée pour accroître leur autorité, pour rendre leurs domaines et leurs titres non seulement irrévocables pour eux mêmes, mais encore héréditaires dans leurs familles.
On donna le nom de fief à ce nouveau genre de possession. Les comtes qui gouvernaient la contrée de Montbéliard, à l’instar des autres grands vassaux de cette époque, se rendirent indépendants dans leurs terres, et ils purent exercer tous les droits de souveraineté sous la condition toutefois de prêter foi et hommage aux empereurs d’Allemagne ; ils ne prirent le nom de comtes de Montbéliard qu’à la fin du 10eme ou dans le commencement du 11eme siècle.

Les premiers comtes de Montbéliard dont les noms commencent à poindre dans la nuit du Moyen Age, étaient, à ce qu’il parait, de la famille d’Atticon, duc d’Alsace, mort vers 666. Louis II de cette maison, fils du Comte Louis Ier, vécut jusqu’après l’an 1005. Il eut pour successeur dans le pays de Montbéliard ses fils et petit fils Louis III, Louis IV et Thierry Ier. A la mort de Thierry Ier arrivée vers 1102, son opulente succession passa à 3 de ses fils, qui en suspendirent le partage jusqu’en 1125. Thierry II, l’un d’eux, eut pour sa part le comté de Montbéliard et plusieurs autres terres. En ce dernier prince, décédé sans enfants mâles vers 1163, s’éteignit la 1ere race des comtes de Montbéliard. Un enfant de sa fille Agnès, Amédée de la Maison de Monfaucon (près de Besançon), lui succéda sans partage dans tous ses états. Deux autres princes de cette dernière maison héritèrent après Amédée du pays de Montbéliard, Richard, son fils vers 1188, et Thierry III, fils du dernier, en 1228, qui vécut jusqu’en 1282.

C’est probablement dans le 8eme siècle de l’ère chrétienne que se formèrent la plupart des villes et villages de notre pays par l’agglomération des habitations, et qu’ils reçurent les noms qu’ils portent actuellement. Auparavant les habitants peu nombreux avaient leurs demeures dispersées sur de vastes territoires, et vivaient dans l’isolement, sans rapport entre eux. Peu à peu, la population s’accrut, et on sentit le besoin de se grouper. Du reste il est impossible de fixer avec certitude l’époque de la fondation des lieux de notre pays, à cause du manque de documents historiques. Ce manque de documents est suffisamment motivé par les invasions des peuples barbares dans l’est de la France, du 4eme siècle de notre ère au 8eme et même jusqu’au 10eme, par les troubles et les guerres continuelles, ainsi que par la profonde ignorance et l’état à peu près sauvage des hommes de ces temps là. Nos plus vieilles chartes ne remontent qu’au 11eme siècle. Rares encore dans le 12eme et dans la plus grande partie du 13eme, elles ne commencent à devenir nombreuses qu’à la fin de ce dernier siècle.
Voici l’indication des années portées dans les plus vieux documents concernant les lieux qui plus tard ont formé la seigneurie de Blamont.
Roches s’y trouve mentionné pour la 1er fois en 1040, Glay en 1135, Audincourt en 1140, Beaucourt en 1147, Dale en 1147, Villars les Blamont vers 1150, Seloncourt vers 1165, Tulay vers 1165, Dannemarie en 1177, Ecurcey en 1186, Hérimoncourt en 1188,Vandoncourt en 1188, Bondeval en 1196, Blamont en 1232, Pierrefontaine en 1241, Melieres et Autechaux en 1282. Tous ces lieux ont sans contredit une origine plus reculée.

Il est à croire que le château de Blamont a été bâti par un des princes de Montbéliard dans les premiers temps du régime féodal, au 11eme ou 12eme siècle, que des maisons se sont successivement élevées à ses pieds, que ces maisons furent elles mêmes entourées de murs et de remparts quelques temps après leur construction, et qu’ainsi s’est formé le bourg de Blamont. Sa position sur une plate forme élevée se détachant de la chaîne du Lomont et s’avançant sur 3 vallées profondes le rendait bien susceptible de défense. Son nom, qu’on a écrit Bla mont jusqu’au 16er siècle, vient évidemment de l’adjectif blanc et du substantif mont, et signifie Montagne blanche. Il lui a été donné sans doute à cause de la couleur blanchâtre que la montagne parait revêtir si on la regarde de loin.

L’acte de 1232 qui mentionne Blamont pour la première fois concerne une confirmation faite par le comte Frédéric de Ferrette d’un contrat entre les paroissiens de Croix et l’Abbaye de Lucelle. Dans cet acte, Verner Villicus (maire) de Blamont, se trouve cité comme témoin. Blamont jouissait alors d’une certaine importance, puisqu’il avait un maire. Parmi les villages qui sont entrés plus tard dans la seigneurie de Blamont, il y en avait probablement de plus anciens que Blamont, et d’autres moins anciens. Des notices sur chacun de ces villages placées à la suite de notre ouvrage traiteront de leur origine ou des premiers temps de leur existence. Il faut ajouter que les fondations de murs qui se trouvent un peu plus bas que Blamont sur le revers de la montagne du coté de Glay, semblent indiquer l’existence d’un château plus ancien que celui de Blamont même, et dont la fondation serait de la plus haute antiquité.

NOTE A PART
Le château de Blamont était fort par sa position et par les travaux qui y avaient été faits. Outre les citernes d’une grandeur suffisante, il y avait un puits si vaste et si profond que ce puits semblait avoir été originairement un gouffre. Car il n’est pas probable que dans un lieu qui n’a jamais été d’une très grande importance on ait pratiqué une si grande excavation dans le roc vif, les frais auraient surpassé la valeur du fort et de la ville. Sans nul doute l’entrée du puits était une fente de rochers que l’art et le travail avaient un peu élargie. A 70 mètres environ de profondeur, cette fente devenait une caverne très vaste au milieu de laquelle on avait pratiqué une cuve ronde taillée dans le roc ; un torrent traversant la caverne la remplissait d’eau, et se précipitait ensuite dans un deuxième gouffre, dont on ne connait pas le fond mais qui parait aller jusqu’au niveau des vallées et avoir son issue à la source de la Fouge et à la fontaine du Passoutot, qui sort d’une fente de rochers, où l’on a vu souvent réapparaître des objets qui avaient été jetés dans le puits.

SUITE DU TEXTE
Dès le commencement du régime féodal, et déjà au 12er siècle, les comtes de Montbéliard avaient des vassaux dans la plupart des lieux de leur domination et dans la suite des temps, le nombre de ces vassaux alla toujours en augmentant. Bientôt il y eut des seigneurs dans chaque village et ces seigneurs étant devenus trop nombreux n’eurent plus que des portions de villages ou même des fonds de terre. Non seulement les fiefs se transmettaient par héritage, mais ils pouvaient encore se vendre et s’échanger avec le consentement du suzerain. Le clergé accepta sans difficulté le régime féodal. Les domaines des églises et des monastères prirent la même forme que les fiefs séculiers. Il existe notamment un acte de l’an 1278 portant qu’en cette année là Henri de Beurnevesin (près de Porrentruy), chevalier, qui avait des possessions à Glay et à Blamont en prés, champs, forets etc. et une rente annuelle d’un demi bichot de blé sur le moulin de Glay, les donna en pure aumône à l’église de Grandgourt (en suisse). Il parait que cette église ne garda pas longtemps les biens dont il s’agit, attendu qu’ils ne se trouvent pas rapportés dans les actes postérieurs les concernant, et qu’elle les transmit par échange ou par vente à des seigneurs dont il est question plus loin. Les fiefs existants dans les villages qui formèrent la seigneurie de Blamont se trouvent mentionnés dans les notices jointes à notre ouvrage. Le clergé recevait autrefois beaucoup de dons des seigneurs, comme des comtes de Montbéliard. Le prieuré de Dannemarie fut fondé avant l’an 1251 par l’un de ces comtes, à ce qu’il parait. Il avait des terres et des sujets « main mortables » non seulement à Dannemarie, mais encore dans plusieurs villages des environs ; il avait en outre des terres à Blamont.

Peu de temps après avoir perdu son fils unique, vers l’an 1278, le comte Thierry III de Montbéliard choisit pour lui succéder dans ses vastes domaines Guillemette de Neuchâtel d’outre Joux (en Suisse), son arrière petite fille, promise en mariage à Renaud de Bourgogne, frère d’Othon IV, comte régnant de Bourgogne. Par acte du vendredi après la Pentecôte (mois de mai) de l’an 1282, Renaud de bourgogne reconnut qu’à raison de son mariage avec Guillemette de Neufchâtel, il aurait d’elle après le décès de Thierry III, suivant la volonté de celui-ci, le comté de Montbéliard et ses dépendances, sauf ce que ledit Thierry en retenait, savoir : Grange et la chatellenie de ce nom, Beveuge et ses appendices, Aigremont et ses appendices, Chamabon et Blamont avec leurs appendices, Chatel-Thierry et ses appendices, Porrentruy et la chatellenie de Mylande avec leurs appendices, etc. Aussitôt après la mort de Thierry III, arrivée entre mai et septembre 1282, Renaud de Bourgogne prit possession des lieux que le dit Thierry avait retenu dans l’acte ci-dessus rapporté, comme de ceux qui lui avaient été donnés par le même acte, sans trop s’inquiéter des réclamations qui pourraient lui être adressées par plusieurs descendants de Thierry.  
CHAPITRE II : La seigneurie de Blamont possédée par les sires de Neufchâtel en fief, puis en suzeraineté dès 1282 à 1506.
Renaud de Bourgogne ne put conserver toutes les terres de la succession de Thierry, il fut obligé notamment de prendre des arrangements avec Thiébaud IV, sire de Neufchâtel (près de Pont de Roide, dans le comté de Bourgogne), qui réclamait sa part dans cette succession. Thiébaud IV était petit fils de Thierry par sa mère Marguerite de Montbéliard, femme de Richard de Neufchâtel.
Mécontent du choix que Thierry avait fait de Guillemette, promise à Renaud de Bourgogne, pour lui succéder dans la plupart de ses riches et nombreux domaines, il avait profité de la désunion qui existait entre Renaud de Bourgogne et son frère Othon, comte de Bourgogne, pour avoir un appui dans ce dernier, et dans ce but il s’engagea par un acte du vendredi avant la nativité de Notre dame (mois de septembre) de l’an 1280 à lui faire hommage de tout le droit et de tout le partage qu’il avait et devait avoir en la terre et héritage du dit Thierry de Montbéliard, son aïeul maternel. Cet hommage de Thiébaud fait dans le but d’engager Othon à l’appuyer de tout son pouvoir dans les prétentions qu’il élevait, étaient matériellement nul, puisqu’il était contracté du vivant de Thierry III et sans son consentement, et qu’en outre le comté de Montbéliard était un fief de l’Empire d’Allemagne. Néanmoins le sus dit acte est devenu le fondement et le prétexte des prétentions de souveraineté que les comtes de Bourgogne ont formées plus tard sur le comté dont il s’agit et sur ses dépendances. Par une transaction faite le jeudi après Pâques fleuries (dimanche des Rameaux) de l’an 1282 ( vieux style ) ou de l’an 1283 style actuel, Renaud de Bourgogne céda à Thiébaud IV, sire de Neuchatel, pour ses droits et prétentions dans la succession de Thierry, Blamont, Chamabon, et toute la partie du comté de Montbéliard qui a formé dès lors les seigneuries de Blamont et de Chatelot, à charge de les tenir de lui en fief, se réservant expressément sur les terres en question la suzeraineté, il lui céda en outre la suzeraineté sur les fiefs de Cuisance, de Belmont avec 250 livres de rente sur le puits de Salins. D’après l’acte ci dessus mentionné, la seigneurie de Blamont, alors estimée du produit de 300 livrées de terre, comprit les lieux suivants : Blamont, bourg et château, Roches, Chamabon, Ecurcey, Autechaux, Mossonvillers, Pierrefontaine, Villars, Damvant, Vaufrey, Réclère, Grandfontaine, Abbévillers, Rocourt,Vandoncourt, Seloncourt, Bondeval, Hérimoncourt, Mélieres, et Glay avec la garde du prieuré de Dannemarie. Voila l’origine de la seigneurie de Blamont qui était un démembrement du comté de Montbéliard. Elle resta en la possession de la famille des sires de Neufchâtel jusqu’en 1506. Cette famille était aussi illustre par son antique origine que par ses nobles alliances, elle possédait de nombreux et riches domaines dans la comté de Bourgogne ou Franche Comté, et tenait un des premiers rangs parmi la noblesse de cette province. La seigneurie de Blamont ne resta pas composée telle qu’elle l’avait été primitivement.
Mossonvillers et Chamabon disparurent, le premier dans le 14eme siècle et le second dans le 15eme. Grandfontaine, Damvant et Réclère furent cédés en 1478 à L’évêque de Bâle, qui les réunit à sa seigneurie de Porrentruy. Vaufrey passa au 14 er siècle par vente ou par échange dans la seigneurie de Montjoie, alors possédée par la maison de Gère -Montjoie. La faible portion d’Abbévillers du ressort de la seigneurie de Blamont fut incorporée au 16er siècle par les princes de Montbéliard dans leur comté de Montbéliard. D’un autre côté Audincourt pour la moitié environ de son territoire, et Dâle pour un tiers de son territoire entrèrent dans la seigneurie de Blamont par suite d’acquisitions en 1298. Une petite partie de Montbouton y fut aussi annexée sur la fin du 13er siècle. Enfin Tulay fut du ressort de la seigneurie de Blamont dès sa création, et s’il ne fut pas désigné nominativement parmi les lieux destinés à la composer, c’est parce qu’à cette époque son territoire était incorporé dans celui d’un village voisin. La transaction faite avec Renaud de Bourgogne convenait parfaitement à Thiébaud IV. Car la seigneurie de Blamont était limitrophe de celle de Clémont, que Thiébaud IV avait hérité de sa famille, et celle de Chatelot était limitrophe de celle de L’Isle -sur-le Doubs, qui lui venait aussi de sa famille.

Renaud de Bourgogne avait contenté Thiébaud IV de Neufchâtel. Il avait encore à contenter Guillaume, sire d’Arberg, en Suisse, qui réclamait sa part dans la succession du comte Thierry III de Montbéliard, dont il était le petit fils par sa mère Agnès, femme d’Ulric, sire d’Arberg. Renaud de Bourgogne lui céda pour tous droits et prétentions dans la dite succession la Chatellenie de Bélieu (près de Valentigney), à charge de la terre en fief du comte de Montbéliard, et de 540 livres estevenantes. En outre 430 livres furent payées plus tard et au même titre à son frère Ulric d’Arberg, chanoine de Moutier -Grandval en Suisse.

A la mort du comte Thierry III de Montbéliard en 1282, Renaud prit possession de Porrentruy. Henri d’Isny, évêque de Bale, formant des prétentions sur la chatellenie de Porrentruy, appela à son secours l’empereur d’Allemagne, Rodolphe de Habsbourg, dont il était aimé et protégé. Le monarque, accompagné de L’évêque de Bâle, de L’évêque de Strasbourg, du comte Thiébaud de Ferrette, du comte Jean de Thierstein, du burgrave Frédéric de Nuremberg et de plusieurs autres personnages de distinction, vint assiéger le 2 mars 1283 Renaud de Bourgogne qui s’était enfermé dans le château de Porrentruy, et il continua le siège de cette place jusqu’au 16 avril suivant. Le château fut emporté et Renaud fut forcé de demander la paix. Par traité fait à Fribourg le 17 avril 1283 il céda à L’évêque de Bâle la chatellenie de Porrentruy et les avocaties d’Ajoie et de Bure avec le château de Mylande (près de Porrentruy) qui était alors tenu en fief par Etienne de Gonsans, et s’engagea en outre à reprendre en fief de cet évêque Blamont et d’autres lieux lorsqu’il en serait requis. Par acte du 3 avril 1284, il donna l’énumération et la reconnaissance des fiefs qu’il tenait de l’évêché de Bâle, entre autres le château de Blamont et 5 villages que le comte de la Roche-Saint-Hippolyte avait vendu à feu Thierry III, comte de Montbéliard.

Après la promotion de L’évêque de Bale Henry d’Isny à l’archevêché de Mayence, Renaud de Bourgogne, profitant de l’éloignement de Rodolphe de Habsbourg, vint en 1287 réitérer les hostilités contre les gens de L’évêque de Bâle, Pierre Reich de Reichenstein, aux environs de Porrentruy, pour récupérer ce qu’il avait perdu, et il réussit à les battre. L’évêque, trop faible pour résister, réclama le secours de l’empereur Rodolphe, qui vint l’année suivante ravager pendant 3 semaines les terres de Renaud de Bourgogne, aux environs de Montbéliard, avec 20000 hommes, il assiégea même cette ville vers le 1er juillet. Renaud de Bourgogne avait fait alliance avec son frère Othon, comte de Bourgogne et Thiébaud, sire de Neufchâtel au comté de Bourgogne. La paix se fit à Bâle en septembre suivant ; la possession de Porrentruy fut assurée à L’évêque de Bâle, qui la conserva jusqu’en 1792.

La mouvance des seigneuries de Blamont et de Chatelot fut un objet de contestation entre les deux frères Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard, et Othon, comte de Bourgogne ; des mésintelligences étaient survenues entre eux. Thiébaud de Neufchâtel reprit en fief de Renaud de Bourgogne toutes les terres que celui-ci lui avait cédées. Mais le comte Othon de Bourgogne voulut exiger l’hommage de Thiébaud de Neufchâtel pour les mêmes terres en s’appuyant sur l’acte de 1280 ci dessus rapporté. Il en résulta de sérieuses difficultés entre les deux frères Othon et Renaud relativement à la mouvance dont il s’agit. Renaud avait tous les droits de son côté, attendu que les seigneuries de Blamont et de Chatelot étaient des démembrements du comté de Montbéliard, qui lui même était une dépendance de l’empire d’Allemagne. D’ailleurs l’acte de 1280 était évidemment nul, attendu qu’il avait été fait du vivant du comte Thierry III et sans son aval.

Une transaction vint enfin terminer le différend en 1294, il fut convenu que le comte Renaud de Montbéliard conserverait la suzeraineté sur la seigneurie de Blamont laquelle suzeraineté resterait à Othon. Dès ce temps là jusqu’à la guerre dite de Bourgogne qui s’éleva en 1474, les seigneuries de Neufchâtel ont toujours repris la seigneurie de Blamont comme un fief du comté de Bourgogne et prêté foi et hommage aux suzerains de ce comté.
Les reprises de fief de cette seigneurie eurent lieu notamment en 1313, 1316, 1339, 1343, 1347, et 1387. Le 1erfévrier 1294 (vieux style) Thiébaud de Neufchâtel reprit de fief de Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard, Tout son partage à cause de sa mère Marguerite de Montbéliard, savoir le Chatelot et ses dépendances, les châteaux et la chatellenie de Blamont, qu’il avait repris d’Othon, comte de Bourgogne, frère de Renaud. Bien que fief du comté de Bourgogne, la seigneurie de Blamont resta néanmoins franche de la juridiction et de la supériorité de ce comté. Les seigneurs de Neufchâtel reconnaissant le fief, mais non la suzeraineté du comté de Bourgogne.

Par accord fait à Abbévillers le jour de la Saint Michel de l’an 1300 entre L’évêque de Bâle et Renaud de Bourgogne concernant différents fiefs, L’évêque abandonna à Renaud ses prétentions sur le château de Blamont, Pierrefontaine et les 5 villages, mais celui ci ne put les faire valoir.

Il existait au commencement du 14eme siècle et sans doute déjà dans le 13eme sur le territoire de Blamont plusieurs petits fiefs consistant en fonds de terre. Ces fiefs avaient passé de la suzeraineté des comtes de Montbéliard dans celle des sires de Neufchâtel dès la création de la seigneurie de Blamont en 1283. L’un de ces fiefs était possédé par les nobles de Glay, qui l’avaient probablement acheté de l’église de Grangourt mentionnée plus haut. Vuillaume et Perrin de Glay, chevaliers, étaient le premier en 1325 et le second en 1336 vassaux de la maison de Neufchâtel pour les possessions qu’ils avaient sur les territoires de Glay et de Blamont. Jean de Glay, un de leurs descendants était vassal de Thiébaud de Neufchâtel pour les mêmes biens en 1387. En lui s’éteignit la race des nobles de Glay en 1420. Jeannette de Velleperrot, sa veuve, instituée en héritière, fit reprise des mêmes biens au sire de Neufchâtel en 1421. Le fief dont il s’agit passa successivement aux seigneurs de Rocourt et de Neuverache, puis vers 1540 à Luc de Reischach, d’origine suisse. Les héritiers de ce dernier le vendirent au comte Frédéric de Montbéliard, qui le réunit au domaine direct de sa seigneurie de Blamont à la fin du 16 er siècle.

NOTE A PART

En 1289 Othon, comte de Bourgogne, voulut que Thiébaud de Neufchâtel reprit de lui en fief Blamont, le Chatelot et tout ce qu’il tenait de son partage dans la succession du comte Thierry III de Montbéliard, son aïeul maternel.
En novembre 1294, Othon de Bourgogne commanda à Thiébaud de Neufchâtel d’entrer en la féodalité de Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard pour son partage des biens du comte Thierry III à l’exception de Blamont.
Le 1er février 1294 (vieux style) correspond au 1er février 1295, Thiébaud de Neufchâtel se reconnut homme lige de Renaud, comte de Montbéliard, et déclara tenir de lui en fief tout son partage de la succession de Thierry III, savoir le Chatelot et ses dépendances, le château et le fief de Cuisance et le fief de Belmont, à l’exception de Blamont qui devait rester fief d’Othon de Bourgogne.

SUITE DU TEXTE
Un autre fief situé sur le territoire de Blamont était possédé par les nobles de Roche. Le premier de ces seigneurs qui nous soit connu est Thiébaud de Roche, il vivait en 1310 et en 1320 (?). Jean de Roche, doyen, son fils, vivait en 1345. Perrin de Roche, qui était châtelain de Blamont pour le sire de Neufchâtel en 1363, lui fit hommage pour le fief ci dessus dénommé. Décédé après 1386, il laissa plusieurs enfants, qui, du consentement du suzerain, prirent le nom de Blamont. Les plus connus de ces enfants sont : Jean de Blamont, écuyer, mentionné dans des titres de 1397, de 1402, et de 1406 ; Thiébaud de Blamont, écuyer, qui en janvier 1420 (vieux style) reconnut tenir en fief de Thiébaud de Neufchâtel les biens qu’il avait à Roche et à Blamont, et ce qu’il avait par indivis avec les fils de son père Jean de Blamont décédé ; et Jacquot de Blamont écuyer. Celui ci obtint en 1446, par échange, ce que les sieurs de Tavanne (d’origine suisse) possédaient du fief de la seigneurie de Blamont à Abbévillers et à Marchelavillers, son annexe. Celui ci eut 2 enfants, Thiébaud et Isabelle. Thiébaud, qui était un vaillant militaire, fut tué dans les guerres de 1474, dites guerres de Bourgogne. Sa sœur Isabelle, qui avait épousé Ferry de Lignéville, seigneur de Fantonville en Lorraine, recueillit tous les biens de sa famille à Blamont, à Roche, à Autechaux, et à Abbévillers. Ses descendants, les sieurs de Lignéville Fantonville, vendirent les dits biens au comte Frédéric de Montbéliard, qui les réunit au domaine direct de la seigneurie de Blamont en 1585.

Un 3eme fief sur le territoire de Blamont appartenait aux seigneurs de Mandeure, Jean le Montagnon dit de Trévillers, seigneur de Mandeure, décédé en 1495, laissant en 1495 le fief en question à ses deux filles Isabelle et Charlotte de Trévillers, qui le partagèrent entre elles. Isabelle de Trévillers, mariée à Guillaume de Coeuve (d’origine suisse), transmit sa portion de fief à sa fille Marguerite de Coeuve, épouse de Henri de Chartron. Celui-ci vendit en 1536 ladite portion de fief avec ses possessions de Mandeure, d’Aibre et de Semondans à Jean Guillaume Brinighoffen, écuyer, seigneur de Mailleroncourt, qui remplit les devoirs de vassal en 1547 tant pour ses possessions de Mandeure, d’Aibre et de Semondans, situées dans le comté de Montbéliard, que pour ses possessions de Blamont, d’Ecurcey de Pierrefontaine, situées dans la seigneurie de Blamont. Les descendants du sieur de Brinighoffen vendirent le tout en 1583 au comte Frédéric de Montbéliard, qui en fit la réunion à son domaine direct. Charlotte de Trévillers, mariée à Thierry de Blittersvick, écuyer, transmit sa portion de fief de Blamont, ainsi que ses possessions de Mandeure à son fils Antoine de Blitterswick, écuyer ; celui-ci transmit à son tour les dits biens à sa fille Françoise de Blitterswick, mariée à Nicolas de la Verne, écuyer, seigneur de Vellechevreux, qui prêta foi et hommage au comte de Montbéliard en sa qualité de seigneur de Blamont en juillet 1544. Les descendants du sieur de la Verne en ont joui jusqu’en 1602, époque où le comte Frédéric de Montbéliard en fit acquisition, et en opéra la réunion à son domaine direct

Enfin les seigneurs de Dampierre-sur-le-Doubs, qui possédaient déjà avant l’an 1380 un petit fief sur le territoire de Roche, acquirent aussi sur le même temps ou peu après des possessions féodales sur celui de Blamont.
Jean de Melligny, écuyer, seigneur de Dampierre-sur-le-Doubs, reprit de fief ce qu’il tenait à Blamont et à roches en juillet 1544. Les biens dont il s’agit furent réunis au domaine de la seigneurie de Blamont par le comte Frédéric vers la fin du 16er siècle.

L’archevêque de Besançon jouissait dès le 14er siècle du tiers des dîmes recueillies sur le territoire de Blamont, ainsi que d’autres portions de dîmes à Glay, à Seloncourt, à Bondeval etc... Il ne s’en vit point privé lors de la réformation religieuse du 16er siècle, et il put les conserver jusqu’à la révolution française de 1789.

On a déjà vu que le prieuré de Dannemarie avait sur le territoire de Blamont des terres dont il resta propriétaire jusqu’à sa suppression prononcée lors de la Réformation religieuse du 16eme siècle.

Aussitôt que Thiébaud IV de Neufchâtel eut obtenu la seigneurie de Blamont en 1283, il ne manqua pas de pourvoir à son administration civile, judiciaire et militaire. Le châtelain de Blamont, résidant au château du lieu fut le chef de cette administration. Après lui venait le maire de Blamont, chargé de l’exécution des règlements de police, de la surveillance sur le paiement des revenus seigneuriaux, et de la tenue d’une basse justice. Dans les villages se trouvaient des jurés, ou prud’hommes, soumis au châtelain. C’est à la justice du châtelain que se portaient les appels de la justice du maire de Blamont et des justices inférieures tenues par les seigneurs des différents fiefs du ressort de la seigneurie de Blamont.

Quand Blamont fut devenu chef-lieu de seigneurie, il lui fallut une halle pour la vente des grains avec un étage au dessus pour la tenue de la justice. Cette construction fut faite probablement sur la fin du 13eme siècle par Thiébaud IV de Neufchâtel, avec le secours de ses sujets de la terre. Le bâtiment des halles, situé dans l’intérieur de Blamont, près de l’église fut reconstruit en 1655.

Thiébaud V, sire de Neufchâtel, qui succéda vers le commencement de 1308 à son père Thiébaud IV, se montra bon et généreux envers ses sujets. Il accorda des franchises importantes aux habitants de L’Isle-sur-le-Doubs par un acte du jeudi avant L’Ascension (mois de mai) 1308 , à ceux de Blamont par un acte du mois de décembre 1308, et à ceux de Neufchâtel par un acte de l’an 1311. Ces trois actes sont semblables les uns aux autres sauf pour ce qui concerne les bois. Voici l’analyse de l’acte concernant Blamont :
« Les bourgeois de Blamont, tant ceux de la halle que ceux du bourg-Dessous, sont exempts de la main morte ; eux, leurs serviteurs et leur bétails sont libres de toute espèce de servitudes et de corvées à l’exception de l’ost et de la chevauchée et de l’aide aux quatre cas. Les bourgeois possédant des terres paieront à chaque Saint Martin d’hiver 18 deniers, monnaie du pays, au sire de Blamont, et de plus par bête d’attelage 12 deniers et une quarte de froment avec autant d’avoine. Les bourgeois ayant des terres sans bétail livreront au seigneur à chaque Saint Martin une quarte de grains, moitié froment et avoine, et de plus 6 deniers de monnaie. Ceux qui manqueront de s’acquitter du dit cens au jour ci dessus indiqué, seront punis par une amende de trois sous. Les bourgeois resteront d’ailleurs assujettis aux amendes selon les us et coutumes de Montbéliard. Ils devront payer la moitié des vaites ou guets au bourg de Blamont et le seigneur de Blamont, l’autre moitié ; et celui ci devra payer les portiers entièrement. Moyennant faisant et payant ces choses, les sujets de Blamont seront perpétuellement francs et quittes de toute autre servitude, exaction, tailles, corvées et charruages. Ils auront pour leur fuage tout le mort-bois ; ils auront aussi au bois de Lomont le bois nécessaire pour voitures, pour charrues et pour construction de maison, de telle sorte que le sire de Blamont établira 2 prudhommes chargés de délivrer le bois aux bourgeois de Blamont en la forme et en la manière dessus dite. Ils auront aussi la faculté de prendre dans les forêts du Lomont et d’y couper le mercain pour chariots, charrettes et charrues, mais 2 hommes établis par le seigneur devront leur indiquer les pièces de bois à couper, s’ils se permettent de les abattre d’eux même, le forestier du seigneur pourra les mettre à l’amende.
Ils auront aux autres bois du finage de Blamont comme d’ancienneté. Ils pourront vendre et acheter les uns des autres maisons et héritages, mais ils seront tenus pour ces ventes ou achats du droit de sel fixé à 2 deniers par livre, ainsi qu’au retrait féodal des héritages ou des biens pour 12 deniers de moins que le prix arrêté avec l’acheteur. Le seigneur ne pourra attenter à la liberté d’aucun bourgeois si ce n’est pour cas de meurtre, de trahison ou de larcin, ou pour impôt non payé. S’il arrive qu’on prenne des bourgeois de Blamont ou leurs biens ou quelque lieu que ce soit, le seigneur devra châtier, pourchasser et garantir la personne et les choses prises. Les bourgeois de Blamont pourront aussi demeurer où bon leur semblera, emmenant leurs meubles après avoir toutefois recommandé à Dieu le seigneur et la dame de Blamont. Ils pourront en payant 18 deniers au seigneur recevoir en leurs franchises tout individu comme bourgeois, sauf les gens taillables envers le seigneur de Blamont. »

NOTE A PART
Comme on le voit encore par l’acte de 1308, la ville de Blamont formait très anciennement deux bourgs ou quartiers fortifiés, le bourg de la Halle et le bourg-Dessus. Les deux bourgs furent réunis en un seul dans le 15er siècle.

SUITE DU TEXTE
Comme on le voit dans l’acte ci-dessus, le seigneur de Neufchâtel se réserva expressément de la part des bourgeois de Blamont l’ost et la chevauchée ou service militaire à pied ou a cheval, l’aide aux quatre cas ou impôt à payer lorsque le seigneur serait fait chevalier, lorsqu’il marierait sa fille, lorsqu’il partirait pour la croisade ou irait en Terre Sainte, et lorsqu’il serait fait prisonnier pour sa rançon ; il se réserva encore le droit de sel perçu par un tabellion et le retrait féodal. Parmi les amendes auxquelles devaient rester assujettis les bourgeois de Blamont selon les us et coutumes de Montbéliard se trouvaient les droits de dîmes, de minage, de moisture (?) de four, d’angal, et de banvin. Le mot amende avait alors la signification d’impôt, de charge seigneuriale. Les vaites ou guets, dont la moitié devait être payée par les bourgeois de Blamont, avaient pour mission de faire le guet de nuit du haut des remparts et de signaler tout ce qui leur paraîtrait remarquable, dans le but d’empêcher toute surprise ou invasion.

Les franchises de Blamont de l’an 1308 étaient moins importantes que les franchises accordées aux habitants de Montbéliard en 1283 et à ceux de Belfort en 1307 par Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard, et aux habitants d’Héricourt en 1374 par les ducs Albert et Léopold d’Autriche, leurs seigneurs. Les franchises de Blamont ne concernaient que les redevances féodales, tandis que les franchises des trois autres villes concédaient non seulement des redevances féodales, mais autorisaient encore l’élection d’un magistrat ou conseil communal composé de 9 membres dits maitres-bourgeois pour l’administration communale et la justice inférieure sur les habitants de la localité. Toutefois, vers le milieu ou dans la 2er moitié du 14er siècle, Blamont obtint un magistrat ou conseil communal électif, comme on le verra plus loin.

Thiébaud VI, sire de Neufchâtel, qui succéda en 1337 à son père Thiébaud V, prit part à différentes guerres qui de son temps dévastèrent la Franche -Comté, mais il fut loin d’être toujours heureux dans ces guerres. Il éprouva des revers dans les hostilités que de concert avec Jean, sire de Faucogney, et Jean de Chalons, baron d’Arlay II, il eut contre Eudes IV, duc et comte de Bourgogne, de 1346 à 1347. Othe, seigneur de Granson, lieutenant d’Eude, parcourut les terres de Thiébaud de Neufchâtel, et y fit de grands ravages en janvier 1346 (vieux style). La seigneurie de Blamont ne fut sans doute pas épargnée dans ces désastres, et il est à croire que le hameau de Mossonvillers, qui était de son ressort, subit alors une destruction complète. Une convention conclue en 1348 fit cesser les troubles. Après les calamités de la guerre vinrent celles d’une peste affreuse. Ce terrible fléau sévit dans la Franche Comté en 1349 ; plus de la moitié de la population périt.

Il existait déjà à la fin du 13eme siècle une église paroissiale à Blamont ; la fondation en remonte sans doute à une époque plus reculée, que l’on ne saurait déterminer. Cette église, dédiée à la Purification de Notre Dame, était de la collation de l’archevêque de Besançon, c’est à dire qu’il en nommait le curé sans présentation faite par un patron. Dans la même église se trouvaient deux chapelles, dédiées, l’une à Notre Dame et l’autre à Saint- Nicolas, toutes deux du patronage du sire de Neufchâtel en sa qualité de sire de Blamont. Le curé jouissait de revenus considérables.

Thiébaud VI de Neufchâtel crut faire une œuvre agréable à Dieu en fondant en 1351 un hôpital sous le nom et en l’honneur de Saint- Georges à Blamont près de la porte du Bourg-Nouveau. Il le dota très généreusement. Entre autres bienfaits, il lui accorda le patronage des églises de Dampierre sur le Doubs, de Colombier Fontaine, de Villars-sous-Ecot, de Lougre, de Roche-les-blamont, de Montéchéroux, avec les revenus y annexés, une dîme à Hérimoncourt, avec diverses rentes et héritages. Cet hôpital, qui renfermait une chapelle dédiée à Saint-Eloi, subsista jusqu’à la réformation religieuse du 16er siècle.

Il est à croire que c’est à partir du milieu ou de la 2eme moitié du 14eme siècle que la ville de Blamont a jouit du droit d’élire chaque année parmi ses habitants un magistrat ou conseil communal, chargé de veiller au maintien de l’ordre et de la police sur tout son territoire, et d’administrer les revenus communaux, et que ce droit lui a été accordé soit par Thiébaud VI de Neufchâtel ci dessus mentionné, soit par son fils Thiébaud VII, qui lui succéda en 1361. Le magistrat de Blamont était composé d’un premier maître bourgeois et de trois notables ou échevins (appelés aussi jurés), qui ne devaient rester en fonction qu’une année, mais qui étaient rééligibles ; les chefs de famille jouissant du droit de bourgeoisie étaient seuls électeurs.

Le maire de Blamont, nommé par le seigneur, avait la préséance sur le magistrat du lieu. Il faut savoir qu’au 14eme siècle, les fonctions de maire, comme celles de châtelain, n’étaient confiées qu’à des personnes de race noble. Ainsi Simonnet de Roche, écuyer, était maire de Blamont pour le seigneur de Neufchâtel en 1326. Perrin de Glay, écuyer, était châtelain de Blamont pour le sire de Neufchâtel en 1363. Le magistrat de Blamont a subsisté jusqu’en 1765, comme on le verra.

Lorsque la ville de Blamont fut pourvue d’un magistrat électif, elle ne tarda pas à obtenir des armoiries, comme en avait Montbéliard, Héricourt, Belfort et d’autres chefs-lieux de seigneurie des environs. Les armoiries de la ville de Blamont étaient :
« d’argent à 3 montagnes d’azur, 2 et 1 ».
La seigneurie de Blamont avait aussi les siennes, elles étaient :
« part de sable et d’or. »

Il n’y eu jamais d’affranchissement de la main morte prononcée en faveur de la généralité des habitants des villages de la seigneurie de Blamont, mais il y eut des affranchissements de plusieurs familles de ces villages dès le 16eme siècle au 18eme siècle. Il faut faire observer que ceux des habitants de la campagne qui furent rendus francs de la main morte, restèrent assujettis à tous les autres droits seigneuriaux, nommément aux tailles et aux corvées.
Toutefois le sort des habitants de la campagne en général s’améliora dans la suite des temps, le seigneur se montra moins exigeant à leur égard.

Un prévôt fut institué à Blamont vers le milieu du 14eme siècle ou vers la fin de ce siècle pour exercer la justice inférieure sur ceux des habitants des villages qui dépendaient directement du domaine de la seigneurie, c’est à dire qui n’étaient compris dans aucun fief. Les appels de la justice du prévôt de Blamont se portaient devant celle du châtelain du lieu.

NOTE A PART
Il faut savoir que parmi les prérogatives dont jouissait le magistrat de Blamont, se trouvait celle d’avoir entre ses mains les clefs de la ville. Cela devait paraître d’ailleurs assez juste, attendu que les habitants étaient chargés de l’entretien d’une partie des remparts de la ville. Il y avait la porte du Bourg-Dessus et la porte-Devant, l’une et l’autre étaient précédées d’un pont-levis. Quant aux clefs des portes du château de Blamont elles étaient confiées à la garde du commandant militaire.

SUITE DU TEXTE

Dès 1365 à 1375 il y eut de nombreuses incursions des Grandes Compagnies et des Tard-Venus dans une bonne partie de la Franche Comté, où d’affreux dégâts furent commis. Les différentes seigneuries du sire de Neufchâtel, notamment la seigneurie de Blamont, ainsi que le comté de Montbéliard et ses dépendances, ne manquèrent pas d’en souffrir considérablement.

Par acte fait à Neufchâtel le 2 juillet 1370, Thiébaud VII, sire de Neufchâtel, concéda l’angal ou impôt sur la vente du vin qui se percevait à Blamont et sur toute la chatellenie, aux bourgeois de Blamont, sur leur demande, à condition que ceux- ci en emploieraient le profit à ’entretien des murs d’enceinte des deux bourgs de Blamont, et, si cela se pouvait, aux réparations de l’église paroissiale. L’angal se payait à raison de 4 channes (ou pots) par muid. Il devait être amodié par les bourgeois ou leurs jurés au plus offrant et pour la plus grande somme que possible. Le receveur de ce droit était tenu de rendre compte une fois par année ou plusieurs au besoin en la présence du châtelain de Blamont et des bourgeois du lieu. On sait que les bourgeois de Blamont devaient veiller à la sûreté de leur ville. Les clés étaient mêmes entre les mains de leur maîtres bourgeois.

Thiébaud VII de Neufchâtel fut pour son temps un riche et puissant seigneur. Il avait hérité de son père Thiébaud VI, outre les seigneuries de Blamont, de Clémont et de Chatelot, qui étaient d’anciennes dépendances du comté de Montbéliard, celle de Neufchâtel, de L’Ile-sur-le-Doubs et plusieurs autres situées en Franche Comté.
Marié vers 1350 à Marguerite, fille d’Henri de Bourgogne, seigneur de Montaigu et de Montrond, il réunit aux biens de sa maison non seulement une partie de ceux de son beau-père, mais encore tous ceux de son beau-frère mort en 1373 sans postérité légitime. Il acheta encore pour une somme de 11200 florins d’or en 1377 l’importante seigneurie d’Héricourt, qui est restée entre les mains de ses descendants jusqu’en 1506.

En 1385, le 25 mars ( vieux style ), Thiébaud VII de Neufchâtel reprit de fief de Philippe le Hardi, comte de Bourgogne, et de Marguerite, son épouse, Blamont et la chatellenie avec d’autres terres qu’il avait dans la Franche Comté, et il en fit un dénombrement très détaillé. On voit par ce dénombrement que Blamont avait alors des fossés et 160 bourgeois, chefs de famille. Les terres de Clémont, de Chatelot et d’Héricourt ne furent pas mentionnées dans le dénombrement dont il s’agit, attendu qu’elles n’étaient pas considérées comme des fiefs de Franche Comté.

A Thiébaud VII succéda en 1401 son petit fils, Thiébaud VIII. Celui-ci donna le 14 juin 1407 son dénombrement pour la seigneurie de Blamont à Jean sans Peur, comte de Bourgogne. Mais il ne remplit aucun devoir de vassal pour les seigneuries de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot, qui étaient franches de toute supériorité.

En 1424, il éclata une guerre de désolation entre Thiébaud VIII, sire de Neufchâtel, et Jean de Fleckenstein, évêque de Bâle, à l’occasion de certaines terres que celui-ci réclamait, et que l’autre refusait de lui restituer. Le prélat, avec l’aide des Bâlois et de plusieurs seigneurs, envahit les terres du sire de Neufchâtel. Il s’empara du bourg de Clémont, et mit le feu aux châteaux voisins. Blamont résista, mais Héricourt fut pris le 11 novembre 1425 après un siège de quelques jours. Thiébaud VIII lui-même fut fait prisonnier par les Bâlois à la suite d’un combat malheureux. A la paix conclue en 1427, Thiébaud recouvra la liberté, mais il dut payer pour sa rançon une forte somme, il dut encore restituer à L’évêque de Bâle des terres situées en Suisse, mais il recouvra la seigneurie d’Héricourt.

A la suite des guerres civiles qui avaient désolé la France, des compagnies mercenaires, sans solde et sans emploi, infestaient le royaume. Dès 1437 à 1440 ces bandes d’aventuriers, accoutumées à vivre de pillage, à qui la haine du peuple avait donné le nom d’Ecorcheurs, dévastèrent à différentes reprises le comté de Bourgogne, l’Alsace et la Lorraine ; ils n’épargnèrent pas plus les terres de Thiébaud VIII de Neufchâtel que le comté de Montbéliard. Le seigneur ne put les empêcher d’entrer dans les châteaux de Blamont et de Clémont, qu’il leur reprit bientôt après ; mais il parvint à défendre contre eux la place d’Héricourt. Quant aux villages de la terre de Blamont, ils ne manquèrent pas de souffrir extrêmement des incursions des Ecorcheurs. On peut admettre que le village de Chamabon fut détruit par eux vers 1438, et que ceux de ses habitants qui survécurent, se retirèrent à Autechaux et à Ecurcey ; car son territoire se trouvait confondu dans celui de ces deux derniers villages avant l’an 1442.

Il est à croire que Thiébaud VIII, qui vécut jusqu’en mars 1458 (vieux style), céda dès l’an 1439 à son fils Thiébaud IX les seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt ou qu’il se l’associa dans le gouvernement de ces terres ; ce qui est certain, c’est que Thiébaud IX prenait en cette année là le titre de seigneur de Blamont.

Thiébaud IX se distingua dès son jeune âgé non moins par sa sagesse et sa prudence que par sa bravoure militaire ; il brilla au premier rang parmi la noblesse du comté de Bourgogne par les hauts emplois dont il fut revêtu, et par les affaires importantes dont le maniement lui fut confié ; il mérita bien le titre de maréchal de Bourgogne qui lui fut accordé en 1443 par Philippe le Bon, duc et comte de Bourgogne, et de les conserver jusqu’à la fin de ses jours.

Au mois d’août 1444, Louis, Dauphin de France, depuis roi sous le titre de Louis XI, marchant contre les Suisses avec plusieurs corps d’aventuriers connus sous le nom d’Ecorcheurs ou d’Armagnacs en laissa un bon nombre à Montbéliard pour y tenir garnison. Ces troupes indisciplinées se répandirent bientôt dans les environs de cette ville pour y commettre des pillages et des dégâts. Thiébaud IX de Neufchâtel garantit de leurs insolences les châteaux d’Héricourt, de Blamont, de L’Isle-sur-le-Doubs et autres appartenant à sa famille, en y mettant des garnisons suffisantes.

Thiébaud IX se montra toujours animé de bonnes dispositions envers les habitants de ses différentes terres, il affectionnait particulièrement ceux de Blamont ; il se plaisait dans le château de ce lieu, et y venait résider de temps à autre. Par un acte de l’an 1446, il permit aux habitants de Blamont de s’entremettre dans les communaux du territoire qu’ils trouveraient être en bois, buissons ou ruines, de les essarter ou de réduire en champs, prés vergers, curtils et oiches pour les garder en héritages perpétuels. Il mourut le 4 décembre 1469 à l’âge de 57 ans, vivement regretté de ses sujets. Il fut enterré dans l’église de l’abbaye de Lieucroissant (dite aussi Trois Rois), près de L’Isle-sur-le-Doubs.

Après la mort de Thiébaud IX, ses trois fils, Henri, Claude et Guillaume se partagèrent ses états. Henri, qui était l’aîné, eut les seigneuries de Neufchâtel, de Pont de Roide, de Bourguignon, de Blamont, de Clémont, d’Héricourt, de Châtelot, de Chatel sur Moselle. Claude eut entre autres la seigneurie de Fay en Franche Comté et Guillaume, celle de Montrond dans la même province.

Dans la guerre dite de Bourgogne, qui éclata au commencement de 1474 entre le duc Sigismond d’Autriche, possesseur d’une partie de la Haute Alsace, et les Suisses d’une part, et Charles la Téméraire, duc et comte de Bourgogne, d’autre part, les sires de Neufchâtel embrassèrent le parti de ce dernier prince dont ils étaient vassaux pour plusieurs de leurs terres, et il en résulta pour eux les plus grands malheurs. Emportés par le désir de venger les horribles excès commis dans le comté de Ferrette par Etienne de Hagenbach, lieutenant de Charles le Téméraire, 400 à 500 paysans de cette contrée tentèrent de s’emparer de Blamont le 24 août 1474, après avoir commis des ravages dans les environs. Leur poudre se trouvant mouillée par la pluie qui était tombée tout le jour, ils ne purent ni attaquer ni se défendre et il en périt un grand nombre. La guerre ne tarda pas à se montrer défavorable à Charles le Téméraire et à son parti. Les confédérés composés d’Alsaciens, d’Autrichiens et principalement de Suisses, au nombre de 18000, profitèrent de l’éloignement de Charles le téméraire, occupé à guerroyer dans l’archevêché de Cologne, pour entrer en Franche Comté. La place d’Héricourt fut d’abord attaquée le 31 octobre 1474, elle fut prise le 7 novembre suivant après une sanglante bataille livrée dans les environs. Le duc Sigismond d’Autriche fit occuper sur le champ Héricourt et toute la seigneurie, qui fut ainsi enlevée à la maison de Neufchâtel. Les confédérés se répandirent immédiatement après par la Franche Comté qu’ils dévastèrent, ils laissèrent des traces de pillage et d’incendie depuis Luxeuil jusqu’à la vallée de Morteau. Ils prirent enfin la résolution de se retirer chacun chez eux à la fin de 1474.

Dès le printemps de 1475 les suisses et leurs alliés revinrent en Franche Comté pour la ravager. En mai de cette année une armée bourguignonne vint les en chasser, elle ne manqua pas de dévaster le comté de Montbéliard, qui était entré dans l’alliance des Suisses, mais elle ne put s’emparer ni de Montbéliard ni d’Héricourt. Les Suisses et leurs confédérés, secondés par des troupes de Lorraine et de Champagne, revinrent une seconde fois dans la franche Comté en 1475, et ils résolurent de s’emparer de Blamont, dont la garnison bourguignonne ne cessait de causer des ravages autour de Montbéliard et de Porrentruy. Il faut savoir que Blamont était alors une des plus fortes places des environs. Blamont, par sa situation, commandait le terrain d’alentour. La place avait des murs d’une grande épaisseur et des remparts solides. Elle était abondamment pourvue de vivres et de munitions de guerre. Environ 4000 Suisses arrivèrent devant Blamont le 31 juillet 1475, et en firent le siège avec 4 grosses pièces de canon.
Lorsque les attaques furent suffisamment avancées, on résolut de donner l’assaut. Des haies, des palissades, des chausse-trapes, rendaient plus difficile l’approche des murailles. Cependant les assaillants parvinrent jusqu’aux remparts, au milieu d’une grêle de pierres et de traits, mais ils ne purent s’y maintenir, faisant des pertes trop considérables. La garnison n’en devint que plus audacieuse. Le bruit s’étant répandu que Charles le Téméraire avait conquis la Lorraine, et qu’un de ses généraux s’avançait à la tète d’une armée pour secourir la place, plusieurs chefs des Suisses étaient d’avis qu’il fallait se retirer, lorsque l’avoyer Nicolas de Scharnachtal arriva de Berne avec 2500 hommes, apportant des ordres pressants de continuer le siège ; il remplaça dans le commandement Nicolas de Diesbach, qui venait de mourir à Porrentruy des suites d’une blessure. Une maladie épidémique enlevait beaucoup de monde à la garnison, tandis qu’une grande couleuvrine, placée dans une position avantageuse, causait un grand dégât dans la ville. L’espoir trompé d’un prochain secours et la certitude que les assiégeants avaient reçu de Berne des renforts considérables, jetèrent le découragement dans la garnison, et le commandant fut réduit à capituler vers le milieu du mois d’août suivant, sous la condition d’une libre retraite. Il sortit de la place avec 400 hommes, s’estimant heureux d’échapper à la peste et à la vengeance des Suisses. On enleva les 16 boutons d’or qui formaient les armes de la ville, 8 tonneaux de poudre, beaucoup de munitions de guerre, et tout l’attirail des vivres pour deux ans. Après avoir fait sauter la place de Blamont avec toutes ses fortifications, les Suisses se dirigèrent d’un autre côté.
L’hiver de 1475 à 1476 n’arrêta pas les invasions des partis. Les Suisses, s’étant de nouveaux rendus maîtres de Blamont le 28 février de cette dernière année, livrèrent aux flammes son château. Ils s’emparèrent peu de jours après du château de Clémont, qui eut le même sort. Les seigneuries de Pont de Roide, de Chatelot et de L’Isle-surle- Doubs furent encore enlevées en 1476 à la maison de Neufchâtel.

Dans le traité de paix conclu à Zurich le 28 mai 1477 entre Marie de Bourgogne, fille et unique héritière de Charles le Téméraire, d’une part et les confédérés d’autre part, il fut convenu que les châteaux et leurs dépendances qui étaient occupés par les armées des alliés, resteraient entre les mains de ceux qui les avaient conquis. Ainsi L’évêque de Bâle, prince de Porrentruy, conserva les seigneuries de Blamont, de Clémont et de Pont de Roide occupées par ses troupes. Le duc Sigismond d’Autriche conserva de même les seigneuries d’Héricourt, de Chatelot et de L’Isle-sur-le-Doubs.

Henri de Neufchâtel, fait prisonnier pendant la guerre de Bourgogne, n’avait pas été compris dans le traité de Zurich et il était encore détenu lorsque son frère Claude de Neufchâtel fit les plus vives instances auprès de L’évêque de Bâle pour que celui-ci rendit à sa famille les 3 seigneuries de Blamont, de Clémont et de Pont de Roide. Le prélat y donna son consentement en vertu d’un acte signé à Blamont le 19 juillet 1478 entre son fondé de pouvoir et celui des frères Claude et Henri de Neufchâtel, se réservant et retenant seulement les revenus, hommes et sujets que les sires de Neufchâtel avaient à cause de la seigneurie de Blamont aux villages de Grandfontaine, Damvant et Réclère, qui étaient limitrophes de la seigneurie de Porrentruy, et qui demeurèrent dès lors réunis à cette seigneurie.
L’acte du 19 juillet 1478 portait cette clause remarquable que L’évêque restituait les seigneuries en l’état où elles étaient, et sous le même droit que L’évêque les avait possédées, c’est à dire avec la souveraineté que le droit de guerre et le traité de Zurich avaient remise entre ses mains, et dont il avait joui pendant tout le temps qu’elles étaient restées en sa domination. Dès ce moment là, il ne fut plus fait de reconnaissance de fief de la seigneurie de Blamont envers le comté de Bourgogne ou Franche Comté. La supériorité du comté de Bourgogne avait été éteinte par le droit de guerre. Néanmoins les sires de Neufchâtel, en leur qualité de seigneur de Blamont, conservèrent la supériorité et la haute justice sur les sujets et sur les biens que le prieuré de Dannemarie avait à Damvant et à Réclère. Il parait que ce prieuré n’avait point de sujets à Grandfontaine, mis seulement des possessions en terres et en revenus.

Claude de Neufchâtel, bien que son frère Henri eut retrouvé en 1479 la liberté moyennant rançon, crut qu’il pouvait s’adresser seul en 1480 à Maximilien d’Autriche, depuis empereur d’Allemagne, à qui son cousin Sigismond d’Autriche avait cédé toutes ses possessions de la Haute Alsace avec les seigneuries d’Héricourt, de Châtelot et de L’Isle-sur-le-Doubs, pour réclamer ces 3 seigneuries qui avaient appartenu à sa famille. Maximilien céda aux instances de Claude, qui était venu le trouver en Allemagne, et il lui restitua les seigneuries en question.

La maison de Neufchâtel ne devait plus conserver longtemps les terres qui venaient de lui ètre rendues tant par L’évêque de Bâle que par Maximilien d’Autriche. Henri de Neufchâtel, ancien lieutenant du gouverneur du comté de Bourgogne, après avoir été délivré de sa captivité en 1479, ne vint pas résider dans son pays natal. Après avoir demeuré longtemps à Chatillon-sur-Moselle, il mourut à Blois en juin 1504, sans laisser d’enfants, il eut pour héritiers ses frères Claude et Guillaume de Neufchâtel. Claude de Neufchâtel ne fit non plus sa résidence ni à Blamont ni à Héricourt ni dans aucune autre de ses terres des environs. Après avoir été attaché à la cour de l’empereur Maximilien d’Allemagne, il entra dans celle de son frère Philippe-le-Beau, comte de Bourgogne et fut l’un de ses conseillers et chambellans. Il ne survécut qu’environ 10 mois à son frère Henri, il le suivit dans la tombe en avril 1505, ne laissant que des filles. Le plus jeune des frères, Guillaume de Neufchâtel, recueillit alors tous les domaines de sa maison. Il mourut lui-même après le 27 septembre 1505 et sur la fin de cette année sans avoir été marié.

Après la mort de Guillaume de Neufchâtel, toutes les seigneuries de sa succession devaient passer à ses cousins, les frères Ferdinand de Neufchâtel, seigneur de Montaigu, et Jean de Neufchâtel, seigneur de Saint- Aubin. Mais Guillaume de Neufchâtel venait à peine d’expirer, que Guillaume, comte de Furstemberg, qui avait épousé Bonne de Neufchâtel nièce dudit Guillaume et fille de Claude, se saisit à main armée de presque toutes les seigneuries dont il s’agit, et il parvint à s’y maintenir après en avoir pourvu les chefs lieux de garnisons suffisantes. parmi ces seigneuries se trouvaient celles de Blamont, de Clémont, d’Héricourt, de Chatelot, de L’Isle-sur-le- Doubs, de Neufchâtel et de Pont de Roide.


CHAPITRE III : SEIGNEURIE DE BLAMONT POSSEDEE PAR LES COMTES DE MONTBELIARD EN SOUVERAINETÉ, DES 1506 A 1676

Ferdinand et Jean de Neufchâtel ne se contentèrent pas de protester contre l’usurpation des terres de la maison de Neufchâtel commise par Guillaume de Furstemberg. Dès le 27 Novembre 1505, ils lui intentèrent un procès devant le parlement de Dole. Au début même de l’instance, par un traité fait à Stuttgart le 4 mars 1506, ils vendirent au duc Ulric de Wurtemberg, comte de Montbéliard, tous leurs droits sur les 4 seigneuries d’Héricourt, de Blamont, de Clémont et de l’Isle-sur-le-Doubs, à charge par lui de les recouvrer à ses propres frais. Ulric de Wurtemberg entra alors en possession légale de la seigneurie de Blamont, dont s’était déjà saisi en son nom le bailli de Montbéliard Jean-Edgard de Bubenhoffen, aidé des sujets du comté de Montbéliard et de ceux des terres d’Etobon, et de Riquevihr en Alsace.

NOTE A PART

Une petite garnison fut mise dans le château de Blamont dès que le bailli de Montbéliard s’en fut emparé en 1506. On ne tarda pas à réorganiser l’administration de cette seigneurie. La place de châtelain déjà existante dans les temps antérieurs fut maintenue. Le châtelain était le plus haut fonctionnaire de la seigneurie, l’autorité civile, judiciaire et militaire lui appartenait en première instance. On nomma aussi de nouveaux maires pour les villages et autres fonctionnaires.

SUITE DU TEXTE

Le 6 avril 1506, l’Empereur Maximilien d’Allemagne, comme administrateur du comté de Bourgogne pour son petit fils Charles d’Autriche, fils de Philippe le Beau, depuis Charles Quint empereur, manda au procureur général près le baillage d’Amont ( séant à Vesoul ) de mettre la main sur les places, terre et seigneurie de Blamont, avec les fruits, rentes, et revenus en dépendant, comme chose de son fief, attendu qu’Ulric, duc de Wurtemberg, en avait pris la possession réelle sans son consentement. Le mandement de Maximilien demeura nul et sans effet, parce que la seigneurie de Blamont n’était pas alors de la juridiction du comté de Montbéliard.

Le comte Guillaume de Furstemberg se maintint en possession des terres de la succession de Neufchâtel dont il s’était saisi, non sans que le duc Ulric de Wurtemberg protestât pour celles de ses seigneuries. Dès la fin de 1515 la mésintelligence entre eux fut plus forte qu’auparavant. Guillaume manifesta même des intentions hostiles, il s’était ménagé des intelligences à Montbéliard et à Blamont, mais le gouvernement de Montbéliard s’était hâté de renforcer les garnisons de ces deux places. Il fit renforcer les fortifications de Blamont, comme celles de Montbéliard, et il donna l’ordre d’exercer les habitants du pays au maniement des armes. Les mesures et l’arrestation des traîtres qui devaient seconder Guillaume dans ses projets de surprise les firent avorter. Au bout de quelques années, dans les premiers mois de 1519, lorsque le duc Ulric fut sur le point d’être expulsé de ses états de Wurtemberg, Guillaume crut le moment favorable de renouveler ses tentatives. Sans aucune déclaration de guerre, aidé par ses sujets de Clémont et de Neufchâtel et par ceux du prieuré de Lantenans, il envahit à main armée en mai 1519 les seigneuries de Grange et d’Etobon, et il réussit à s’en rendre maître, sans pouvoir toutefois les garder longtemps. Quant aux places de Montbéliard et de Blamont, il ne put les prendre, attendu qu’elles étaient défendues par des bonnes garnisons de Suisses du canton de Berne. Le duc Ulric en voulait beaucoup à Guillaume de Furstemberg de l’invasion qu’il avait faite dans ses états. Plusieurs fois il forma le projet de reprendre sa revanche par la force des armes. En 1523 il fut sur le point de mettre son projet à exécution ; mais les suisses offrirent leur médiation et l’on parvint à conclure une trêve qui suspendit la lutte à s’engager.

NOTE A PART

Dès que le duc Ulric fut en possession du château de Blamont, il ne manqua pas d’y faire les réparations les plus indispensables. Il le transmit à ses successeurs dans le comté de Montbéliard qui le conservèrent jusqu’en 1676. La petite garnison que ces princes y entretenaient, était renforcée dans les cas d’éminents périls par les sujets de la seigneurie qui y devaient faire le guet et la garde.

SUITE DU TEXTE

Enfin la crainte d’une guerre défavorable avec Ulric dont le caractère était porté aux entreprises, et les arrêts prononcés contre lui par la cour de Dole firent songer le comte Guillaume de Furstemberg à transmettre ses usurpations à des mains plus puissantes que les siennes. Il négocia avec l’archiduc Ferdinand d’Autriche, roi de Hongrie et de Bohème, frère de Charles Quint d’Allemagne, dont il était secrètement le protégé, et par un acte fait à Nuremberg le 15 mars, il lui vendit les seigneuries d’Héricourt, de Chatelot, de Clémont, de l’Isle-sur-le-Doubs, de Neufchâtel et toutes les autres dont il était en possession.

Guillaume de Furstemberg se trouvait à Héricourt, dont il n’avait pas encore fait la remise à Ferdinand d’Autriche lorsqu’ au printemps de 1525 éclata la révolte dite la guerre des paysans dans le pays de Montbéliard, comme elle avait déjà éclaté en Alsace et dans toute l’Allemagne. Les paysans soulevés contre toute autorité, sous prétexte qu’on les accablait de charges et de corvées, ne vivaient que de pillage, ils maltraitaient de préférence les nobles et les ecclésiastiques ; ils pillaient les châteaux les couvents et les églises. Les seigneurs de Beutal et de Dampierre-sur-le-Doubs eurent beaucoup à souffrir de ces troupes sans frein et sans discipline ; elles rançonnèrent le chapitre de l’Eglise Saint-Mainboeuf de Montbéliard, et pillèrent l’abbaye de Belchamp, celle de Lieucroissant ( dite des Trois rois ), le prieuré de Saint-Valbert-les-Héricourt, le prieuré de Lantenans etc... La place d’Héricourt fut attaquée par plusieurs bandes de paysans du comté de Montbéliard, auxquels s’étaient joints des paysans de la Haute Alsace après que ceux ci eurent pris Belfort, vers le mois de mai 1525 ; mais Guillaume de Furstemberg, qui s’était renfermé dans cette place, parvint à les repousser avec succès. Quant à la place de Blamont, il parait qu’elle ne fut pas attaquée.

Guillaume de Furstemberg avait encore dans ses mains les seigneuries d’Héricourt, de Chatelot et d’autres vendues à Ferdinand d’Autriche, lorsque celui-ci, par un traité fait à Tubingue le 20 août 1525 les revendit à Gabriel de Salamanque, comte d’Ortembourg (en Allemagne), son grand trésorier et en même temps un de ses conseillers et chambellans, qu’il affectionnait beaucoup. Cet acte de vente ne reçut point son exécution sur le champ. Au mois d’octobre 1526, Ferdinand d’Autriche écrivit à Guillaume de Furstemberg de remettre au comte d’Ortembourg les seigneuries restées entre ses mains, mais Guillaume refusa de le faire jusqu’à ce qu’il ait été entièrement payé de ce que lui devait Ferdinand. Le 1 janvier 1527 le même Ferdinand fit avec Gabriel de Salamanque une nouvelle convention confirmant l’acte de vente passé à Tubingue le 20 août 1525 ; il reçut en échange les biens que ce seigneur possédait dans la Basse Autriche, et la remise des terres d’Héricourt, de Chatelot et autres fut stipulée pour le 1 juillet 1527. Gabriel de Salamanque n’en prit possession qu’à la fin de 1527. A la mort de Gabriel de Salamanque toutes ses seigneuries passèrent à ses enfants, les comtes d’Ortembourg, non sans qu’Ulric de Wurtemberg, comte de Montbéliard protestât pour le maintien de ses droits.

Le duc Ulric de Wurtemberg, tout à son projet de reconquérir son duché de Wurtemberg, dont il avait été expulsé par la ligue de Souabe, voulant quitter la ville de Montbéliard pour se rendre chez le landgrave de Hesse, son plus fidèle allié, céda à son frère, le comte Georges, par un acte fait avec lui le jour de l’Ascension 1526, le comté de Montbéliard et les seigneuries d’Etobon, de Granges, de Clerval et de Passavant, moyennant une rente annuelle de 30000 florins, mais sous la condition de rachat. Il vendit encore la même année, pour un motif semblable, au canton de Soleure, en Suisse, la seigneurie de Blamont, aussi sous la condition de rachat. Afin de se procurer le moyen de rentrer par la force des armes dans ses états d’Allemagne, il retira tant à son frère qu’au canton de Soleure les terres qu’il leur avait cédées, et aussitôt après, par un acte du 23 mars 1534, il vendit à François 1er, roi de France, le comté de Montbéliard, avec les seigneuries de Blamont et d’Etobon, sous condition de rachat, pour la somme de 125000 couronnes ( 322520 livres tournoi ). Le même jour il vendit encore à Philippe de Chabot, comte de Charny, amiral de France, favori de ce monarque, les terres de Granges, de Clerval et de Passavant, sous condition de rachat, pour 62000 écus d’or au soleil. Au mois de juin de la même année, François 1er fit prendre possession du comté de Montbéliard et des seigneuries d’Etobon et de Blamont, et il se fit prêter serment de fidélité par leurs habitants. Par un acte donné à Saint Germain en Laye le 28 dudit mois, le roi s’engagea à garder et à maintenir les bourgeois et habitants du comté et des seigneuries dont il s’agit en leurs privilèges, franchises et libertés, comme ils en avaient joui précédemment.

Ulric employa immédiatement le produit de ces ventes de terres à une levée de soldats, avec lesquels, secondé par Philippe, landgrave de Hesse, et saisissant le moment où l’empereur Charles Quint était en Espagne, et où son frère Ferdinand d’Autriche était occupé à la guerre contre les Turcs, il reconquit en peu de temps le duché de Wurtemberg en 1534. Il retira l’année suivante des mains de l’amiral Chablot les terres qu’il leur avait vendues, et il en confia l’administration à son fidèle Georges, qui vint résider à Montbéliard en qualité de gouverneur.

Le premier soin d’Ulric, après avoir racheté du roi de France le comté de Montbéliard et ses dépendances, fut de chercher à y établir la Réformation religieuse, comme il le faisait dans son duché de Wurtemberg, il fut bien secondé pour cela par son frère Georges. Les premières semences de la Réformation avaient déjà été répandues à Montbéliard en 1524 et en 1525 par le célèbre Guillaume Farel. En 1536 le prince Georges fit venir dans cette ville Pierre Toussaint, ancien chanoine de Metz, qui avait été quelques années auparavant prédicateur de la reine de Navarre, sœur de François 1er, roi de France. En novembre 1538 les progrès qu’y avait faits la Réformation religieuse furent assez grands pour déterminer le prince Georges à y abolir, au nom de son frère Ulric, la messe et toutes les cérémonies du culte catholique. Dans les villages du comté de Montbéliard, comme dans les seigneuries d’Etobon et de Blamont, il fallut plus de temps pour préparer les esprits à la Réformation.

Dès l’an 1539 Pierre Forêt, auparavant ministre à Coppel dans le pays de Vaud en Suisse, fut appelé à Blamont pour y prêcher l’évangile, avec mission de faire des tournées dans les différents villages de la terre de ce nom. Il fit preuve de courage et de zèle dans l’œuvre qui lui était confiée, et il ne s’en laissa pas détourner par la malveillance des prêtres catholiques. La Réformation fut enfin définitivement établie en avril 1541 tant à Blamont que dans le reste de la seigneurie dont cette ville était le Chef-lieu, ainsi que dans les villages du comté de Montbéliard et dans la seigneurie d’Etobon. Dès lors tous les curés, les vicaires et les chapelains furent renvoyés de toutes les églises. Partout on abattit les images, les croix et les autels ; on dispersa les reliques, on enleva les vêtements des prêtres et tous les objets destinés à la célébration de l’ancien culte. On ne put placer un pasteur évangélique à la tète de chaque église, parce que les ressources pécuniaires n’étaient pas assez considérables vu la suppression du casuel dont jouissait l’ancien clergé catholique, et qu’en outre il y avait pénurie de candidats du Saint- Ministère. On ne forma dans la seigneurie de Blamont que 5 paroisses, celles de Blamont, de Roche, de Vandoncourt, de Seloncourt et de Villars-les-Blamont. La paroisse de Blamont et celle de Pierrefontaine, appartenant l’une et l’autre aux seules localités où elles étaient situées. La paroisse de Roche renferme, outre l’église de ce lieu, celle d’Autechaux, commune aux habitants d’Autechaux et d’Ecurcey. La paroisse de Vandoncourt fut composée de l’église de Vandoncourt et de celle d’Hérimoncourt, que fréquentaient aussi les habitants de Tulay. La paroisse de Seloncourt comprit l’église de Seloncourt et celle de Bondeval, appartenant l’une et l’autre aux seuls habitants de ces villages. La paroisse de Villars-les-Blamont referma l’église de Villars-les-Blamont et celle de Glay commune aux habitants de Mélieres et Dannemarie. Il faut ajouter que l’église de Dale, située sur la partie du village du ressort du comté de Montbéliard, devint filiale de celle d’Abbévillers, et que l’église d’Audincourt, située sur terre du comté de Montbéliard devint filiale de celle d’Exincourt, comprise dans ce comté. Le pasteur de chaque paroisse eut donc 2 églises à desservir, appelées l’une église-mère, et l’autre église-filiale. L’église-mère était celle du lieu de sa résidence.

Quelques sujets de mésintelligence s’étant élevés entre le prince Georges et le duc Ulric de Wurtemberg, son frère, Georges quitta Montbéliard en 1542 pour se retirer dans les seigneuries d’Horbourg et de Riquewihr en Alsace, et Christophe, fils unique du duc Ulric, vint le remplacer la même année en qualité de gouverneur du comté de Montbéliard et de ses dépendances. Le pays dut s’estimer heureux de le voir à la tète de son administration, car il s’acquitta avec zèle et dévouement des fonctions qu’il avait à remplir, et se montra toujours plein de bienveillance envers les habitants. En l’an 1546, Christophe reconstruisit les fortifications de Blamont, que son père avait fait réparer au commencement du XVIème siècle. Il rebâtit aussi à neuf la même année le château proprement dit de ce lieu, consistant en un corps de logis de plusieurs étages, flanqué de deux tourelles de forme octogone et accompagné de 2 ailes, le tout dans le style de la renaissance avec quelques traces du gothique. Les tourelles étaient placées l’une à droite et l’autre à gauche de la façade principale du bâtiment ; elles renfermaient les escaliers pour monter dans les appartements des étages. Le château de Blamont devint souvent la résidence des princes de Montbéliard à cause de sa situation salubre et de l’abondance dans ses environs du gibier et surtout des sangliers ; on en voyait des hures monstrueuses appendues en trophée aux portes de la forteresse. Il avait dans son enceinte des souterrains où furent enfermés divers prisonniers de marque pendant le 16eme et le 17eme siècle par ordre des princes de Montbéliard, entre autres le célèbre jurisconsulte français Charles Dumoulin, ancien professeur de droit à l’Université de Tubingue, conseiller du prince Georges, qui y passa 4 mois en 1556 sous la prévention de crime de haute trahison ; Charles Mercier, originaire de Montbozon en franche Comté, procureur général à Montbéliard, prévenu de concussion et de malversation, qui y fut laissé 5 ans de 1575 à 1580, et Pierre Vessaux, natif de Saint-Julien près de Montbéliard, devenu seigneur de Sainte-Suzanne, en même temps intendant du domaine et conseiller de Léopold Frédéric de Montbéliard, qui avait été condamné pour prévarication et concussion, et qui y demeurera 9 ans, de 1651 à 1660.

L’œuvre de la réformation paraissait solidement affermie dans les états de Montbéliard, lorsque le catholicisme y fut rétabli. L’empereur Charles Quint, vainqueur des princes protestants d’Allemagne, voulut en 1548 qu’ils introduisissent dans leurs domaines un formulaire de doctrines religieuses appelé Intérim qui contenait tous les dogmes essentiels de la religion romaine. Cette publication se fit le 16 septembre 1548 dans l’église de Saint-Mainboeuf de Montbéliard pour tout le comté de ce nom, et en octobre suivant dans l’église de Blamont et dans celle d’Etobon pour les seigneuries dont ces localités étaient les chefs-lieux. Tous les pasteurs du pays, ayant refusé de souscrire à L’intérim, furent obligés de quitter leurs troupeaux en janvier 1549, ils furent alors remplacés par des prêtres catholiques qui rétablirent partout les cérémonies de leur culte.

NOTE A PART

Le millésime 1546 était inscrit au dessus de la porte de la tourelle à droite du bâtiment du château, comme on a pu le lire jusqu’à la complète destruction de ce château vers 1850. Voir le plan lithographié placé à la tète de notre ouvrage.

SUITE DU TEXTE

Deux mois après l’introduction de L’intérim et le rétablissement du catholicisme dans le pays de Montbéliard, en mars 1549, le gouvernement de Montbéliard put nommer pour les églises des seigneuries de Blamont et d’Etobon et pour celles du comté de Montbéliard des pasteurs, qui, sous le nom de catéchistes, furent chargés de prêcher l’Evangile, et d’administrer les sacrements aux personnes qui s’adresseraient à eux, avant ou après les offices des prêtres qui ne devaient pas être dérangés de leurs fonctions. Le théologien Jacques Gête, originaire de Boulogne-sur-Mer, qui avait été pasteur à Roche, fut nommé catéchiste pour les églises de Blamont, de Pierrefontaine, de Roche, d’Autechaux, de Villars et de Glay, avec résidence à Blamont. Humbert Artus, français de nation, fut nommé catéchiste pour les églises de Seloncourt, de Bondeval, d’Hérimoncourt, d’Abbévillers et de Valentigney avec résidence à Seloncourt ; Georges Dumont, originaire de France, fut nommé catéchiste pour les églises de Vandoncourt, de Dale, d’Audincourt, et d’autres du comté de Montbéliard avec résidence à Bavans. Le 6 Novembre mourut à Tubingue dans le Wurtemberg Ulric, duc de Wurtemberg et comte de Montbéliard. Il eut pour successeur dans tous ses états Christophe, son fils unique, qui avait été gouverneur du pays de Montbéliard. Le serment de fidélité lui fut prêté en décembre de la même année à Monbéliard par les habitants du comté de ce nom ainsi qu’à Etobon et à Blamont pour les habitants des seigneuries dont ces communes étaient les chefs-lieux.

Le culte protestant fut enfin délivré de l’oppression sous laquelle le tenait Charles Quint. Le monarque ayant éprouvé des revers de fortune, fut obligé de consentir au libre exercice dudit culte dans toute l’étendue de l’Allemagne par le traité de Passau du 31 juillet 1552. En vertu d’un ordre du duc Christophe de Wurtemberg du 27 septembre de la même année, eut lieu le 5 octobre suivant l’abolition définitive de L’intérim de Charles Quint et par suite du catholicisme dans tout le comté de Montbéliard et dans les seigneuries de Blamont et d’Etobon, et il n’y resta pas un seul partisan de l’ancien culte. Les prêtres catholiques durent abandonner incontinent les cures qu’ils occupaient. Ils furent d’autant moins regrettés qu’ils avaient donné l’exemple du désordre et de la débauche et de l’impureté, comme à peu près tous les membres du clergé romain du 16eme siècle. Le curé de Blamont notamment était bien mal qualifié. D’après une enquête faite sur son compte par les agents du gouvernement de Montbéliard peu de temps avant son renvoi, il avait la passion du vin au suprême degré. Il était continuellement ivre, il fréquentait les cabarets sans en avoir honte, et il aimait excessivement à jouer aux cartes. En outre il était un grand luxurieux ; il entretenait une femme à Pierrefontaine ; on lui apporta un jour de Pierrefontaine à Blamont 2 ou 3 bâtards ; il dansait sans retenue et publiquement avec les filles. Des pasteurs évangéliques d’une conduite exemplaire et chrétienne furent placés à la tète des différentes églises du pays. La circonscription des paroisses dans la seigneurie de Blamont fut fixée comme elle l’avait été en 1541, sauf celle des paroisses de Vandoncourt et d’Abbévillers, son annexe qui fut rattachée à la paroisse de Vandoncourt, et l’Eglise d’Hérimoncourt avec Thulay son annexe fut rattachée à la paroisse d’Abbévillers.
Dès le rétablissement du culte protestant, en octobre 1552, le produit des dîmes, des rentes foncières et de tous les biens et immeubles du clergé catholique supprimé dans le comté de Montbéliard et dans les seigneuries de Blamont et d’Etobon entrèrent dans les caisses dites recettes ecclésiastiques, qui avaient pour destination de faire le traitement des pasteurs et de contribuer aux frais de réparation et de reconstruction des églises et des presbytères. En ce temps là fut supprimé par le gouvernement de Montbéliard l’hôpital de Blamont, dont il a été question ci dessus.
Les bien-fonds, les rentes et les capitaux de cet établissement entrèrent dans le domaine de la recette ecclésiastique de la seigneurie de Blamont. La chapelle de l’hôpital, qui cessa de servir au culte, ne tarda pas à tomber en ruines avec les bâtiments de l’hôpital même, et l’on n’en voyait plus que quelques vestiges à la fin du 16eme siècle. C’est sur le terrain occupé par l’hôpital de Blamont que l’on construisit en 1731 l’Eglise catholique de ce lieu. Le prieuré de Dannemarie fut aussi supprimé en 1552 par ordre du gouvernement de Montbéliard, et tous les biens meubles et immeubles qu’il avait conservés jusqu’alors entrèrent, comme ceux de l’hôpital de Blamont, dans le domaine de cette recette ecclésiastique. Les fonds curiaux et de fabrique dans tout le pays furent également attribués à ces recettes, qui les amodièrent avec d’autres biens. On ne laissa au pasteur que les presbytères avec les jardinets et les vergers attenants. Il faut faire observer qu’à l’époque de la réformation religieuse l’archevêque de Besançon ne fut pas dépouillé par le gouvernement de Montbéliard de ses dîmes de Blamont, de Glay, de Seloncourt, de ses biens- fonds d’Autechaux, ni des autres biens qu’il avait dans le comté de Montbéliard, et qu’il put en jouir jusqu’à la révolution française de 1789. Les monastères dont les sièges se trouvaient hors des états de Montbéliard, nommément ceux de Lanthenans, de Lieucroissant ou des Trois Rois, de Baume-les-Dames, conserveront aussi jusqu’à la même révolution les biens qu’ils avaient dans ces états depuis des temps anciens. Les différents établissements dont il s’agit, perdirent toutefois lors de la réformation du 16eme siècle le patronage des églises dont ils étaient en possession et les fruits de ce patronage puis sur les revenus curiaux. Les pasteurs évangéliques étaient nommés par le prince de Montbéliard ou en son nom par son conseil de Montbéliard, sur la présentation du conseil ecclésiastique de cette ville, dont faisait partie le chef du ministère évangélique connu sous le nom de Surintendant.

Avant la réformation l’instruction du peuple était nulle ; il n’y avait d’école ouverte dans aucun lieu de la seigneurie de Blamont, ni dans aucun autre lieu des environs sauf à Montbéliard. On n’enseignait dans l’école de cette ville dirigée par des prêtres que les premiers principes de la lecture et de l’écriture. Partout le peuple se trouvait plongé dans la plus grande ignorance. Avec la Réformation établit des écoles populaires. Le défaut d’hommes capables avait obligé le gouvernement de Montbéliard dans les premiers temps de la Réformation à confier presque exclusivement aux ministres du culte l’instruction de la jeunesse. A la vérité il n’y avait alors qu’une école par paroisse, mais la plupart des pasteurs succombaient sous la double tache qui leur était imposée. Sur la fin du 16er siècle, on put trouver des instituteurs spéciaux, choisis presque tous parmi les laïques.

NOTE A PART

Lors de la suppression du prieuré de Dannemarie en 1552, les sujets de ce prieuré, non seulement à Dannemarie, mais encore à Glay, à Mélieres, à Damvant, à Réclère, etc..., devinrent les sujets directs de la Seigneurie de Blamont. Tous les biens dudit prieuré entrèrent dans le domaine des églises protestantes de la seigneurie de Blamont, sauf les bois dont le prince de Montbéliard s’attribua la propriété.

SUITE DU TEXTE

Les intérêts mondains n’étaient assurément pas entrés dans les vues du duc Christophe de Wurtemberg, lorsqu’il ordonna en 1552 le rétablissement du culte évangélique dans le comté de Montbéliard et les seigneuries d’Etobon et de Blamont ; car par un traité fait à Stuttgart le 4 mai 1553, il les céda à son oncle Georges, pour lui et ses héritiers mâles, ainsi que les seigneuries d’Horbourg et de Riquevihr en Alsace, et celle de Grange et de Passavant en franche Comté. Georges, qui avait déjà résidé à Montbéliard comme souverain dès 1526 à 1534, puis comme gouverneur dès 1535 à 1542, y rétablit de nouveau sa résidence en 1553. En août de cette dernière année les habitants du comté de Montbéliard et des seigneuries de Blamont et d’Etobon lui prêtèrent serment de fidélité, après avoir été libérés de l’hommage fait au duc Christophe.

Le comte Georges de Montbéliard, décédé en juillet 1558, eut pour successeur son fils unique Frédéric, âgé de 11 mois. Par son testament il avait confié la tutelle de ce fils et l’administration de ses états au duc Christophe de Wurtemberg, son neveu, au duc Wolfgang des Deux Ponts, son beau-frère, et au comte Philippe de Hanau, son ami, qui tous s’acquittèrent fidèlement de cette charge. En septembre 1558, le serment de fidélité fut prêté par les habitants du comté de Montbéliard, de la seigneurie de Blamont et des autres seigneuries de la dépendance de ce comté entre les mains des plénipotentiaires des tuteurs du comte Frédéric.

Dans le commencement du règne du comte Frédéric, les états de Montbéliard s’accrurent d’une manière considérable. Claude François de Rye, seigneur francs, prétendait que toutes les seigneuries de la maison de Neufchâtel lui appartenaient, parce qu’il descendait par sa mère de cette maison. Le 15 mars 1561, il s’empara par surprise de la place d’Héricourt, où il mit une garnison suffisante. L’entreprise de ce seigneur n’était pas moins attentatoire à la possession des comtes d’Ortembourg qu’aux droits du comte Frédéric de Montbéliard, droits qu’il avait hérité de ses ancêtres d’après le traité de Stuttgart du 4 mars 1506 plus haut mentionné. Presqu’aussitôt après qu’il l’eut accomplie, et vers le 20 du mois de mars 1561, le gouvernement de Montbéliard fit occuper les seigneuries de Chatelot et de Clémont au nom du comte Frédéric par 500 ou 600 hommes du comté. Il eut ensuite l’intention de faire enlever de force la place d’Héricourt à Claude François de Rye, mais il se décida d’attendre le secours de troupes Wurtembergeoises pour investir cette place, qui se rendit, à la suite d’un bombardement de quelques heures, le 11 juin 1561. Dès lors, les seigneuries d’Héricourt, de Chatelot et de Clémont redevinrent une dépendance du comté de Montbéliard, dont elles avaient été démembrées depuis plusieurs siècles, et le prince de Montbéliard les posséda en toute souveraineté, comme il possédait la seigneurie de Blamont dès 1505.

En 1561, peu après la conquête des 3 seigneuries d’Héricourt, de Chatelot et de Clémont, le gouvernement ou Conseil du prince de Montbéliard s’occupa de la réorganisation et de l’administration civile et judiciaire de ces seigneuries et de celle de Blamont. La seigneurie de Clémont eut les mêmes fonctionnaires que celle de Blamont, et la seigneurie de Chatelot, les mêmes fonctionnaires que la seigneurie d’Héricourt, tout en restant séparées les unes des autres. Les divers fonctionnaires, résidant à Blamont se rendaient à Montécheroux, chef-lieu de la seigneurie de Clémont, quand les affaires les appelaient dans cette seigneurie, de même les fonctionnaires résidant à Héricourt se transportaient dans un des villages de Chatelot, quand les devoirs de leurs charges les demandaient. il y avait pour la seigneurie de Blamont 2 tribunaux : la chatellenie jugeant en premier ressort, et le baillage ou tribunal d’appel. Ils furent aussi pour la seigneurie de Clémont. Le châtelain, qui tenait la première justice, prit le titre de châtelain des seigneuries de Blamont et de Clémont, et le bailli, qui tenait la 2eme justice, eut le titre de bailli des seigneuries de Blamont et de Clémont. Les deux tribunaux furent supprimés par une ordonnance du comte Frédéric de Montbéliard du 21 août 1584, et remplacées par un seul tribunal tenu par un capitaine ou bailli. Les causes jugées par ce dernier durent dès lors être portées en dernier ressort devant le Souverain Buffet, institué à Montbéliard en 1561 pour les 4 seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot et composé de membres du conseil du prince de Montbéliard. Le prévôt de Blamont eut le titre de prévôt des seigneuries de Blamont et de Clémont, étant seul chargé de la police ou justice inférieure dans les deux seigneuries. Le tabellion, le forestier en chef, le receveur des revenus du prince, résidant tous à Blamont, prirent également le titre de fonctionnaires des deux seigneuries ; ils avaient soin de tenir des registres distincts pour chaque seigneurie. Le maire de Blamont fut conservé. En outre un maire fut institué pour chaque village de ces seigneuries, à l’exception de Tulay, réuni à une commune voisine. Enfin les jurés ou échevins, (receveurs des revenus communaux), furent laissés comme auparavant à l’élection des chefs de famille dans chaque localité, il en fut de même des banvards ou gardes-champètres et des gardes-forestiers pour les bois communaux. Les chefs de famille réunis en corps de communauté désignaient ceux d’entre eux qui devaient être pour un an jurés, banvards ou gardes-champètres à tour de rôle. Le commandant du château de Blamont fut chargé d’exercer l’autorité militaire sur les seigneuries de Blamont et de Clémont. En temps de paix il n’y avait ordinairement dans ce château que quelques hommes avec le commandant et le portier ; on y mettait une garnison suffisante en temps de guerre. La Recette ecclésiastique de la seigneurie de Blamont instituée en 1552 fut maintenue, mais elle fut agrandie en 1565 par l’adjonction des revenus curiaux et de fabriques de la seigneurie de Clémont, et porta dès lors le nom de recette ecclésiastique des seigneuries de Blamont et de Clémont ; elle eut un receveur à Blamont. Une recette ecclésiastique des seigneuries d’Héricourt et de Chatelot avec un receveur à Héricourt fut aussi établie en 1565 ; celle du comté de Montbéliard y compris la seigneurie d’Etobon avec un receveur à Montbéliard continua d’exister, de sorte qu’il y eut trois recettes ecclésiastiques pour les terres de la souveraineté de Montbéliard. La réformation religieuse avait été introduite en 1565 dans les 3 seigneuries d’Héricourt, de Clémont et de Chatelot. Le surintendant ecclésiastique de Montbéliard devint le chef du ministère évangélique du comté de Montbéliard et des 4 seigneuries adjointes.

Les premières années de la vie du comte Frédéric de Montbéliard s’écoulèrent sous les yeux de sa mère, d’abord dans le château de Montbéliard, puis dans celui de Riquevihr en Alsace. Fuyant la contagion qui régnait à Riquevihr en août 1564, il vint avec sa mère et sa sœur habiter le 27 de ce mois le château de Blamont, où ils séjournèrent au delà d’une année. Il retourna de la avec sa mère à Riquewihr ; il fut envoyé en 1563 à la cour de Stuttgart, où il resta jusqu’en 1571. Il passa ensuite 6 années à l’Université de Tubingue. Après la mort de ses tuteurs, il eut pour curateur Louis, duc régnant de Wurtemberg, son cousin, Georges Frédéric, marquis de Brandebourg-Anspach, et Charles, margrave de Bade, auxquels les habitants du comté de Montbéliard et des seigneuries de sa dépendance prêtèrent serment de fidélité dans leurs chefs-lieux respectifs en juillet 1576 (?). Lui- même prit en main les rênes du gouvernement de ses états, et vint résider à Montbéliard en juin 1581. Il ne se fit prêter qu’en 1587 serment de fidélité par les habitants du comté de Montbéliard et des seigneuries qui en dépendaient ; cette prestation de serment eut lieu dans le chef-lieu de chaque terre conformément aux anciens usages, notamment à Blamont en avril 1587.

NOTE A PART
La forêt du Lomont appartient encore aujourd’hui à la communauté de Blamont, elle est située sur le territoire de la commune de Pierrefontaine ; sa contenance était de 88 hectares 50 ares 10 centiares ; on en a pris 5 hectares 50 centiares en 1875 pour l’établissement du fort du Lomont.

SUITE DU TEXTE

Les habitants de Blamont possédaient depuis des temps reculés, une vaste et belle forêt dite le bois de Châtel, qui se prolongeait sur le territoire de Roche et de Glay. Le comte Frédéric de Montbéliard eut envie de posséder cette forêt pour la réunir à son domaine de la seigneurie de Blamont. Il l’obtint facilement en échange des habitants de Blamont, à qui il céda toute la forêt de la montagne du Lomont y compris le petit bois de Thurey qui en dépendait, sous la condition de ne plus y opérer de défrichements. L’acte d’échange fut dressé le 3 mai 1583. Il faut savoir que le comte Frédéric se plaisait beaucoup à Blamont à cause de sa position salubre et élevée, et qu’il y venait souvent passer plusieurs jours de suite pendant l’été. Il aimait aussi à se livrer au plaisir de la chasse dans les grands bois des environs de cette localité. On rapporte qu’en 1587 il tua de sa propre main 2 ours à une faible distance de son château de Blamont et qu’il envoya 2 pattes de l’un de ses ours au duc Louis de Wurtemberg, son cousin. On rapporte encore qu’un peu plus tard il blessa à mort près de Blamont un cerf portant 18 andouillers du poids de 160 kilogrammes. Ce prince était habile et infatigable chasseur.

NOTE A PART

Le prince Frédéric se plaisait beaucoup dans le château de Blamont, et de temps à autre, pendant l’été, il venait y passer plusieurs jours de suite. Pour l’utilité et l’embellissement de cette ville, il ordonna à ses habitants le 3 novembre 1581 de faire paver chacun devant sa maison soit à ses frais, soit au moyen des revenus communaux.

SUITE DU TEXTE

Les princes tuteurs du comte Frédéric avaient déjà fait publier le 12 avril 1564 une ordonnance concernant les procédures et le 25 avril 1569 une ordonnance civile et de police pour le comté de Montbéliard et les seigneuries adjointes, elles restèrent l’une et l’autre peu de temps en vigueur. Une nouvelle ordonnance judiciaire et de police promulguée par le comte Frédéric le 21 août 1584 rapporta toutes les ordonnances antérieures, dont elles contenaient un bon nombre d’articles, elle a fait loi dans le comté de Montbéliard jusqu’à sa réunion à la France en 1793, et dans les seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Châtelot jusque dans les premières années du 18eme siècle, époque à laquelle le gouvernement français, qui avait usurpé les droits de souveraineté sur ces seigneuries, enjoignit aux officiers de justice qui s’y trouvaient établis de juger suivant les lois, usages et coutumes de la Franche-Comté.
On voit par l’ordonnance du comte Frédéric que les lois pénales étaient très sévères dans le pays de Montbéliard au 16eme siècle. Les criminels subissaient le supplice de la roue, ou de la décollation, ou du gibet, ou du bûcher, ou de la noyade ; la torture ou question précédait toute exécution à mort ; les peines infamantes étaient l’exposition ou carcan, la mutilation, le fouet ou la bastonnade, l’emprisonnement, le bannissement, la confiscation ; de simples contraventions aux règlements de police attiraient de fortes amendes et souvent plusieurs jours de prison. Pour ne citer que quelques cas, on dira que l’adultère par 2eme récidive entraînait la décollation pour l’homme qui s’en était rendu coupable, et que sa complice était noyée dans une rivière, après avoir été enfermée vivante dans un sac, que les pillards en 2eme récidive subissaient la peine du fouet avec celle du bannissement ; que le bûcher était réservé aux sorciers ; qu’on coupait la langue aux blasphémateurs d’habitude, qu’on plongeait 3 fois dans l’eau les maraudeurs après les avoir exposés dans une cage pendant une heure à la risée du public. On se relâcha peu à peu de semblables rigueurs dès la deuxième moitié du 17er siècle, et la torture cessa d’être employée au milieu du 18eme siècle. La dernière sentence de mort prononcée dans le pays de Montbéliard pour sorcellerie fut exécutée en 1660. Plus de 50 personnes avaient péri du dernier supplice sur l’accusation de sorcellerie tant dans le comté de Montbéliard que dans la seigneurie de Blamont, et surtout celle d’Héricourt dès l’année 1481 jusqu’en 1660. Beaucoup de prétendus sorciers furent aussi conduits sur le bûcher à la même époque en Alsace, en Franche Comté et dans toute la France.

NOTE A PART

Il faut savoir que la croyance à la sorcellerie date de la plus haute antiquité dans le pays de Montbéliard comme dans toutes les contrées de l’Europe. Les différentes localités de la seigneurie de Blamont ont eu leurs sorciers et leurs sorcières comme le reste du pays en question. Pendant le moyen âgé, bien des malheureux qu’on qualifiait de sorciers, furent brûlés vifs à Blamont, à Montbéliard et à Héricourt par les bourreaux des différentes localités.

AUTRE NOTE A PART

Les prétendus sorciers du ressort de la seigneurie de Blamont étaient jugés par les officiers de justice de cette seigneurie et exécutés à Blamont même. Il y eut encore dans la seigneurie de Blamont d’autres sorciers que Richarde Japy citée dans notre note sur Beaucourt. M. Tuetey de Montbéliard, archiviste paléographe à Paris a donné dans un ouvrage sur la sorcellerie dans le pays de Montbéliard publié en 1886 les noms d’une partie des malheureux individus condamnés pour sorcellerie dans ce pays, après avoir fait des recherches dans les anciennes pièces des archives de Montbéliard actuellement déposées dans les archives nationales à Paris.

SUITE DU TEXTE

Les recettes des églises protestantes du pays de Montbéliard pouvaient à peine suffire aux dépenses qui leur étaient imposées. Le comte Frédéric de Montbéliard, considérant que le produit de la vente des biens curiaux et de fabrique des paroisses du pays rapporterait aux dites Recettes des sommes plus considérables que leur amodiation, prescrivit par des arrêtés du 20 avril 1584 et du 13 septembre 1585 qu’ils seraient mis aux enchères publiques. Cette mesure reçut son exécution dans la seigneurie de Blamont pour les biens curiaux, comme dans le reste du pays. On excepta toutefois de la vente les presbytères avec les terrains attenants et en vergers et les biens de fabrique du moins en partie.

Le pays tout entier de Montbéliard ne manqua pas de ressentir le contrecoup des guerres civiles et religieuses qui désolaient la France dans la 2eme moitié du 16eme siècle. Les Guises ou princes lorrains, savoir Henri de Lorraine, duc de Guise, dit le Balafré, et son cousin Henri, marquis de Pont-à-Mousson, fils du duc Charles de Lorraine, étant irrités contre le prince Frédéric de Montbéliard parce qu’il était l’ami de Henri de Bourbon, depuis Henri IV, roi de France, et qu’il fournissait des secours en argent aux protestants français, envahirent le comté de Montbéliard et toutes les seigneuries de sa dépendance sans déclaration préalable d’hostilité, avec une armée d’environ 12000 hommes, dans les derniers jours de décembre 1587 après avoir été à la poursuite des protestants allemands venus au secours de leurs coreligionnaires français. Les soldats des Guises, répandus dans toutes les terres de la domination du prince Frédéric, y portèrent le ravage et la désolation. Aucune condition, aucun âge, aucun sexe ne furent épargnés. Beaucoup d’habitants périrent au milieu d’affreuses tortures. Tous les villages du pays sans exception furent pillés et dévastés, et la plupart eurent en outre à souffrir plus ou moins de l’incendie. Les presbytères de Roches, de Seloncourt, de Vandoncourt, de Villars-les-Blamont, de Montéchéroux, comme beaucoup d’autres situés dans le comté de Montbéliard, furent livrés aux flammes ; il en fut de même des temples de Glay et de Roche, ainsi que de ceux d’Etupes et de Dampierre-les-bois. Les farouches ennemis ne purent s’emparer de Montbéliard ni de Blamont ; mais ils parvinrent à se rendre maîtres d’Héricourt. La garnison de Blamont, composée seulement de 316 hommes sous les ordres du châtelain Gaspard Fanchard, fit si bonne contenance que les ennemis impitoyables et cruels ne purent jamais s’en approcher à plus d’un quart de lieue (5/4 de kilomètres) ; mais elle ne put pas, ainsi que celle de Montbéliard, empêcher les ennemis de dévaster les campagnes des environs. Ils ne se retirèrent du pays que le 12 janvier 1588 (vieux style) à la première nouvelle de l’approche de troupes allemandes, venant au secours du pays si horriblement maltraité. Le presbytère de Villars-les-Blamont ne fut pas relevé de ses ruines, et le chef-lieu de la paroisse fut transféré à Glay. Quant aux presbytères de Roches, de Vandoncourt et de Seloncourt, ils furent reconstruits aussitôt que les ressources de la recette ecclésiastique de la seigneurie de Blamont le permirent. Les églises de Glay et de Roche furent également restaurées dans le délai le plus court que possible.

NOTE A PART
La seigneurie de Blamont fut la plus éprouvée pendant l’invasion des Guises. D’après des recensements officiels, 709 habitations dans 62 communes devinrent la proie des flammes et l’on sait que la population totale de ces communes était alors bien faible, et il y eut sans doute encore des incendies dans d’autres localités. Tout le bétail fut volé et emmené par les troupes catholiques pour être vendu à vil prix. Détail caractéristique et odieux : nombre de jeunes femmes et jeunes filles furent traînées jusqu’à Nancy et vendues publiquement au marché. La ruine matérielle des populations du pays fut complète. Des collectes faites en Alsace et dans le Wurtemberg produisirent environ 10000 florins pour les malheureux habitants.

AUTRE NOTE A PART
Les seigneuries de Blamont et de Clémont eurent plus à souffrir des dévastation et des incendies des soldats des Guises que les autres terres du pays de Montbéliard dès le samedi 30 décembre 1587 ( vieux style ) au vendredi 5 janvier suivant, et peut être encore après.
Fanchard qui sut si bien défendre la place de Blamont contre l’attaque des Guises, avait été nommé châtelain des seigneuries de Blamont et de Clémont par le gouvernement de Montbéliard en 1561. C’était un brave officier.

AUTRE NOTE A PART
Les biens de fabrique de l’église de Blamont furent exemptés de la vente des biens prescrite par les arrêtés du comte Frédéric de 1584 et de 1585 et ils continuèrent à recevoir le même emploi que du temps passé. Ils existaient encore en 1690.

SUITE DU TEXTE

Le comte Frédéric de Montbéliard tenait beaucoup à son culte, et voulait le faire professer pour les habitants de toutes les terres de son obéissance. En 1591 les sujets de la seigneurie de Blamont à Damvant et à Réclère reçurent du gouvernement de ce prince l’ordre d’embrasser le protestantisme et de venir l’exercer chaque dimanche dans l’église de Villars-les-Blamont. Les villages de Damvant et de Réclère étaient alors mi-partis entre la seigneurie de Blamont et celle de Porrentruy appartenant à L’évêque de Bâle. En 1593 le comte Frédéric de Montbéliard succéda dans le duché de Wurtemberg à son cousin Louis mort sans enfants, et il y alla résider. Son départ causa de véritables regrets aux habitants de ses états de Montbéliard et particulièrement à ceux de Blamont, qui avaient l’avantage de le voir assez souvent au milieu d’eux. Toutefois il ne perdit jamais de vue leurs intérêts bien entendus, et il chercha en toute occasion à être juste et bienveillant à leur égard, et son gouvernement de Montbéliard reçut souvent des ordres en conséquence.

Afin de soulager le pasteur de Blamont dans ses fonctions, le gouvernement de Montbéliard lui donna un adjoint sous le nom de diacre en 1595. Ce dernier qui avait sa résidence à Blamont, desservait spécialement l’église filiale de Pierrefontaine. Il était en outre chargé de diriger l’école primaire du chef-lieu. La place de diacre ne rapportait que le demi-gage ou moitié du traitement pastoral, elle était donnée ordinairement à des théologiens qui commençaient leur carrière pastorale ; ils ne la conservaient ordinairement que peu de temps pour devenir pasteurs en titre dans une des paroisses du pays. Daniel Simonin, natif de Montbéliard, fut le premier diacre de Blamont. Lui et tous ses successeurs jusqu’en 1635 inclusivement ont été en même temps maîtres d’école à Blamont. A cette dernière époque, la place de diacre devint vacante pour plusieurs années à cause des désastres de la guerre de Trente ans. Il y eut ensuite un maître d’école laïque.

Frédéric, duc de Wurtemberg et comte de Montbéliard, mourut à Stuttgart, frappé d’apoplexie, le 29 janvier 1608, dans sa 51er année. Jean Frédéric, son fils aîné, lui succéda dans tous ses états de Wurtemberg et de Montbéliard, et résida dans le Wurtemberg. Au mois de février suivant, il se fit prêter serment de fidélité entre les mains de ses commissaires par les habitants du comté de Montbéliard, ainsi que par ceux des seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt, de Chatelot, et d’Etobon. C’est le 9 du dit mois que la prestation de serment eut lieu à Blamont pour les habitants des terres de Blamont et de Clémont.

Le gouvernement du duc Jean Frédéric se montra favorable au pays de Montbéliard, comme l’avait été celui de son père, sous le rapport matériel comme sous le rapport moral et religieux. L’église de Blamont antérieure à la réformation était en état de dégradation, et menaçait ruine. Une nouvelle église fut construite sur le même emplacement en 1608 avec le concours du gouvernement du prince, à la grande satisfaction des fidèles de la paroisse. Cet édifice devint la proie des flammes en 1726, comme on le verra.

Des seigneurs francs-comtois, descendants par les femmes de la maison de Neufchâtel, ne cessaient d’élever des prétentions sur la possession des trois seigneuries d’Héricourt, de Chatelot et de Clémont, qui avaient été réunies en 1561 au comté de Montbéliard. Pour faire disparaître toute difficulté, le duc Jean Frédéric de Wurtemberg acheta en juin 1609 des seigneurs dont il s’agit, leurs prétentions sur les 3 seigneuries ci-dessus mentionnées. Il restait encore à trancher la question de la souveraineté sur les seigneuries adjointes au comté de Montbéliard et sur le comté de Montbéliard lui-même, que réclamait dès la fin du 16eme siècle la maison d’Espagne, maîtresse du comté de Bourgogne ou Franche-Comté. Cette maison voulait obstinément les faire passer pour des fiefs de Franche-Comté. Après bien des discussions entre les représentants du prince de Montbéliard et ceux de la maison d’Espagne, il fut convenu, sur la proposition des ambassadeurs de France et d’Angleterre, que la décision de l’affaire serait remise en dernier ressort au parlement de Grenoble, qui se composait d’autant de membres protestants que de catholiques. Par son mémorable arrêt du 15 juillet 1614, la cour de Grenoble proclama la souveraineté du comté de Montbéliard et des seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot et leur indépendance absolue du comté de Bourgogne ou Franche-Comté. Cette décision rassura complètement le duc Jean Frédéric, comme tous les habitants du pays. toutefois, le prince, pour anéantir tout prétexte à d’ultérieures difficultés, acheta encore en 1617, les droits prétendus par les comtes d’Ortembourg sur les 3 seigneuries d’Héricourt, de Chatelot et de Clémont.

Le duc Jean Frédéric de Wurtemberg, croyant avoir assuré à sa famille la paisible possession des états de Montbéliard, les céda en toute souveraineté par un acte du 28 mai 1617 à son frère puiné, Louis Frédéric, et à ses descendants ; mais il se réserva, pour lui-même et sa postérité, le duché de Wurtemberg. Les états de Montbéliard comprenaient le comté de Montbéliard proprement dit, les seigneuries d’Etobon, d’Héricourt, de Chatelot, de Blamont, de Clémont, adjointes à ce comté, les seigneuries d’Horbourg et de Riquevihr en Alsace, la seigneurie de Franquemont en Suisse, la terre de Sponeck en Allemagne en toute souveraineté et supériorité territoriale avec les seigneuries de Granges, de Clerval, et de Passavant qui étaient des fiefs de Franche-Comté. Louis Frédéric reçut par des commissaires en juin 1617 le serment de fidélité que ses nouveaux sujets tant du comté que des seigneuries étaient tenus de lui prêter. C’est le 5 du dit mois que la prestation de serment fut faite à Blamont par les habitants de la seigneurie de ce nom. Le prince ne quitta qu’en octobre suivant le Wurtemberg pour venir résider à Montbéliard.
Au titre purement honorifique de duc de Wurtemberg il ajouta celui de comte de Montbéliard et ses descendants en firent de même.

Louis Frédéric n’éprouva point pendant tout son règne de contrariétés relativement aux seigneuries du Chatelot, d’Héricourt et de Clémont, mais il n’en fut pas de même pour la seigneurie de Blamont. Les seigneurs francs qui avaient vendus leurs prétentions sur les 3 premières seigneuries, voulurent lui intenter un procès devant le parlement de Dole, relativement à la possession de la seigneurie de Blamont, sous prétexte que cette dernière seigneurie avait appartenu autrefois à la maison de Neufchâtel dont ils descendaient et ils obtinrent un jugement favorable de cette cour en 1622. Le prince de Montbéliard, déclinant à juste titre la compétence de la cour de Dole, tint son arrêt pour nul et non avenu, et dès lors il n’y eut plus de réclamation concernant la seigneurie de Blamont.
Un des prédécesseurs du prince Louis Frédéric en avait d’ailleurs fait l’acquisition en 1506, comme on l’a vu.

A l’exemple de ses prédécesseurs, le prince Louis Frédéric venait souvent à Blamont en automne, pour se livrer au plaisir de la chasse dans les grandes forêts des environs de ce bourg, et nommément dans celle de la cote dite de Chamabon. En 1622 il abattit de sa main, dans cette dernière forêt, un ours, et y prit un ourson vivant, qu’il fit déposer dans un des fonds de fosse du château de Montbéliard, appelé dès lors Berloch, mot allemand signifiant trou de l’ours. Il adressa à son frère aîné, le duc Jean Frédéric de Wurtemberg, les deux pattes de devant de l’animal tué, le priant de les faire servir à sa table quand il aurait nombreuse compagnie, et de les manger au bruit des trompettes et des timbales ; il s’excusa dans sa lettre du petit présent ; mais ajouta-t-il, dat poma, dat pira, qui non habet alia dona. Anciennement on trouvait aussi des ours dans les bois de Mandeure. Ces animaux ont tout à fait disparu du pays dans la 2eme moitié du 17eme siècle.
En 1621, le 28 février, le feu consuma 21 maisons de Blamont. Les victimes de ce désastre éprouvèrent de grandes pertes. On fit pour eux des quêtes dans tout le pays de Montbéliard. Il y eut encore des incendies à Blamont en 1726 et en 1735. Il n’y a pas lieu de s’en étonner grandement, attendu que la plupart des bâtiments étaient couverts en chaume et en bois.

La seigneurie de Blamont et le reste du pays de Montbéliard s’étaient à peine remis des désastres que leur avait causés l’armée des Guises, lorsqu’ils eurent à ressentir les malheureux effets de la guerre de Trente ans, que des motifs politiques et religieux avaient allumée en Allemagne en 1618. Cette guerre dévastait depuis plusieurs années déjà la province d’Alsace, lorsqu’à partir du 31 décembre 1629, malgré la neutralité du prince Louis Frédéric, des troupes impériales autrichiennes vinrent à réitérées fois prendre leurs logements dans le pays et lui imposer de fortes charges en argent et en vivres, mais ce n’était la que le prélude de plus grands maux qui l’attendaient.

Le prince Louis Frédéric ne vit que le commencement des maux de la guerre de Trente ans. Il mourut dans son château de Montbéliard le 26 janvier 1631, à l’âge de 45 ans. Nul souverain ne mérita plus que lui les regrets de ses peuples et les larmes qu’ils répandirent sur sa tombe, lorsqu’elle s’ouvrit pour recevoir sa dépouille inanimée. Léopold-Frédéric, son fils aîné, lui succéda sous la tutelle de ses oncles, Jules Frédéric, duc de Wurtemberg-Weiltingen, et Georges, landgrave de Hesse-Darmstadt. Le serment de fidélité aux dits tuteurs fut prêté par les bourgeois de la ville de Montbéliard le 28 mars 1631, par ceux des villages du comté de Montbéliard y compris la seigneurie d’Etobon le 31 du même mois, et par ceux des seigneuries adjointes au mois de juin suivant. La prestation de serment eut lieu le 2 juin à Blamont pour la seigneurie dont ce bourg était le chef-lieu.

La perte du prince Louis-Frédéric se fit d’autant plus sentir que le poids des calamités de la guerre de Trente ans alla toujours en augmentant. Plusieurs compagnies de troupes impériales autrichiennes revinrent d’Alsace dans le comté de Montbéliard pour y prendre leurs logements dès le mois de septembre 1631 jusqu’à novembre suivant, et dès le mois de juillet 1632 jusqu’en novembre de la même année. Non contents d’exiger presque tous les jours de l’argent et des denrées pour l’entretien de leurs soldats, les chefs leur laissaient commettre les plus graves désordres.

En mai 1633, un corps de troupes impériales autrichiennes sous les ordres du général Ernest de Montecululi, se rendant de Lure dans l’Alsace, commit à son passage dans notre pays beaucoup de déprédations et de violences. Trois ou quatre mois après, le pays se trouvait encore menacé par un autre corps de troupes impériales autrichiennes commandées par le duc Charles de Lorraine. Les circonstances devinrent si critiques qu’il ne resta au gouvernement du comte Léopold Frédéric de Montbéliard pour empêcher la ruine complète de ses états, d’autre ressource que d’implorer l’appui de Louis XIII, roi de France. Le monarque, qui se trouvait alors occupé au siège de Nancy, accorda tout ce qui lui était demandé. Le 21 septembre 1633, des garnisons françaises furent mises dans les places de Montbéliard, d’Héricourt et de Blamont. Les garnisons qui les occupaient parvinrent à les défendre pendant toute la durée de la guerre ; mais elles ne purent empêcher les campagnes d’être ravagées à différentes reprises par les troupes de l’empereur d’Allemagne jusqu’en 1637. L’armée du duc Charles de Lorraine, composée de 15000 hommes, est celle qui fit le plus de mal au pays ; elle l’envahit au commencement d’avril 1635, après des tentatives infructueuses pour s’emparer des places de Montbéliard, d’Héricourt et de Blamont ; elle s’en dédommagea en pillant, ravageant, dévastant les campagnes, en y promenant l’incendie et en y commettant d’horribles excès pendant 3 semaines. La garnison chargée de la défense du château de Blamont était commandée par l’intrépide capitaine André Perdrix (originaire d’Héricourt) ; elle alla jusqu’à mettre le feu à la ville de Blamont, afin de mieux résister aux attaques de l’ennemi.
La cherté des vivres, suite ordinaire de la dévastation des armées, se fit sentir plus cruellement en 1635 que les années précédentes. Les pauvres gens, manquant de pain, n’avaient d’autres aliments que des racines et l’herbe des prairies. Pour comble de maux, à la guerre et à la famine se joignit une peste, maladie épidémique si affreuse qu’on n’en avait jamais vu de semblable. Elle se manifeste d’abord à Montbéliard en juin 1635 ; elle se propagea bientôt après à Héricourt, à Blamont et dans le pays tout entier, et dura jusqu’en novembre suivant. C’est pendant les mois de juillet et d’août qu’elle fit le plus de victimes. Les malheureux habitants, dénués de tout, expiraient sans secours, livrés aux tourments de la faim et aux horreurs de la maladie. La mortalité fut si grande partout que les cimetières ne suffisant plus, il fallait ouvrir des fosses profondes loin des habitations pour y enterrer. Environ les deux tiers des habitants du pays furent enlevés. Le bourg de Blamont eut sa grande part des ravages de la peste ; il ouvrit hors de son enceinte, comme les villes de Montbéliard et d’Héricourt, un cimetière dit de la Bosse ou des pestiférés ; le nom de bosse vient du bubon pestilentiel qui se développait pendant la peste.

Les maux réservés à notre pays n’étaient pas encore terminés. Des troupes impériales autrichiennes y reparurent plusieurs fois dès la fin de 1635 à 1637 pour en enlever les dernières ressources. Des soldats français et des suédois, venus dans son sein pour le défendre contre ses ennemis, se montrèrent aussi très exigeants envers les habitants relativement à la fourniture des vivres qu’il leur fallait pour leur subsistance. Il faut savoir que les dévastations des armées entretenaient les denrées à un prix fort élevé, que les terres ne pouvaient être cultivées dans ces malheureux temps, et les récoltes encore moins ramassées. L’hiver rigoureux qui commença en décembre 1637 augmenta encore l’état de détresse où l’on se trouvait, et au printemps de 1638 se fit sentir une affreuse famine, qui ne manqua pas de causer la mort à un certain nombre de personnes. Tant de fléaux accumulés sur notre pays portèrent plusieurs de ses habitants à le quitter pour se réfugier dans la Suisse, notamment dans le canton de Neuchâtel, où régnaient le repos et la tranquillité. La seigneurie de Blamont ne manqua pas de fournir son contingent à l’émigration, et la population devint encore plus chétive.

Le théâtre de la guerre commença cependant à s’éloigner du pays de Montbéliard dès 1638, il n’eut toutefois de calme assuré qu’à la paix de Westphalie, conclue en octobre 1648. En exécution de cette paix les garnisons françaises quittèrent les places de Montbéliard, d’Héricourt et de Blamont le 10 juillet 1650. Le comté de Montbéliard et les seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot rentrèrent ainsi sous la souveraine domination du prince Léopold Frédéric. Par son ordre on fit le dimanche 29 juillet 1650 dans toutes les églises du comté et des seigneuries des services d’actions de grâce relativement à la paix de Westphalie.

Le prince Léopold Frédéric travailla de tout son pouvoir à réparer les désastres causés à ses états de Montbéliard par la guerre de Trente Ans. En vertu d’un édit du 16 mars 1651, il fit remise aux habitants de tous les lieux de son obéissance, et nomment à ceux de la seigneurie de Blamont, de toutes les redevances seigneuriales qu’ils n’avaient pu lui payer depuis bien des années à cause de leurs grandes souffrances. Comme le dit le pince dans son édit, les maisons incendiées n’étaient point relevées, les terres restaient sans culture, la plupart des sujets avaient péri de mort violente ; ceux qui restaient ne se nourrissaient souvent que de glands et de racines.

Il y avait déjà vingt ans que Léopold -Frédéric de Montbéliard avait succédé à son père Louis-Frédéric dans le comté de Montbéliard et les seigneuries adjointes, et 6 ans qu’il avait pris les rênes du gouvernement, lorsqu’il se fit prêter le serment de fidélité par ses sujets des différentes terres dans les deux derniers mois de 1651. C’est en décembre de cette année que les habitants de la seigneurie de Blamont réunis à Blamont s’acquittèrent du devoir envers le prince représenté par des fondés de pouvoir. Les malheurs et les fléaux de la guerre de Trente ans avaient été la cause du retard dans la prestation de serment.

Les écoles primaires de tout le pays de Montbéliard avaient été fermées pendant les désastres de la guerre de Trente ans. Le prince Léopold-Frédéric chercha à en rétablir une par paroisse. Blamont avait déjà son école particulière vers 1640 ; elle était sous la direction d’un instituteur laïc. D’autres écoles paroissiales furent ouvertes dans la seigneurie de Blamont dans le milieu du 17eme siècle. Le salaire des instituteurs fut laissé à la charge des chefs de famille de chaque localité.

Le prince Léopold-Frédéric de Montbéliard se plaisait beaucoup dans le château de Blamont, et il y venait y passer une grande partie de l’été et de l’automne de chaque année, se promenant et se livrant au plaisir de la chasse.
Lorsqu’il se trouvait en cette ville un dimanche, il ne manquait pas d’assister au service divin, prescrivant même au pasteur le texte qui devait faire l’objet de sa prédication. Il gratifia l’église du lieu de vases sacrés en vermeil.

Il existait déjà avant l’an 1308 à Blamont une halle ou grand bâtiment destiné à l’emmagasinement et à la vente des grains et à la tenue de la justice seigneuriale. Le bâtiment des halles de Blamont fut reconstruit en 1635 par ordre et avec les fonds du prince Léopold-Frédéric sur le même emplacement, tout près de l’église. Il fut saisi en 1792 comme propriété nationale par le gouvernement français qui le fit vendre vers 1796.

Les habitants du pays de Montbéliard qui s’étaient retirés en Suisse pendant la guerre de Trente ans, continuaient à y résider. Le prince Léopold-Frédéric, par son édit du 5 septembre 1654, les rappela dans leurs foyers, sous peine de confiscation de leurs biens en cas de désobéissance. Son but était de rétablir la prospérité de ses états, dont la population se trouvait presque anéantie. La plupart des anciens sujets du prince dans ses différentes terres et entre autre dans la seigneurie de Blamont se hâtèrent de revenir. D’autre en petit nombre restèrent en Suisse, ne voulant pas renoncer aux établissements prospères qu’ils y avaient formés.

Léopold-Frédéric, duc de Wurtemberg, comte de Montbéliard mourut frappé d’apoplexie dans l’église allemande de Montbéliard le dimanche 15 juin 1662, à l’âge de 38 ans. Comme il ne laissa point d’enfants, quoique marié depuis plusieurs années, son frère Georges lui succéda dans tous ses états. Il prit, comme lui, les titres de duc de Wurtemberg et de comte de Montbéliard ; il y ajoutait quelques foisons de Souverain Seigneur de Blamont, de Clémont, d’Héricourt, de Chatelot, etc..... Les habitants de la ville de Montbéliard lui prêtèrent serment de fidélité le 31 juillet 1662 ; ceux des villages du comté y compris ceux de l’ancienne seigneurie d’Etobon lui prêtèrent le même serment à Montbéliard le 7 août suivant. Quant à ceux des seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot, ils lui prêtèrent en ce dernier mois aux chefs lieux de leurs seigneuries.

Le prince Georges travailla, non moins que son frère, à fermer les plaies causées au pays par la guerre de Trente ans. Par un édit du 14 août 1662, il promit une exemption de dîmes et de toute espèce d’impôts pendant 4 ans aux étrangers qui viendraient à s’établir dans les terres de son obéissance, mais les nouveaux venus devaient faire profession du culte protestant, qui était alors le seul exercé dans le pays. Un grand nombre de suisses profitèrent de ces avantages, et vinrent se fixer notamment dans la seigneurie de Blamont. Les nouveaux colons y achetèrent à vil prix de grandes propriétés.

Le prince Georges porta son attention toute particulière sur les affaires du culte protestant, car il était lui- même fidèle observateur de ses devoirs religieux. Par ses ordres et avec ses secours plusieurs églises du comté et des seigneuries détruites pendant la guerre de Trente ans furent reconstruites. Un certain nombre de paroisses, restées vacantes depuis cette guerre, furent pourvues de pasteurs dès 1663 à 1668. La place de diacre ou pasteur adjoint de Blamont, vacante depuis la même époque, fut occupée en 1672, par le candidat en théologie Jean Georges Surleau de Montbéliard, qui eut des successeurs jusqu’en 1728. Les diacres du lieu n’eurent plus à remplir que des fonctions ecclésiastiques, sans être astreints à la direction de l’école primaire comme l’avaient été leurs prédécesseurs

Le prince Georges continua l’œuvre du rétablissement des écoles déjà commencée par son frère ; il fit en sorte que chaque localité ayant une population suffisante fut pourvue d’un instituteur, et donna ses ordres pour la construction d’une maison d’école. Les villages de la seigneurie de Blamont en particulier profitèrent de ces sages déterminations.


CHAPITRE IV : LA SEIGNEURIE DE BLAMONT POSSESSION DES COMTES DE MONTBELIARD A LA SOUVERAINETÉ DE LA FRANCE DE 1676 A 1789

Les avantages de la paix de Westphalie furent de trop courte durée. Le comté de Montbéliard et les seigneuries de sa dépendance avaient à peine recouvré leur première prospérité, quand Louis XIV, roi de France, qui s’était rendu maître de la Franche Comté depuis 2 ans, donna ordre au maréchal de Luxembourg, François Marie de Montmorency, de les occuper avec ses troupes placées sous son commandement. Le Maréchal de Luxembourg entra dans la ville de Montbéliard le mercredi 8 novembre 1676 par une supercherie indigne de sa gloire. Le prince Georges, justement irrité, s’enferma dans son château de Montbéliard, et le lendemain il partit pour Bale avec sa famille, après avoir donné aux capitaines des places de Blamont et d’Héricourt d’en ouvrir les portes aux troupes françaises qui y seraient envoyées par le maréchal de Luxembourg. Deux jours après la prise de Montbéliard, le vendredi 10 novembre 1676, les places de Blamont et d’Héricourt, qui d’ailleurs ne renfermaient chacune qu’une faible garnison, se rendirent sans résistance aux troupes du maréchal de Luxembourg. Celui-ci, ayant licencié les soldats que le prince Georges entretenait à Montbéliard, à Blamont et à Héricourt, prit aussitôt possession au nom du roi de France du comté de Montbéliard et des seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot. Toutefois les habitants des villes de Montbéliard, de Blamont, et d’Héricourt obtinrent du maréchal de Luxembourg, le jour que ces villes furent occupées par les troupes françaises, une capitulation dans laquelle fut stipulée qu’ils demeureraient dans la jouissance de leurs franchises et l’exercice de leur religion, sans qu’il y fut rien innové. Cette capitulation fut mal observée. L’armée du maréchal de Luxembourg, répandue dans le pays pendant plusieurs jours y fit de grands dégâts, les habitants eurent à souffrir toutes sortes de vexations ; beaucoup de maisons des villages furent incendiées ; les grains, les fourrages et les bestiaux furent enlevés. Les villes de Montbéliard de Blamont et d’Héricourt eurent aussi leur part des maux infligés aux pays ; les soldats français qui y étaient logés y vécurent avec la plus grande licence, ils pillèrent le riche mobilier renfermé dans les châteaux des lieux dont il s’agit ; ils allèrent jusqu’à violer les tombeaux des princes de Montbéliard pour y prendre ce qu’ils y trouveraient de précieux. Les cloches des églises de tout le pays furent brisées et enlevées, sans que la défense fut faite aux pasteurs d’y célébrer le culte. Enfin les réquisitions en argent et d’autres charges très onéreuses pesèrent sur toute la population, tant des villes que des villages. Un grand nombre d’habitants, se trouvant dans l’impossibilité de satisfaire aux exigences des soldats, quittèrent le pays.

Le comté de Montbéliard et les seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot furent réunies par le gouvernement français au ressort administratif de l’Intendant du roi en Alsace, qui était alors M. de la Grange. Toutes les autorités du pays, telles que le conseil de Montbéliard, la cour et chancellerie de cette ville, le baillage de la mairie et prévôté de Blamont, furent maintenues ; mais elles durent administrer et juger au nom du roi de France. Aussitôt un trésorier établi à Montbéliard fut chargé de les verser dans la caisse du receveur général des confiscations d’Alsace. Quant aux revenus ecclésiastiques, ils ne furent point confisqués.

Le maréchal de Luxembourg laissa une partie de ses troupes en garnison à Montbéliard, à Blamont et à Héricourt sur la fin de novembre 1676, se retirant avec le gros de son armée. Les troupes furent remplacées plus tard par d’autres troupes françaises ; il y en eut même qui vinrent prendre leurs quartiers d’hiver dans les villages des environs de ces villes. Un ordre du 23 novembre 1676 (vieux style) de M. de la Grange, intendant d’Alsace, portait que l’on tirerait des places de Montbéliard, d’Héricourt et de Blamont tout le matériel de guerre qui s’y trouvait, pour le conduire à Belfort. L’ordre fut exécuté sur la fin de la même année. L’arsenal de Blamont qu’il y avait au château du lieu fut alors spolié de tout son contenu ; il renfermait, dit-on, 14 canons de 24, en outre 8 de moindre calibre, 40000 boulets, 20000 livres de poudre, autant de salpêtre, 300 mousquets, 200 fusils, 300 piques, 60 hallebardes, 60 cuirasses, 60 fauconneaux et 20000 livres de plomb en lingots et en balles. Les arsenaux de Montbéliard et d’Héricourt, qui subirent la même spoliation, étaient aussi très riches en objets de guerre de différentes natures.
D’après un nouvel ordre du gouvernement français de la fin de décembre 1676 ( vieux style ), les 3 places de Montbéliard, de Blamont et d’Héricourt furent condamnées à être démantelées, et ce travail s’exécuta dans les premiers mois de 1677, de corvée, par les habitants du pays, sous la direction de quelques ouvriers mineurs. Il faut ajouter qu’on se borna à détruire une portion assez faible des remparts du château et des murs d’enceinte de la ville de Blamont, mais suffisante pour la mettre hors d’état de défense ; on laissa même subsister les portes en maçonnerie du château et celles de la ville, mais on enleva les pont-levis placés devant ces portes, et on en fit disparaître les fermetures ; les tours du château restèrent également debout, ainsi que la plus grande partie de celles dont étaient flanqués les murs d’enceinte de la ville ; quant aux bâtiments qui se trouvaient dans le château, ils restèrent intacts sauf l’arsenal.

D’après le traité de paix de Nimègue du 5 février 1679, conclu entre la France et l’empire d’Allemagne, le prince Georges de Montbéliard devait être réintégré dans toutes ses terres, comme il les possédait antérieurement, c’est à dire en toute souveraineté. Le traité ne fut exécuté par le roi de France que pour ce qui concernait le comté de Montbéliard proprement dit ; la garnison française quitta la ville le 13 août 1679 (vieux style), et 10 jours après le prince Georges y fit sa rentrée.

NOTE A PART
Le gouvernement français pensait qu’il serait un jour amené à rendre à leur légitime souverain les places de Montbéliard, de Blamont, et d’Héricourt ; car il n’avait encore fait aucun traité de paix ni avec l’Espagne, à qui il avait enlevé la Franche-Comté, ni avec l’empereur et les autres princes d’Allemagne. C’est pourquoi, n’étant pas content d’avoir démantelé les châteaux de Montbéliard et de Blamont, il donna ordre en juin 1678 de les faire sauter, afin qu’il n’y resta absolument rien. Des ouvriers mineurs furent sur le champ occupés à faire les travaux préparatoires. Heureusement l’œuvre de destruction ne fut pas exécutée à cause d’énergiques réclamations en conseil de régence de Montbéliard.

SUITE DU TEXTE

Mais le roi de France, malgré les plus énergiques réclamations du prince Georges, ne retira pas les garnisons qu’il entretenait à Blamont et à Héricourt, et il retint avec les 2 seigneuries de ce nom celles de Clémont et de Chatelot. Il s’était borné dès 1676 à une simple occupation du comté de Montbéliard et des seigneuries adjointes à ce comté, mais quand par un traité fait à Nimègue le 17 septembre 1678, il eut obtenu la cession définitive de la Franche Comté qu’il avait conquise en 1674, il prit la résolution de conserver une partie des états de Montbéliard pour avoir un passage ouvert entre cette province et celle d’Alsace qui lui appartenait dès 1648. Ferdinand François de Rye, comte de Poitiers, qui descendait par les femmes de la maison de Neufchâtel, et qui possédait la seigneurie de Neufchâtel, n’eut pas plutôt entrevu les dispositions du monarque français à l’égard des 4 seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot, qu’il osa les revendiquer, bien que ses aïeux eussent renoncés plusieurs fois par actes de vente à toutes leurs prétentions sur ces seigneuries. Il assigna à cet effet devant le parlement de Besançon Georges, comte de Montbéliard. Celui-ci, comme prince relevant immédiatement de l’empire d’Allemagne, déclina la justice de Besançon comme non compétente. Néanmoins le parlement de Besançon, suivant l’ordre du roi, passa outre, et d’après un arrêt rendu par défaut contre le prince Georges le 1 septembre 1679 (nouveau style), il adjugea la possession des 4 seigneuries à Ferdinand de Rye, à condition que ce dernier prêterait foi et hommage pour ces seigneuries au roi de France en sa qualité de souverain du comté de Bourgogne ou Franche- Comté. Ferdinand François de Rye chercha de suite à entrer en possession des seigneuries. Le 5 septembre 1679 (vieux style) le sieur Petitcuenot, son fondé de pouvoir, accompagné d’un huissier, vint à Blamont, et le surlendemain à Héricourt, pour notifier aux officiers de justice de ces lieux l’arrêt rendu par le parlement de Besançon ; mais ceux-ci ne voulurent point le reconnaître. Le 13 et le 14 du même mois le même revint à Héricourt et à Blamont avec 2 témoins pour engager les officiers de justice à remplir leurs fonctions au nom du comte de Poitiers, mais ils se gardèrent bien de déférer à sa réquisition. Le gouvernement français n’entreprit nullement d’introduire par la force le comte de Poitiers dans la propriété ou domaine utile des 4 seigneuries, à cause des réclamations du duc Georges et de toute la maison de Wurtemberg appuyée sur les droits les plus évidents, et il laissa subsister sur le domaine utile en question le séquestre qu’il y avait mis dès l’an 1676.

Le gouvernement français tenait à faire reconnaître sa prétendue souveraineté sur les mêmes terres, voulant les faire passer pour des fiefs de Franche-Comté. D’après ses ordres René de la Tour, marquis de Montauban, lieutenant général au comté de Bourgogne et Louis de Chauvelin, conseiller d’état, intendant de cette province pour le roi, avec escorte de 30 à 40 archers, se rendirent le 6 octobre 1679 (vieux style) au château de Blamont afin de faire prêter aux habitants des seigneuries de Blamont et de Chatelot le serment de fidélité au roi. Ils avaient appelé à Blamont toutes les autorités des seigneuries de Blamont et de Clémont en les faisant prévenir du jour de leur arrivée. Se rendirent à leur invitation et se présentèrent par devant eux le pasteur et le diacre de Blamont, le greffier de la justice, les maîtres bourgeois, le maire, le maître d’école, et plusieurs habitants de Blamont, les maires d’Autechaux, d’Ecurcey, de Villars- les-Blamont,d’Hérimoncourt, l’échevin ou juré de Pierre-Fontaine, les jurés d’Ecurcey, d’Autechaux, de Pierre-Fontaine, d’Hérimoncourt, ainsi que les maires de Montréchoux et de Liebvillers. Tous prêtèrent serment au roi au nom de toutes les autres localités des 2 terres, à l’exception de Sébastien Klopfel, prévôt en la justice de Blamont, qui déclara se retirer de Blamont, dont il n’était pas bourgeois, et le châtelain de Blamont, qui était alors absent. En signe et marque de la prise de possession de souveraineté, les 2 fonctionnaires français, René de la Tour et Louis de Chauvelin, firent élever et poser les armes du roi au devant des portes de la ville et du château de Blamont et autres principaux endroits et avenues dudit lieu. Le lendemain les fonctionnaires français se transportèrent à Héricourt pour prendre possession de la même manière de la souveraineté des seigneuries d’ Héricourt et de Chatelot. Personne n’osa résister à leur sommation, non seulement parce qu’ils s’étaient fait accompagner d’archers, mais parce qu’ils avaient l’appui des garnisons, de Blamont et d’Héricourt, et qu’au besoin ils auraient pu appeler sur les lieux d’autres troupes françaises.
Néanmoins, en prêtant serment de fidélité au roi, les fonctionnaires et notables habitants déclarèrent qu’ils suppliaient le roi de les conserver en leurs libertés, privilèges et franchises,et en l’exercice libre de leur religion, avec paiement des ministres de cette religion comme d’habitude. Ils en reçurent la promesse formelle du gouvernement français. On verra plus tard comment elle fut exécutée. Pendant que la France s’était bornée à une simple occupation des seigneuries d’Héricourt, de Chatelot, de Blamont et de Clémont, dés 1676 à 1679, elle les avaient mises sous la haute administration de l’intendant d’ Alsace, mais lorsqu’en 1679 elle s’en fut attribué la souveraineté comme étant les fiefs de Franche-Comté, elle les rattacha à cette dernière province, et soumit leurs autorités locales à ses principaux fonctionnaires. Pour l’administration civile, les 4 seigneuries furent du ressort de la subdélégation de Baume-les-Dames, qui se composait d’un subdélégué de l’intendant de Franche-Comté dit aussi de Besançon et d’un secrétaire. Pour l’administration judiciaire, les seigneuries de Blamont, de Clémont et de Chatelot furent du ressort du bailliage royal de Baume, qui dépendait lui-même du parlement de Besançon, et la seigneurie d’Héricourt fut du ressort du bailliage royal de Vesoul, qui dépendait aussi de la dite cour. Le tribunal suprême institué à Montbéliard pour les 4 seigneuries, sous le nom de souverain Buffet, qui avait déjà cessé de siéger en 1696, fut ainsi définitivement supprimé.

Il ne fut organisé par le gouvernement français pour les seigneuries de Blamont et de Clémont, qu’une seule justice inférieure composée d’un châtelain, d’un procureur fiscal et d’un greffier. (Les appels de cette justice devaient supporter le bailliage royal de Baume. La place du prévôt des seigneuries de Blamont et de Clémont fut supprimée). Un seul fonctionnaire sous le nom de juge, maire et prévôt des villes et seigneuries d’Héricourt et de Châtelot fut institué à Héricourt pour la tenue de la justice inférieure ; l’appel de ces jugements devait se porter devant le bailliage de Vesoul quand il s’agissait de la seigneurie d’ Héricourt et devant le bailliage de Baume quand il s’agissait de celle du Chatelot. Louis XIV, roi de France, non content d’avoir enlevé au prince de Montbéliard la souveraineté des 4 seigneuries, voulut encore lui enlever celle du comté de Montbéliard, qui de toute ancienneté avait fait partie intégrante de l’empire d’Allemagne. Le 5 février 1680 (nouveau style), sur les ordres formels du roi, son conseil d’état cassa l’arrêt du parlement de Grenoble du 15 juillet 1614, qui avait proclamé la souveraineté du comté de Montbéliard et des seigneuries adjointes et leur indépendance absolue du comté de Bourgogne, et il renvoya la connaissance et le jugement de la cause au parlement de Besançon. Un arrêt de ce parlement, rendu par défaut le 31 août 1680 (nouveau style) déclara que le comté de Montbéliard était un fief mourant de la souveraineté du comte de Bourgogne, et il condamna le prince Georges à en faire foi et hommage au roi, en qualité de souverain de cette province, dans le terme de 6 semaines, sous peine de commise ou confiscation au profit de sa majesté. Le duc Georges qui avait déjà protesté si haut contre les usurpations de ses seigneuries, ne protesta pas moins contre celle du comté, mais ses protestations demeurèrent sans résultat. Le 19 octobre 1680 (vieux style) René de la Tour, marquis de Montauban, commandant de la Franche-Comté et louis de Chauvelin, intendant de cette province, escortés de quelques officiers et de 100 cavaliers, arrivèrent à Montbéliard pour prendre possession de la souveraineté de ce comté au nom du roi. Ce jour là ils sommèrent en vain le duc Georges de prêter serment à Louis XIV, comme souverain de Franche-Comté, le prince retiré dans son château, ne voulut pas les recevoir, le lendemain ils parvinrent à faire prêter le serment de fidélité au roi par les membres du Conseil du prince, par le surintendant ecclésiastique Jean Beurlin, par tous les pasteurs de la ville et par les 9 maîtres bourgeois au nom de la ville, après leur avoir fait craindre la vengeance de la France en cas de refus. D’ailleurs le prince qu’ils avaient consulté sur la question de savoir s’ils devaient prêter serment, ne leur avait pas défendu formellement, il leur avait dit d’agir d’après leur conscience. Le 21 du même mois il quitta Montbéliard, il se retira d’abord en Alsace et bientôt après en Allemagne.

Le 6 novembre 1680 (vieux style) les habitants de Montbéliard supplièrent le duc Frédéric Charles de Wurtemberg, administrateur du Wurtemberg, de prendre la ville et tout le pays sous sa protection afin que ce pays ne tombât pas en commise ensuite de l’arrêt du parlement de Besançon. Frédéric-Charles afin de maintenir dans sa famille la possession et le domaine utile des états de Montbéliard, crut qu’il pouvait faire aux circonstances une concession qu’il prévoyait bien devoir n’être que temporaire, il s’empressa d’entamer des négociations avec le gouvernement français, malgré les défenses formelles de son cousin Georges. Louis XIV, par un arrêt donné en son conseil d’état le 20 décembre 1680 ( nouveau style ), permît au duc Frédéric Charles de faire prêter par des délégués les foi et hommage prescrits par l’arrêt du parlement dont il s’agit, au nom du jeune Léopold Eberhard, fils du prince Georges, dont il se déclara le tuteur, et d’ établir à Montbéliard un conseil de régence, composé de plusieurs membres, pour l’administration du pays pendant la minorité du jeune Léopold Eberhard, alors âgé de 10 ans. Par le même arrêt de son conseil d’état, il permit encore au duc Frédéric-Charles en sa qualité de régent du jeune Léopold Eberhard, de se pourvoir dans trois mois contre l’arrêt du parlement de Besançon du 1 septembre 1679, qui avait adjugé la possession des 4 seigneuries à Ferdinand-François de Rye, comte de Poitiers. A la suite d’un procès qu’il soutint devant la cour de Besançon contre Ferdinand-François de Rye, cette cour rapporta son arrêt du 1 septembre 1679 ; et par un nouvel arrêt du 19 août 1684 (nouveau style), elle adjugea au comte de Montbéliard la possession des 4 seigneuries sous la souveraineté de la France et comme fief du comté de Bourgogne. Au bout de peu de jours la prestation des foi et hommage pour les 4 seigneuries fut faite au roi de France à Besançon entre les mains de l’intendant de Franche-Comté par les commissaires du duc Frédéric- Charles, en sa qualité de tuteur de Léopold Eberhard. Le 26 août 1684 (vieux style ) un commissaire du duc Frédéric- Charles, les membres du conseil de régence de Montbéliard et le procureur général de cette ville se transportèrent à Blamont pour prendre possession des seigneuries de Blamont et de Clémont. Ayant trouvé réunis en cette ville les maires, les autres fonctionnaires et les habitants notables de tous les lieux des seigneuries en question, ils leur firent prêter serment de fidélité au duc Fédéric-Charles, en sa qualité de tuteur du jeune prince Léopold Eberhard. Ils en firent de même à Héricourt pour les seigneuries d’ Héricourt et de Chatelot. Ce second serment n’annulait pas le premier qui avait été prêté au roi de France.
Le prince Georges, réfugié en Silésie chez son gendre Sylvius-Frédéric de Wurtemberg-Oels ne croyait jamais revoir ses états de Montbéliard, aussi longtemps que la France remporta des victoires sur les puissances étrangères, mais quand elle eut éprouvé des revers de fortune, elle fut obligée de leur faire des concessions par le traité de Ryssvick du 30 octobre 1697. Le traité stipulait entre autres articles la restitution au duc Georges de tous ses états, comme il les avait possédés avant la guerre, c’est à dire en toute souveraineté. En conséquence le roi de France Louis XIV ordonna sous la date du 17 janvier 1698 à M. de la Roque, commandant à Blamont, d’évacuer avec sa compagnie la ville et le château de ce nom, qu’il disait être du comté de Montbéliard. Cette évacuation se fit le 3 février 1698 (vieux style). Les troupes françaises avaient déjà quitté Montbéliard la veille d’après les ordres du roi. Dès l’an 1676, pendant tout le temps qu’il y eut une garnison française dans le château de Blamont, un aumônier catholique dit la messe dans une des salles du château convertie en chapelle, sans qu’il chercha à entrer dans le temple appartenant aux protestants, l’aumônier quitta Blamont avec les troupes françaises en 1698. Dans le même temps tous les officiers royaux de justice et de police furent rappelés du pays, les impositions royales qu’on y percevait prirent fin, et les bureaux qui avaient été établis pour les marchandises comme pour les contrôles des actes de notaire et de justice furent levés. Pendant l’occupation française le pays de Montbéliard tout entier avait été accablé de charges de guerre de toute espèce, il avait eu à fournir de l’argent, des grains, du foin, de la paille et satisfaire à d’autres réquisitions en nature ; en outre il avait du entretenir des régiments français cantonnés dans son sein pendant plusieurs hivers.
Le prince Georges revenant d’Allemagne, arriva au château de Blamont le 4 février 1698 ( vieux style ), après y avoir passé 3 jours, il se rendit à Montbéliard et il reprit possession du comté de Montbéliard et des 4 seigneuries adjointes de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot, sans qu’on lui demandât de prêter foi et hommage au roi de France pour aucune de ses terres. Georges s’occupa de suite du gouvernement, et dès la fin de février 1698, il nomma de nouveaux fonctionnaires tant pour le comté que pour les seigneuries, ne voulant pas reconnaître ceux qui tenaient leur nomination des autorités françaises.

Cependant le gouvernement français ne tarda pas à recommencer ses usurpations sur la souveraineté des seigneuries appartenant au prince Georges, n’entendant lui laisser que la souveraineté sur le comté de Montbéliard proprement dit. Georges ayant voulu affirmer ses forges d’Audincourt et de Chagey, fit afficher dans les villes des environs et entre autre à Besançon des placards où il était qualifié de Souverain Seigneur d’Héricourt, de Chatelot, de Blamont et de Clémont, titres qu’il prenait du reste à l’instar de ses prédécesseurs. Cela fut cause que le parlement de Besançon, par un arrêt rendu le 19 avril 1698, sur la procureur général, fit défense aux officiers établis par le duc Georges dans les 4 seigneuries et y exerçant la justice en son nom, ainsi qu’à tous les sujets y résidant, sous peine de 1000 livres d’amende, de reconnaître d’autre souverain que le roi de France en sa qualité de comte de Bourgogne et de porter le appellations des justices seigneuriales ailleurs qu’ aux tribunaux de Franche-Comté, savoir au bailliage de Vesoul pour la seigneurie d’Héricourt, et au baillage de Baume pour les 3 autres seigneuries, et de là au parlement de Besançon. En conséquence de ses prétentions de souveraineté, le gouvernement français voulut aussi que les 4 seigneuries pour les affaires civiles dépendissent de la subdélégation de Baume comme avant la paix de Rysvick.
Le 13 mai 1698 ( nouveau style ) le sieur de Vaubourg, intendant au comté de Bourgogne, écrivit au receveur des impositions royales de Baume de contraindre par la voix des archers les habitants des 4 seigneuries au paiement des impositions royales sur le taux des années précédentes ; et comme ces ordres n’étaient pas exécutés aussi promptement qu’il l’aurait désiré, il y envoya le 2 août de la même année ( nouveau style ) un détachement de cavalerie commandé par un lieutenant pour faire subir aux habitants des exécutions militaires. Ce détachement s’introduisit à Blamont 2 jours après, et emmena prisonniers le châtelain de la seigneurie Charles-Christophe Cuvier, le maire et quelques bourgeois de la ville pour sûreté des impositions arriérées, lesquels furent relâches peu de temps après. Dès lors les impositions royales ne cessèrent pas d’être payées chaque année à la France par les habitants des 4 seigneuries jusqu’à la révolution française de 1789. Le gouvernement français rétablit encore le contrôle ou enregistrement de tous les actes publics et des bureaux pour les marchandises à Blamont et à Héricourt, et il est interdit la libre-circulation des marchandises, comme celle des grains et des bêtes, des seigneuries dans le comté de Montbéliard. Il ne laissa au prince Georges dans les 4 seigneuries que les droits et revenus seigneuriaux. Celui-ci adressa en vain au roi de France, à différentes reprises, les réclamations les plus vives sur les usurpations commises à son égard sur les 4 seigneuries, en se faisant appuyer par l’empereur et la diète d’Allemagne ; toutes ces démarches demeurèrent inutiles.

Georges, comte régnant de Montbéliard, mourut dans son château de Montbéliard le 1 juin 1699 (vieux style). Léopold-Eberhard, son fils unique, lui succéda dans tous ses états. Outre le comté de Montbéliard, les 4 seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot adjointes à ce comté, il eut les 3 seigneuries de Granges, de Clerval et de Passavant, qui étaient des fiefs de Franche-Comté, les 2 seigneuries d’ Harbourg et de Riquevihr, situées en Alsace, la seigneurie de Franquemont, comprise dans la Suisse, et la terre de Sponeck, située sur les bords du Rhin, dans le Brisgau en Allemagne. Il eut encore des terres situées en France provenant de sa mère, Anne de Coligny, notamment la seigneurie de Coligny, comprise dans le duché de Bourgogne. Il n’éprouva point d’opposition dans la prise de possession du Comté de Montbéliard, mais il ne put jouir que de droites et revenus seigneuriaux dans les 4 terres adjointes à ce comté, dont la France continua à s’arroger la souveraineté malgré ses protestations. Toutefois les officiers civils et ecclésiastiques des 4 terres prêtèrent serment à Léopold-Eberhard sur sa réquisition, peu de temps après qu’il eut succédé à son père et la France n’exigea pas de lui qu’il remplit les devoirs de vassal pour les mêmes terres.

Les usurpations de la France sur les 4 seigneuries, loin de diminuer sous le gouvernement de Léopold- Eberhard allèrent en augmentant. Le samedi 22 juillet 1699 (vieux style) correspondant au 1 août 1699 (nouveau style), parurent inopinément devant Blamont. Treize compagnies d’infanterie française, comprenant au moins 500 hommes, sous prétexte de souveraineté au roi ; ces troupes entrèrent dans la ville sans résistance, mais elles trouvèrent les portes du château fermées, ayant coupé les portes et les ponts-levis, elles entrèrent aussi dans le château sans résistance. Dès lors et surtout dès l’an 1712, il y a eut constamment une garnison française dans la place de Blamont, avec un chef qui avait commandement militaire sur les 4 seigneuries.

Dès qu’il y eut un curé spécial à Blamont en 1712, il fut pourvu à un chantre qui ouvrit une école pour les 3 enfants qui y vinrent avec leurs parents. Pendant que Cornibert, curé de Damvant fut administrateur de l’église de Blamont de 1699 à 1712, il n’y eut point en lieu de chantre instituteur catholique. Il y avait déjà en 1763 une maîtresse d’école catholique à Blamont malgré le bien petit nombre d’élèves à ce culte.

Le dimanche, le lendemain de l’arrivée des français un prêtre dit la messe dans la cour du château. Mais le lundi, surlendemain de leur arrivée, 24 juillet (vieux style) correspondant au 3 août 1699 (nouveau style), les soldats français se saisirent du temple de Blamont. Julien Relange, curé de Mandeure, y chanta aussitôt une grande messe, 14 prêtres se trouvaient réunis pour cette cérémonie. On ferma le chœur par une balustrade le 18 septembre suivant, et la nef fut rendue commune aux protestants et aux catholiques. Cornibert, curé de Damvant, aumônier du château de Blamont, fut administrateur de la paroisse catholique de Blamont jusqu’en 1712, qu’il y eut un curé spécial. Le pasteur protestant et le diacre de Blamont purent continuer à exercer leurs formations et à jouir des revenus affectés à leur desserte. Le curé de Blamont ne put pas s’immiscer dans les dîmes anciennes recueillies au profit des recettes ecclésiastiques protestantes sur les territoires de Blamont et de Pierrefontaine, parce que le roi s’était chargé de lui faire une pension ou traitement sur les propres revenus du comté de Bourgogne, lequel traitement fut fixé à 250 livres par an ; on réserva toutefois au curé les dîmes novales avenues sur les territoires des deux communes ci-dessus mentionnées. L’église de Blamont fut consacrée par le clergé catholique, dès 1699 à la Purification de Notre-Dame, comme elle l’avait été dans les anciens temps avant la réformation religieuse. L’archevêque de Besançon recouvra aussi la collation religieuse de cette église, et il en a joui jusqu’à la révolution française de 1789. La maison de ville de Blamont, enlevées à sa destination par les ordres de l’autorité française le 14 juin 1700, fut convertie en presbytère catholique, et dès lors le magistrat tint ses séances dans le bâtiment de la halle. Il faut faire observer que, lors de l’arrivée des troupes françaises à Blamont en 1699, il n’y avait point d’habitants catholiques à Blamont ni à Pierrefontaine.
L’église de Blamont ne fut pas la seule du pays où le clergé voulut entrer pour l’exercice de son culte. En janvier 1700 l’archevêque de Besançon reçut du roi de France l’autorisation d’instituer un curé dans chacun des chefs- lieux des 4 seigneuries, savoir à Blamont, à Montréchoux , à Héricourt et à Saint Maurice. Comme le culte catholique était déjà établi à Blamont, restait à l’établir dans les 3 autres localités, ce qui se fit au bout de quelques mois, avec l’appui des soldats français, à cause de l’opposition des habitants de ces lieux qui étaient tous protestants. Le culte catholique fut exercé simultanément dans les églises de Montréchoux et d’Héricourt ; mais il fut seul exercé dans l’église de Saint-Maurice et dans celle de Colombier-fontaine et de Blussans, ses filiales. Les églises d’Autechaux et de Lougres devinrent aussi communes aux deux cultes en 1700, ensuite des ordres du gouvernement français. On doit ajouter qu’à Voujeaucourt, dans le comté de Montbéliard, l’église dut servir au culte catholique comme au culte protestant, ensuite des ordres du gouvernement français en 1700, et qu’à Montbéliard même des soldats français vinrent en pleine paix en 1699 établirent l’exercice du culte catholique dans les bâtiments du collège.

Le clergé catholique poussa encore plus loin ses usurpations. A la suite d’un arrêt du parlement de Besançon du 15 janvier 1700, Guillaume Boutechoux, chanoine de l’église métropolitaine de Besançon, ayant été nommé sur sa demande prieur de Dannemarie par le pape, se mit en possession de tous les biens de l’ancien prieuré de Dannemarie, qui appartenait alors à la recette ecclésiastique protestante des seigneuries de Blamont et de Clémont, et même des droits seigneuriaux qui en dépendaient autrefois.

Cette maison a servi de presbytère catholique jusque vers 1780, époque de la construction d’un nouveau presbytère qui subsiste encore aujourd’hui.

Dès lors jusqu’en 1790, ces biens sont restés entre les mains des prieurs qui ont succédé à Boutechoux sans qu’aucun d’eux eut jamais résidé dans leur bénéfice. Les bâtiments de l’ancien prieuré de Dannemarie, dont il restait quelques ruines en 1700 ne furent point relevés. Les biens de l’ancien prieuré de Saint-Valbert près d’Héricourt furent également saisis par le clergé catholique en 1700.

Le prince Léopold-Eberhard de Montbéliard, non content d’adresser au roi de France des remontrances les plus vives au sujet des nombreuses usurpations commises par son gouvernement, sollicita les bons offices des puissances protestantes. Le roi fit des promesses réitérées, mais loin de mettre fin à ses usurpations, il voulut les légitimer par ses lettres-patentes du 9 juillet 1707 adressées au parlement et à l’intendant du comté de Bourgogne.
Non seulement il consacra toutes les usurpations qui avaient eut lieu dans les 4 seigneuries, dont il se déclara le seul souverain, mais encore il réduisit à une simple tolérance les droits antiques et si solennellement consacrés des protestants. Ceux-ci du reste ne se virent jamais privés de leurs droits civils, ni contraints par la violence et la menace des supplices à changer de religion. De sourdes persécutions ne continuèrent pas moins, et atteignirent plus d’une fois les officiers du prince ou des ministres du culte évangélique.

Le 15 mars 1715 les officiers de justice, baillis, châtelains, procureurs fiscaux, prévôts, greffiers de bailliage, ainsi que les tabellions et les procureurs postulants des seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot, qui professaient tous le culte protestant, furent cassés par ordre du roi. En même temps, il fut ordonné au seigneur, le prince Léopold-Eberhard de Montbéliard, de les remplacer dans le mois par des individus appartenant à la religion catholique. Le prince n’ayant pas eu devoir d’obtempérer à cette étrange injonction, les fonctionnaires furent désignés d’office par le parlement de Besançon. Les officiers de justice ainsi nommés étaient pour Blamont un juge civil, criminel et de police, un procureur fiscal et un greffier, et pour Héricourt un bailli, un procureur fiscal et un greffier ; il y eut encore dans chacun de ces lieux des procureurs, un huissier royal, 2 huissiers seigneuriaux, un tabellion et 2 notaires. Les places de châtelain et de prévôt à Blamont, de maire et de prévôt à Héricourt, furent ainsi supprimées. En 1716 l’intendant de Franche-Comté ordonna qu’à l’avenir le corps de magistrature de Blamont serait choisi moitié parmi les habitants catholiques de Blamont et moitié parmi les habitants protestants ; ceux-ci formaient alors presque la totalité de la population. Une mesure semblable fut prise en 1720 pour la ville d’Héricourt. Quant aux fonctions des maires, des jurés ou échevins, de garde forestiers et autres dans les villages des 4 seigneuries, elles pouvaient être occupées exclusivement par des protestants.

Le prince Léopold-Eberhard de Montbéliard, qui ne contracta pas de mariage honnête, n’avait que des enfants illégitimes de plusieurs femmes, inhabiles par conséquent à lui succéder dans le comté de Montbéliard et les seigneuries qui en dépendaient. Afin de leur assurer pour l’avenir un entretien convenable, il fit avec son cousin Eberhard-Louis de Wurtemberg, le 18 juillet 1715, le traité de Wildbad. Par ce traité, Léopold-Eberhard reconnut pour son successeur le duc Eberhard-Louis de Wurtemberg ; et celui-ci s’engagea à payer à titre de pension alimentaire, une rente annuelle de 12 000 florins aux enfants illégitimes de Léopold-Eberhard. La rente devait être assise sur les biens du pays de Montbéliard accordés en fief féminin, et se partager par tiers entre les 3 sortes d’enfants du prince. D’après ce même traité, Léopold-Eberhard s’engageait à remettre sur le champ autant de terres et de pays qu’il en faudrait pour faire les 12 000 florins de revenus annuels, et afin que ses enfants naturels fussent investis de la basse justice et des revenus du fond de 12 000 florins ; mais le domaine direct et le droit territorial étaient réservés à Eberhard-Louis, comme au seigneur direct, pour l’exercer à l’avenir. Afin d’arriver à l’exécution de cette clause Léopold-Eberhard, par un acte fait à Montbéliard le 27 juillet 1715, abandonna immédiatement à Eberhard-Louis la possession actuelle des 4 seigneuries d’Héricourt, de Chatelot, de Blamont et de Clémont. Sur la fin du même mois les officiers civils et ecclésiastiques de ces terres, dégagés de leur serment de fidélité à Léopold- Eberhard, en prêtèrent un autre au duc Eberhard-Louis, représenté par ses plénipotentiaires. Un conseil de régence fut établi à Montbéliard même pour l’administration des terres dont il s’agit ; il tint sa première séance le 30 juillet 1715 à Montbéliard dans la maison de son président, Jean Rodolphe, comte de Sponeck.

Léopold-Eberhard ne tarda pas à se repentir d’avoir privé par le traité de Wildbad de 1715 les membres de sa famille de toute prétention sur sa succession, et dès l’an 1716, il chercha à les indemniser par tous les moyens possibles. Il leur céda par donation entre vifs une grande quantité de biens, fonds dans le comté de Montbéliard et dans les seigneuries de sa dépendance. Par acte du 11 août 1716, il donna à ceux de ses enfants du nom de Coligny dans la seigneurie de Blamont le fief de Seloncourt, la grange ou métairie d’Autechaux, celle d’Ecurcey, celle de Montaillerey et des Champs-Vallons avec le moulin de papier dans la banlieue de Glay, les métairies de Custache et de Rombois sur le territoire de Mélière, la métairie de Fontany sur le territoire de Bondeval, il leur donna encore dans les seigneuries de Clémont et d’Héricourt, dans le comté de Montbéliard, dans le duché de Bourgogne et dans la Franche-Comté beaucoup d’autres biens de même nature. Par acte fait au château de Montbéliard le 18 novembre 1716, il donna aussi à sa maîtresse Elisabeth-Charlotte Curie, baronne de Lespérance, pour elle et ses enfants, dans la seigneurie de Blamont la grange de Vandoncourt, la métairie appelée Champ-la-Dame sur Hérimoncourt, ainsi que tous les revenus seigneuriaux du village et du territoire de Seloncourt ; il lui donna encore dans les seigneuries de Clémont et de Chatelot, dans le comté de Montbéliard et en Alsace des fiefs, granges, bois etc.........

Le prince Léopold-Eberhard mourut au château de Montbéliard le 25 mars 1723, frappé d’apoplexie.
Plusieurs de ses enfants naturels se disant enfants légitimes réclamèrent en vain sa succession au comté de Montbéliard, elle fut dévolue à Eberhard-Louis, duc régnant de Wurtemberg le plus proche ( agrat ?) du prince défunt. Quant aux seigneuries de Blamont, d’Héricourt et de Châtelot, elles furent mises en séquestre par la France, qui s’en arrogeait la souveraineté sous prétexte qu’il était nécessaire de régler préalablement les droits de divers prétendants à la possession de ces seigneuries, mais dans le but réel d’amener les princes de la maison de Wurtemberg à reconnaître la souveraineté sur les terres en question. Le séquestre fut apposé également par la France sur les seigneuries de Granges, de Clerval et de Passavant, qui étaient des fiefs du comté de Bourgogne, et sur celles d’Horbourg et de Riquevihr, situées en Alsace. L’intendant de Franche-Comté, résidant à Besançon, eut l’administration des 4 seigneuries et des 3 fiefs de Franche-Comté, et l’intendant d’Alsace eut celle des seigneuries avec la nomination des officiers de justice, procureurs, maires et autres fonctionnaires. Il fut établi par la France un fermier des revenus seigneuriaux de chaque terre. Dans les premiers temps du séquestre, qui se prolongea jusqu’en 1748, la terre de Blamont rapporta annuellement 17 200 livres tournois ; celle de Clémont 2 200, celle d’Héricourt 9 000 livres non compris la forge de Chagey ; celle de Chatelot 45 000 livres. C’est entre les mains de l’intendant de la province que dut être versé le produit de tous les revenus seigneuriaux. La nomination des maires des villages des seigneuries de Blamont et de Clémont fut laissée par l’intendant de Franche-Comté aux juges de la justice de Blamont qui leur faisaient prêter serment entre ses mains avant leur entée en fonctions. Celle des maires des villages des seigneuries d’Héricourt et de Chatelot fut laissée par le dit intendant au Bailli ou chef de justice d’ Héricourt, qui leur faisait prêter le même serment. Le duc Eberhard-Louis de Wurtemberg, en sa qualité de comte de Montbéliard, ne manqua pas de protester auprès du gouvernement français contre la séquestre des seigneuries qui devaient lui revenir en toute justice.

Les enfants naturels du prince Léopold-Eberhard se virent enlever en 1723 par son successeur Eberhard- Louis les biens qui leur avaient été donnés en 1716 dans le ressort du comté de Montbéliard ; mais ils purent conserver par la protection de la France les biens dont ils avaient été gratifiés à la même époque dans la seigneurie de Blamont et dans les autres seigneuries de la dépendance de ce comté, et leurs héritiers en ont joui jusqu’aux événements de la révolution française de 1789.
L’évêque de Bâle, prince de Porrentruy, profita du séquestre que le gouvernement français avait apposé sur les seigneuries de la succession du comte Léopold-Eberhard de Montbéliard pour demander à ce gouvernement en 1727 une nouvelle délimitation entre la seigneurie de Blamont et celle de Porentruy. Le village de Réclere et celui de Damvant, qui étaient mi partis entre l’une et l’autre seigneurie, passèrent entièrement dans celle de Porrentruy, du consentement du gouvernement français. L’évêque de Bale n’aurait certainement pas obtenu cet agrandissement de territoire si le prince de Montbéliard avait conservé son autorité sur les seigneuries. Dès lors le protestantisme disparut entièrement de Réclere et de Damvant ; ceux qui le professaient, étant devenus les sujets de l’évêque de Bale, durent embrasser le catholicisme ou s’expatrier.

Le séquestre de la France sur les seigneuries de la succession de Léopold-Eberhard fut pour les habitants protestants de ces 4 terres un grand accroissement d’inquiétudes et de tribulations. A la vérité dans une lettre du 28 août 1724, le comte de ( Norvilk ?), ministre secrétaire d’état de France, fit connaître au procureur général de Besançon que les intentions du monarque n’étaient nullement de les troubler dans l’exercice d’une religion qui leur avait été tolérée jusqu’alors. Mais cela n’empêcha pas l’intendant de Franche-Comté de s’ingérer dans les affaires de leur culte, de s’ arroger le droit de contrôle sur la nomination de leurs pasteurs, d’interdire au surintendant ecclésiastique de Montbéliard de les inspecter et de visiter leurs églises, d’enlever aux préposés ordinaires l’administration de leurs revenus ecclésiastiques pour la confier à des catholiques, de refuser toute dépense pour le rétablissement et l’entretien des temples, des presbytères et des maisons d’école occupées par eux. Cela n’empêcha pas un peu plus tard le gouvernement français de les priver de leurs pasteurs et de leurs édifices religieux. La seigneurie de Blamont eut à subir pour une grande part les actes d’intolérance religieuse des fonctionnaires français pendant la durée du séquestre des seigneuries, comme on en verra bientôt des preuves incontestables.

Dés le commencement du séquestre des 4 seigneuries, afin d’ôter de plus en plus aux pasteurs de ces seigneuries les moyens de subsister, le gouvernement français enleva l’administration des revenus ecclésiastiques de ces seigneuries aux préposés ordinaires, qui étaient des laïques protestants, pour les confier exclusivement à des catholiques, et cela dans l’intérêt des curés à qui on voulait procurer de bons gages, de manière à diminuer de beaucoup la masse des revenus. Les premiers receveurs catholiques furent des laïques, plus tard les curés de Blamont furent pourvus de cette commission pour les recettes ecclésiastiques des seigneuries de Blamont et de Clémont. Le clergé catholique à mesure qu’il fut rétabli dans les seigneuries par un effet de la violence du gouvernement français, à partir de la fin du 17ème siècle, s’empara d’une grande partie des dîmes et des rentes des recettes ecclésiastiques de ces seigneuries. Des empiétements du clergé catholique il résulta un déficit sur le traitement des pasteurs protestants conservés à leur poste. Ce déficit fut couvert à partir de 1738 moitié par la caisse ecclésiastique du comté de Montbéliard et moitié par celle du duché de Wurtemberg, cette libéralité fut maintenue jusqu’en 1790.

En 1726, le mardi 29 octobre, dans la nuit, 34 maisons de Blamont, ainsi que l’église construite en 1608, et le presbytère protestant, devinrent la proie des flammes. On fit dans tout le pays de Montbéliard en faveur des malheureuses familles atteintes par l’incendie une quête se montant à 7 000 livres tournois, qui fut bien loin de réparer toutes leurs pertes. Après ce sinistre événement, qui priva les protestants et les catholiques du lieu de culte qui dès 1699 leur était devenu commun, les protestants se réunirent pour leurs offices dans une maison particulière, et les catholiques dans un autre local. Une nouvelle église ne put être construite de suite après l’incendie, faute de ressources suffisantes ; elle fut enfin bâtie en 1731 sur l’emplacement de l’ancien hôpital, dont il a été question ci- dessus, aux frais des habitants de Blamont dont plus des trois quarts étaient protestants ; parmi ces habitants il n’y avait de catholiques que les fonctionnaires français et quelques étrangers venus depuis le commencement du 18ème siècle. Néanmoins les protestants ne purent partager avec les catholiques la jouissance de la nouvelle église, comme cela s’était fait pour l’ancienne église, et ils durent continuer à s’assembler dans une maison particulière pour l’exercice de leur religion. Le clergé romain avec la plus grande pompe à la dédicace de la nouvelle église, qui fut, comme la précédente, consacrée à la Purification de Notre-Dame. Elle subsista jusqu’en 1823.

La privation d’un temple pour l’exercice de leur culte ne fut pas le seul sujet d’affliction pour les protestants de Blamont. Ils songeaient à acheter une maison à Blamont même, pour le logement de leur diacre ou second pasteur, qui depuis quelque temps demeurait à Pierrefontaine ; mais ils ne purent mettre leur projet à exécution. La place de diacre fut supprimée en janvier 1729, d’après les ordres du gouvernement français. Cette place, dont la création remontait à l’an 1595, avait été occupée en dernier lieu par Jean -Nicolas ( Kéquillet), qui venait d’être nommé pasteur en titre de Blamont. Il ne resta plus dès lors pour la paroisse protestante qu’un seul desservant, chargé chaque dimanche des deux services de Blamont et de Pierrefontaine. Un nouvel incendie éclata à Blamont dans les derniers mois de 1735, et consuma plusieurs maisons. Les familles qui en furent atteintes, essuyèrent de grandes pertes. L’église reconstruite en 1731 fut préservée du ravage des flammes. Parmi les mesures prises contre les protestants des 4 seigneuries, la plus désolante fut l’ordre donné par le roi de France en 1735 de remplacer par des curés les pasteurs évangéliques qui viendraient à manquer dans le ressort des dites seigneuries. En vertu de cet ordre, le clergé catholique se saisit de l’église de Chagey en 1740, de l’église de Seloncourt et de celle de Bondeval, sa filiale en 1740, de l’église de Longevelle en 1741, de l’église de Montècheroux en 1745, de l’église de Glay et de celle de Villars, sa filiale, en 1746, après la mort des pasteurs qui les desservaient. Il se saisit encore de l’église de Lougre, filiale de celle de Beutal, en 1744, quand le pasteur de ce dernier lieu eut été transféré dans une autre paroisse, mais il ne put prendre possession de l’église de Beutal, parce qu’elle se trouvait sur une terre du comté de Montbéliard. Avec les églises, le clergé catholique prit les cimetières, les presbytères, les biens curiaux et les dîmes recueillies au profit des recettes ecclésiastiques protestantes dans les lieux où ces églises étaient situées

On défendit encore aux protestants de Blamont d’avoir un instituteur de leur culte à Blamont même, dès qu’ils furent astreints de fréquenter l’église de Pierrefontaine en 1744. Leurs enfants durent aller à Pierrefontaine pour l’instruction primaire, et cet état de choses dura jusqu’en 1790.

Il faut faire observer que les églises de Lougre et de Montécheroux, avaient déjà été rendues communes aux 2 cultes protestant et catholique en 1700. Des curés furent établis à Chagey, à Seloncourt, à Longevelle, à Glay, et un peu plus tard à Villars-les-Blamont. L’intendant de Franche-Comté voulut défendre à Jean Frédéric Flamand, vicaire du pasteur Pierre Piguet de la paroisse d’Abbévillers, de fonctionner dans le temple d’Hérimoncourt, cette défense fut de courte durée sur les pressantes réclamations des protestants de la localité, le pasteur étant encore en vie.

Au mois de novembre 1744 les protestants de Blamont, pour quelques réparations indispensables, faites dans la maison qui servait à l’exercice de leur culte, s’en virent dépossédés par ordre du comte d’Argenson, secrétaire d’état, qui mandait à l’intendant de Franche-Comté, qu’il eut à s’opposer à l’entreprise formée par les luthériens de Blamont, d’y élever un temple à la place d’une maison particulière, où l’on avait toléré qu’ils fissent leur service. Sa Majesté, ajoutait-il, m’a ordonné de vous mander d’empêcher la continuation de ce temple, et de tenir la main à ce qu’il ne soit fait aucune assemblée de religionnaires dans la ville de Blamont, son intention étant que ceux qui y résident, puissent aller au prêche à Pierrefontaine, comme il avait été ci-devant réglé, et qu’ils y fassent enterrer leurs morts. Cet ordre fut ponctuellement exécuté, et dès lors l’église de Pierrefontaine servit de lieu de réunion aux protestants de Blamont, elle servit de même aux protestants de Montréchoux et de Liebvillers, dès 1745, et à ceux de Villars-les-Blamont dès 1746, aussitôt qu’ils furent privés de l’exercice de leur religion dans leur propre paroisse.

Le clergé catholique aimait à tracasser les pasteurs protestants de Blamont. C’est ainsi qu’en 1777 le commandant de Blamont, poussé par le curé du lieu, osa faire défense au pasteur Kilg de faire des assemblées chez lui pour l’instruction de la jeunesse. Il est à croire que cet ordre ne reçut point d’exécution.

Le prince Charles-Alexandre de Wurtemberg, devenu héritier du duché de Wurtemberg et du comté de Montbéliard à la mort de son cousin Eberhard-Louis en 1733, avait en vain, comme ce dernier, fatigué le roi de France de ses plaintes relativement aux seigneuries sur lesquelles le séquestre était maintenu sans motifs plausibles. Son fils aîné, Charles-Eugène qui lui succéda en 1737 dans tous ses états, se décida enfin à faire le sacrifice de ses droits de souveraineté sur 4 de ces seigneuries pour avoir la possession ou domaine utile de ces seigneuries et de toutes les autres qui avaient dépendu du comté de Montbéliard. Il conclut à Versailles le 10 mai 1748 avec le roi de France un traité dont voici les principaux articles. Le roi de France consent à la levée du séquestre mis de sa part en 1723 sur les seigneuries d’Héricourt, de Chatelot, de Blamont et de Clémont et sur celles de Granges, de Clerval et de Passavant situées en Franche-Comté, comme sur celles de Horbourg et de Riquevihr, situées en Alsace, provenant toutes de la succession du prince Léopold-Eberhard, et il accorde au duc de Wurtemberg, comte de Montbéliard, la possession pleine et entière la possession des neufs seigneuries ci-dessus mentionnées pour les tenir et en jouir avec leurs droits et prérogatives. De son côté le duc de Wurtemberg, pour lui et ses successeurs reconnaît la souveraineté du roi de France, tant sur les 4 seigneuries d’Héricourt, de Chatelot, de Blamont et de Clémont que sur les 5 autres seigneuries, et il s’engagea à prêter ou à faire prêter par des officiers dûment autorisés foi et hommage au roi à raison des neuf seigneuries. Le roi consent au maintien de la tolérance de la religion protestante dans les 4 seigneuries où elle est professée, bien entendu que tout ce qui aura été fait de contraire au principe de cette tolérance sera réformé.
Dès lors les 4 seigneuries d’Héricourt, de Chatelot, de Blamont et de Clémont furent définitivement réunies à la France dans lesquelles elles avaient été incorporées de fait en 1679 par un simple arrêt du parlement de Besançon.
Le duc Charles-Eugène de Wurtemberg fit prêter le 13 juin 1748 à Besançon par un fondé de pouvoir serment au roi pour les seigneuries situées en Franche-Comté, comme il le fit à Colmar pour les seigneuries d’Horbourg et de Riquevihr, situées en Alsace.

En vertu du traité de Versailles du 10 mai 1748, le duc de Wurtemberg en qualité de seigneur, recouvra tous les droits et revenus seigneuriaux des terres d’Héricourt, de Chatelot, de Blamont et de Clémont, ainsi que ceux des autres terres mentionnées dans le dit traité. Il recouvra également la propriété des immeubles, châteaux, maisons, champs, prés, forêts et autres appartenant au domaine des seigneuries. Il recouvra enfin le droit de nommer tous les fonctionnaires attachés à la justice de Blamont et d’Héricourt ; mais on exigea qu’il les choisisse parmi les catholiques conformément à l’ordre royal de 1715, bien que le traité de 1748 fût resté muet sur ce point, et il fallut l’agrément du gouvernement français pour que les sujets choisis entrassent régulièrement en fonctions. Aucune modification ne fut alors introduite dans l’administration des seigneuries, et de tous les fonctionnaires alors en exercice furent maintenus.
Quant aux maires, échevins, garde-forestiers, gardes-champêtres, et autres employés des communes rurales, ils pouvaient être de la religion protestante ou de la religion catholique ; les premiers étaient à la nomination du prince, les autres devaient continuer à être choisis par les habitants réunis en corps de communauté ; tous devaient être assermentés, soit par le procureur de Blamont, soit par celui d’Héricourt avant d’entrer en fonctions.

En se fondant sur le traité du 10 mai 1748, les agents du duc Charles-Eugène de Wurtemberg tentèrent au commencement de juillet de la même année de rétablir l’exercice du culte protestant dans les lieux des 4 seigneuries qui ont été supprimé pendant le séquestre, savoir à Chagey, à Seloncourt, à Bondeval, à Longevelle, à Blamont, à Montréchoux, à Glay et à Villars, et d’instituer des pasteurs dans ceux des lieux où il y en avait eu auparavant, sans déroger en rien à l’exercice de la religion catholique dans les mêmes églises. Mais les curés fermèrent les portes des églises aux nouveaux pasteurs, et ils sollicitèrent vivement M de la Tour de Mance commandant au château de Blamont, qui avait l’autorité militaire sur les 4 seigneuries, de transmettre leur plainte à la cour de France. C’est ce que celui-ci s’empressa de faire sous la date du 26 juillet 1748. Le comte d’Argenson, secrétaire d’ état, répondit le 4 août suivant au commandant de Blamont qu’il suffisait que le roi n’eut pas fait connaître ses intentions par rapport à la tolérance de la religion protestante pour que les agents du duc de Wurtemberg ne fussent pas en droit de rien innover à l’état où étaient les choses lorsque ce dernier prince en avait pris la possession ; que le roi, qui a sur les 4 seigneuries le droit de souveraineté, a été mécontent des entreprises de ce genre, et que lui, commandant de Blamont, ne doit pas souffrir le moindre changement dans l’exercice de la religion jusqu’à ce qu’il ait reçu les ordres de la cour sur cette matière, qu’il ferait arrêter et mettre en prison ceux qui voudraient y en apporter. Cependant sur les pressantes réclamations du duc de Wurtemberg appuyées par les ambassadeurs de Prusse, de Danemark et de Suède, Louis XIV adressa de Compiègne sous la date du 10 juillet 1749 au parlement de Franche-Comté des lettres de cachet interprétant celles de 1707 et la convention de 1748. Les lettres de Louis XIV portaient que les protestants exerçaient leur culte dans les églises des seigneuries dont ils avaient été exclus depuis la mort du prince Léopold- Eberhard de Montbéliard, à condition qu’ils ne dérogeraient en rien à l’exercice de la religion catholique dans les mêmes églises ; elles portaient en outre que les curés dont le rétablissement s’était fait pendant le séquestre des seigneuries dès 1740 à 1746 seraient sur le même pied que les curés rétablis par Louis XIV, depuis la paix de Ryswick dès 1699 à 1700, qu’ils recevraient, comme ceux-ci pour leur subsistance, des pensions sur le trésor royal ; que par conséquent ils ne demanderaient rien à l’avenir des dîmes et des autres revenus ecclésiastiques dont la maison de Wurtemberg était en possession ; qu’ils se contenteraient des dîmes novales à compter du rétablissement de leur cure. Comme les lettres de cachet de Louis XIV contenaient plusieurs dispositions favorables aux protestants, le clergé catholique de Franche-Comté redoubla ses démarches pour en empêcher l’exécution. Le parlement de Besançon refusa de les enregistrer sous prétexte qu’elles étaient contraires non seulement aux lois du royaume, mais encore aux ordonnances particulières du comté de Bourgogne, qui n’admettait dans les terres de son étendue d’autre religion que la catholique, et il adressa à la cour de France des remontrances à cet égard. Au lieu de donner des ordres réitérés au parlement pour l’enregistrement de ces lettres de cachet, le roi aima mieux les retirer, et le marquis de Puisieux, son ministre des affaires étrangères, fit connaître aux plénipotentiaires du duc de Wurtemberg le 4 mars 1750 que les choses relatives à la religion restaient dans l’état où elles étaient alors, et que ni la convention de 1748, ni la lettre de cachet de 1749, ni celle de 1707 ne seraient exécutés à cet égard. Toutes les réclamations ultérieures demeurèrent sans résultat. Les protestants purent toutefois se maintenir dans la possession des églises qui leur restaient encore, telles que celles de Pierrefontaine, de Roche, d’Hérimoncourt, d’Héricourt, de Brevilliers, de Chenebier, etc... églises leur auraient certainement été enlevées si les pasteurs qui les desservaient avaient quitté ou étaient morts dès 1740 jusqu’à la conclusion du traité de 1748. Ce fut en vain que M. de la Tour de Mance, commandant au château de Blamont, voulut s’opposer en 1753 à l’installation dans l’église d’Héricourt ce Georges-Eberhard Méquillet, nommé pasteur de cette église en remplacement du défunt Jean- Georges Surleau, et à l’entrée dans l’église d’Hérimoncourt du nouveau pasteur Frédéric-Nicolas Charrière, qui venait d’être installé dans l’église d’Abbévillers en remplacement de Pierre Piguet. Le duc de Wurtemberg parvint à faire lever cet obstacle, en présentant à la cour de France des réclamations fondées sur le traité de 1748. Quand une place de pasteur devenait vacante dans les seigneuries à partir de 1748, le nouveau pasteur était nommé par le duc de Wurtemberg, mais il ne pouvait entrer en fonction qu’après avoir été confirmé par une ordonnance du roi.

En vertu du traité de Versailles de 1748, la France aurait du rendre au duc de Wurtemberg le château de Blamont, qui avait appartenu à ses prédécesseurs dans la seigneurie de Blamont, comme elle luit rendit les châteaux ou les ruines des châteaux des autres seigneuries de la succession du prince Lèopold-Eberhard ; elle voulut le retenir en ses mains parce qu’elle le jugeait susceptible par sa position d’être un poste militaire assez important.

Une chapelle catholique fut construite ver le milieu du 18 ème siècle ou peu auparavant dans la cour du château de Blamont ; on y célébra le culte jusque vers 1792. Un aumônier militaire était attaché à sa desserte.

Après avoir fait exécuter dès le commencement du 18 ème siècle et encore en 1744 différents travaux de réparation et d’entretien dans le château de Blamont, le gouvernement français fit acheter en 1746 des terrains pour le développer davantage, et le mettre dans un plus grand état de défense ; mais ce projet ne fut pas alors mis à exécution.
Vers le milieu du 18ème siècle et à différentes reprises jusque vers 1780, divers travaux furent opérés dans la place de Blamont. On y ajouta quelques fortifications modernes. On y construit des souterrains et des casemates pour le logement de plusieurs centaines de soldats, ainsi qu’un vaste et beau bâtiment en pierres de taille dit le Pavillon pour le logement des officiers. On fit des murs assez solides et des voûtes assez épaisses pour garantir la poudrière contre tout danger. On répara les anciennes citernes, et on en fit de nouvelles très convenables. Enfin on couvrit le puits d’une superbe tour voûtée à l’épreuve de la bombe et du boulet. Il faut savoir que le puits de Blamont, avec sa couverture était ce qu’il y avait de plus hardi et de plus curieux dans cet ancien fort. Il était si profond et si vaste qu’il semblait avoir été originairement un gouffre ; car il n’est pas probable que dans ce lieu qui n’a jamais été de haute importance, on ait pratiqué une si grande excavation dans le roc vif ; les frais auraient surpassés la valeur du fort et de la ville ? D’après des renseignements positifs, l’entrée du puits était une fente de rochers que l’art et le travail avaient un peu élargie, à 70 mètres environ de profondeur cette fente devenait une caverne très vaste, au milieu de laquelle on avait pratiqué une cuve ronde, taillée dans le roc, un torrent traversant la caverne remplissait cette cuve d’eau.

On donna le nom de vieux donjon ou vieux château à la partie ancienne du fort de Blamont, et celui de fort- neuf à la partie ajoutée par le gouvernent français au 18ème siècle. Il était dès son origine entouré d’un fossé large et profond, et on laissa subsister la partie du fossé, qui se trouvait du côté du fort-neuf lorsqu’on construisit ce dernier, de façon que l’on passait sur un pont-levis pour aller du vieux château au fort-neuf, qui avait aussi sa porte particulière percée dans le mur du côté du midi. Le vieux château était flanqué de plusieurs grosses tours dont l’une se trouvait à l’angle du Nord et une autre à l’angle du midi. Il renfermait le vaste et grand bâtiment construit par le prince Christophe de Wurtemberg en 1546. Dans le fort neuf, il y avait le pavillon des officiers et les casemates. Dès le milieu du 18ème siècle et jusqu’en janvier 1814, époque de la destruction du château de Blamont, il ne s’y trouvait ordinairement qu’une compagnie de vétérans ou d’invalides, d’au moins 50 hommes, sous les ordres d’un capitaine.
Quant au poste du commandant de la place de Blamont, il subsista jusqu’après la destruction du château, comme on le verra.

Bien que le puits ait été rempli vers 1850 des décombres provenant de la démolition des remparts et des bâtiments du château, comme en le verra, le torrent dont il s’agit n’a pu être arrêté ; il continua à se jeter dans un 2ème gouffre dont on a jamais connu le fond, mais qui parait aller jusqu’au niveau des vallées et avoir son issue à la source de la Fouge, territoire de Blamont ; car on a souvent vu reparaître dans la forge les objets qui avaient été jetés dans le puits. On tirait l’eau du puits au moyen d’une grande roue dans les derniers temps.

Un édit de Louis XV, roi de France, du mois de mai 1765 vint changer la forme de l’administration communale de Blamont, et fit disparaître complètement l’ancien corps municipal de ce lieu. Il portait que les villes et bourgs de France aurait un corps communal, composé d’après leur importance d’un maire, d’un lieutenant de maire, de plusieurs échevins, de plusieurs conseillers assesseurs, et d’un secrétaire greffier. Le corps municipal de Blamont, vu la faible population de ce bourg, ne comptait que 5 membres, savoir un premier échevin faisant les fonctions de maire sans en porter le nom, un 2ème échevin et 3 conseillers, outre un syndic receveur des revenus communaux et un secrétaire greffier ; ces deux derniers n’étaient point appelés à délibérer. A tous les corps municipaux devaient être attachés des notables plus ou moins nombreux suivant la population ; à celui de Blamont il en fut attaché 6. Les notables étaient élus pour 4 ans par des députés qui désignaient par la voie du sort tous les chefs de famille du lieu, distribués en plusieurs quartiers. Les fonctions d’échevins devaient durer 2 ans, celles de conseiller aussi 2 ans, de telle sorte qu’il y eut à nommer chaque année un échevin et un conseiller. Les échevins se renouvelaient chaque année par moitié et les conseillers par tiers. Le syndic receveur était nommé pour 5 ans, et le secrétaire greffier pour 3 ans.
Les élections municipales prescrites par l’édit de 1765 se firent à Blamont en novembre de cette année ; les membres du nouveau magistrat furent pris parmi les habitants des 2 cultes, comme le prescrivait l’ordonnance de l’intendant de Franche-Comté de 1716.

Par un édit du mois de novembre 1771, Louis XV, roi de France, érigea en titres d’offices royaux perpétuels les charges municipales de toutes les villes de France, c’est à dire les charges de maire, d’échevins, de conseiller, de greffier et de receveur et enleva le droit d’élection aux habitants de toutes les villes. D’après l’édit dont il s’agit, les acquéreurs des offices municipaux devaient en remplirent les fonctions. Le bourg de Blamont n’acheta point du gouvernement le droit de nomination et d’élection des membres du corps municipal ; c’est pourquoi le roi les nomma lui même parmi les habitants qu’il jugea les mieux qualifiés et ils restèrent en fonctions jusqu’en 1790, époque de l’établissement des nouvelles municipalités en France ; Le corps des notables fut conservé tel qu’il était constitué par l’édit de 1765 ci dessus rapporté. Le nombre des notables pour Blamont demeura fixé à 6, ils étaient élus chaque année dans une assemblée des officiers municipaux et de 12 chefs de famille désignés par les officiers municipaux réunis aux notables en exercice. Les notables étaient appelés aux réunions du corps municipal quand il s’agissait d’affaires importantes. Il faut ajouter que les chefs de famille de Blamont ont conservé jusqu’en 1790 le droit de s’assembler au corps de communauté pour donner leur avis dans de certains ca rares et exceptionnels.

Le 10 mai 1774 mourut à Versailles, dans la 65ème année de son âge et la 59ème de son règne, Louis XV, roi de France, qui à l’instar de son prédécesseur Louis XIV, avait causé de grands maux aux protestants des 4 seigneuries de la dépendance du comté de Montbéliard. Méprisé de toutes les classes de la nation, il ne laissa que le souvenir d’un des règnes les plus honteux de l’histoire. L’avènement de son petit fils Louis XVI, qui avait la résolution sincère de réparer bien des griefs, ranima les espérances de la population protestante des seigneuries. Sous son gouvernement, le sort de cette population éprouva de grands adoucissements ; on cessa de la molester, de l’insulter et sa sécurité s’affermit encore lorsque le monarque restitua en 1787 aux Réformés du royaume la jouissance de leurs droits civils. Conformément à la convention du 10 mai 1748, le duc Charles-Eugène de Wurtemberg dut prêter foi et hommage à Louis XVI pour les 9 seigneuries placées sous la souveraineté de la France. C’est le 1er février 1777 que le parlement de Besançon reçut la reprise du fief faite au nouveau roi par les officiers du duc de Wurtemberg pour les 7 seigneuries situées en Franche-Comté. Le même hommage fut fait vers ce temps là à Colmar pour les 2 seigneuries d’Horbourg et de Riquevihr situées en Alsace.

Il y avait dès 1776 dans la seigneurie de Blamont au pasteur éclairé, plein de zèle et d’énergie, possédant en autre l’estime générale, c’était Georges-Louis Kilg, natif de Montbéliard, qui avec le titre de pasteur de Blamont desservait l’église de Pierrefontaine ; Cette église était devenue trop petite lorsque les protestants des lieux voisins durent la fréquenter, et en outre elle menaçait la ruine. Il ne fut pas permis par le gouvernement français à la population de Pierrefontaine de disposer d’un seul pied d’arbre de ses forêts pour la relever, tandis qu’elle fut obligée de contribuer vers l’an 1780 à la bâtisse du presbytère catholique de Blamont et au traitement de l’institutrice catholique de la même ville.

Bien que le prince de Montbéliard en sa qualité de seigneur de Blamont ait conservé en vertu du traité du 10 mai 1748 avec le roi de France le droit de nomination des juges de la justice seigneuriales de Blamont, cela n’empêcha pas ce monarque d’apporter différents changements à la justice dont il s’agit. Il fut crée par lettre patenté du roi du 31 décembre 1780 à l’instar des bailliages de Lure, Luxeuil, Vauvillers et Faucogney une justice pour les droits de tarif et par lettre patenté du 15 avril 1782 le même roi ordonna que le jugement de la justice fassent exécuté sans mandatement de « débitions du secteur » devaient être portées sans appel au bailliage de Baume qui relevait du parlement de Besançon, mais elles qui regardaient les droits de tarif devaient être portées ruement ??? au parlement de Besançon en vertu des dites lettres patentées du 31 décembre 1780.

Afin de trouver les fonds nécessaires à cette reconstruction, le pasteur Kilg alla faire des quêtes dans tout le pays de Montbéliard, en Suisse et dans le duché de Wurtemberg. La nouvelle église fut bâtie en 1783 sur l’emplacement de l’ancienne ; on la fit suffisamment vaste pour les besoins qui se faisaient alors sentir ; C’est sous la direction et avec les soins du même pasteur Kilg que fut rebâti vers 1785 le presbytère protestant actuel de Blamont. On sait que le presbytère précédent avait été incendié avec le temple en 1726, et dès ce temps là le pasteur avait du résider dans une maison que lui avaient procuré les paroissiens.

Par une décision du 17 mars 1786, le duc de Charles Eugène de Wurtemberg nomma stathouder ou gouverneur a vie de la principauté de Montbéliard son frère cadet Frédéric Eugène, qui depuis 17 ans demeurait à Montbéliard comme simple particulier ; et il mit à sa libre disposition la généralité des revenus tant du comté proprement dit de Montbéliard que des 9 seigneuries d’Héricourt, du Chatelot, de Blamont, de Clémont, de Granges, de Clerval, de Passavant, d’Horbourg et de Riquevihr, et en outre de la seigneurie de Franquemont en Suisse et du château de Sponeck, sur les bords du Rhin, dans les Brisgoux en Allemagne. Ces revenus s’élevaient en 1787 à la somme totale de 364 285 livres tournois ; cela faisait à peu prés 1 000 livres par jour. Tous les fonctionnaires des divers ordres furent subordonnés au prime stathouder, en outre les emplois furent laissés à sa nomination. Ce fut un bonheur pour les habitants du pays que de l’avoir pour administrateur car il se montra toujours plein de bienveillance envers eux, et il leur en donna des marques très nombreuses.

La maison de Blamont qui dès 1726 servait de logement au pasteur protestant ; ce lieu n’avait pas été entretenu convenablement. Le pasteur Mèquillet demanda inutilement en 1771 que cette maison fut réparée. Elle fut vendue en 1778 à cause de son état de délabrement au profit de la seigneurie, il y eut réclamation du prix de vente de la part des bourgeois de Blamont prétendant que la maison leur appartenait. Dès cette dernière année le pasteur Kilg fut logé dans une maison particulière en attendant la construction du presbytère qui se fit vers 1785


CHAPITRE V : SUPPRESSION DE LA SEIGNEURIE DE BLAMONT ET SON
INCORPORATION DANS LE TERRITOIRE DE LA FRANCE DES 1789 A 1878.

La révolution française de 1789 apporta les plus grands changements dans l’état de la seigneurie de Blamont et de toutes les autres seigneuries de la dépendance du comté de Montbéliard. Aussitôt que l’assemblée nationale de France eut prononcé l’abolition du régime féodal dans sa séance du 4 août 1789, les habitants de la terre de Blamont, suivant l’exemple du peuple entier de la France, s’affranchirent de tous les droits seigneuriaux, même de ceux qui étaient déclarés rachetables ; et des lors ces revenus furent perdus sans retour pour le duc de Wurtemberg prince de Montbéliard ; Ce fut en vain que dans les premiers mois de l’an 1790 le fermier des revenus de la seigneurie de Blamont poursuivit au nom du prince devant les tribunaux français des individus de différent lieux pour le paiement des droits seigneuriaux, il obtint à la vérité gain de cause devant les tribunaux, mais les jugements ne purent être mis à exécution à cause des troubles qui régnaient partout. Les droits du prince ne pouvaient pas d’ailleurs plus être respectés que ceux des autres seigneurs français ; car prince en Allemagne, il n’était que sujet en France et il devait subir la loi commune, mais, comme tout dépossédé, il avait droit à une indemnité ; Il conserva néanmoins ses immeubles, consistant en maisons, champs, prés, forêts, situés dans la seigneurie de Blamont jusqu’en décembre 1792.

A la même époque de 1789 les curés de Blamont, de Seloncourt, de Glay, de Villars -les-Blamont, de Montécheroux et autres rétablis dans le pays protestant dès le 18ème siècle perdirent toutes les dîmes dont ils jouissaient, comme tous les autres membres du clergé catholique de France. Il en fut de même de la recette ecclésiastique des seigneuries de Blamont,et de Clémont, qui avait continué à faire le traitement des pasteurs protestants de Blamont et de Roche. Dés que cette recette fut privée des dîmes qui constituaient presque tous ses revenus, elle ne tarda pas à disparaître, et le peu de capitaux qui lui restèrent se perdirent pendant les orages de la Révolution. La recette ecclésiastique des terres d’Héricourt et de Chatelot prit fin de la même manière. L’Assemblée nationale ne se contenta pas de proclamer la liberté civile. Le 21 août 1789, elle renversa les barrières qui s’étaient opposées jusqu’alors à l’admission des protestants français aux charges de l’état, en déclarant solennellement que tous les citoyens, étant égaux aux yeux de la loi, étaient également admissibles, à toutes les dignités, place et emploi publics selon leur capacité et sans autre distinction que celles de leur vertus et de leurs talents. Deux après, elle proclama le grand principe de la liberté absolue des cultes en décrétant que nul ne devait être inquiété pour ses opinions, même religieuses. Ces décrets ne manquèrent pas de remplir de joie les protestants des seigneuries de la dépendance du comté de Montbéliard, qui avaient été courbés si longtemps sous le joug de l’arbitraire, du fanatisme et de l’intolérance.
Sous prétexte de combler le vide du trésor public et de payer la dette nationale, mais dans le but d’abattre la puissance temporelle du clergé catholique, comme elle avait déjà abattu celle du roi et de la noblesse, l’Assemblée nationale, par son décret du 2 novembre 1789, mit tous les biens du clergé à la disposition de la nation, en accordant aux ecclésiastiques sur le trésor public une pension ou traitement qui ne serait pas inférieure à 1 200 livres tournois ; et comme le clergé devait être salarié, les dîmes dont il jouissait devaient être abolie d’une manière absolue, c’est à dire sans être rachetées en argent. En conséquence du décret dont il s’agit, les biens immeubles de l’ancien prieuré de Dannemarie, situés dans le village de Dannemarie et dans les lieux voisins, furent saisis par le gouvernement français au commencement de 1790 et vendus comme biens nationaux au profit de l’état vers 1791. Il en fut de même des biens de l’ancien prieuré de Saint-Valbert près d’Héricourt.
Une des lois les plus importantes de l’Assemblée nationale fut celle des 14 et 18 décembre 1789, qui constituait les corps municipaux. Chaque commune dut avoir un conseil général ou municipal, composé d’un maire, qui en était le chef, d’un procureur chargé de défendre les intérêts de la commune, et d’un nombre plus ou moins grand d’officiers municipaux, et de notables formant le conseil général ou municipal de la commune, suivant la population. Tous les emplois des corps municipaux se donnaient par élection. Les élections municipales se firent à Blamont et dans les villages de la seigneurie de ce nom à la fin de janvier et au commencement de février 1790. A Blamont on élut un maire, 5 officiers municipaux, 12 notables et un procureur ; la municipalité se constitua et nomma un greffier peu de jours après.

Les membres de l’ancienne administration communale de Blamont furent aussitôt congédiés. L’Assemblée nationale voulut aussi faire disparaître la division de la France en provinces, laquelle perpétuait la diversité des lois, des règlements, des coutumes, des impôts. La loi du 22 décembre 1789 et janvier 1790 prononça la suppression des états principaux, intendants de province et subdélégués, et porta en principe que la France serait divisée en départements, en districts et en cantons. La loi des 26 février et 4 mars 1790 fixa la division du territoire français en 89 départements et le nombre de districts et des cantons que chacun d’eux comprendrait. Dès lors il n’y eut plus en France ni duché, ni comtés, ni seigneuries. Dès lors disparut pour toujours la seigneurie de Blamont, comme celle de Chatelot, d’Héricourt et de Clémont. La commune de Blamont éprouva sans contredit une perte en cessant d’être chef lieu de seigneurie ; mais elle en fut dédommagée en devenant chef-lieu de canton ; elle disputa même à Saint-Hippolyte le chef-lieu du district dans lequel son canton devait entrer, en faisant valoir en sa faveur des titres non moins légitimes, lorsque l’on travaillait à la nouvelle circonscription du territoire français, mais, Saint- Hippolyte finit par l’emporter au moyen de puissantes influences. Le canton de Blamont éprouva des modifications dans sa circonscription deux mois après que le comté de Montbéliard eut été incorporé dans la France. Un arrêté du 19 frimaire an II ( 9 décembre 1793) de Bernard de Saintes, membre de la convention nationale, qui était en tournée dans le pays, vint retrancher de ce canton la partie des communes d’ Audincourt et de Dale qui était de son ressort pour la réunir à la justice de paix de la campagne de Montbéliard, au district de Montbéliard, et au département de la Haute-Saône, de manière qu’il n’y eut qu’une seule administration municipale pour Audincourt ainsi qu’une seule administration pour Dale. Sur la fin de décembre 1793 Audincourt devint un des chefs-lieux de canton formés dans le district de Montbéliard, et Dale entra dans la composition de ce canton.

Les 8 cantons de Blamont, de Saint-Hippolyte, de Pont de Roide, du Russey, de Maiche, de Mathay (dont le chef-lieu fut transporté à Ecot en 1796), d’Indivillers et de Vaucluse formèrent le district de Saint-Hippolyte ; et ce district fut un des 6 ; du département du Doubs. Le canton de Blamont comprit tout le ressort de l’ancienne seigneurie de ce nom, savoir le totalité des 14 communes de Blamont, d’Autechaux, de Bondeval, de Dannemarie, d’Ecurcey, de Glay, d’Hérimoncourt, de Mélière, de Pierrefontaine, de Roches, de Seloncourt, de Thulay, de Vandoncourt, de Villars-sous-Blamont, et une portion des 4 communes d’Audincourt, de Dale, de Beaucourt et de Montbouton qui étaient mi-parties. Les communes de l’ancienne seigneurie de Clémont de Chatelôt entrèrent aussi dans le département du Doubs, mais celles de l’ancienne seigneurie d’Héricourt entrèrent dans le département de la Haute- Saône.
La justice seigneuriale de Blamont prit fin en 1790, lors de l’élection d’un juge de paix du canton de Blamont par les électeurs de ce canton ; les registres des différentes justices de Blamont dés 1526 à 1715 ce trouvaient dans les archives de la principauté de Montbéliard, ils ont été transportés à Paris en 1839. Les registres de la justice de Blamont de 1715 à 1790 ont été déposés soit aux archives nationales à Paris. Le canton de Blamont éprouva des modifications dans sa circonscription peu après la réunion du comté de Montbéliard à la France en décembre 1793. Il perdit alors les portions d’Audincourt et de Dale qui lui appartenaient, pour les céder au nouveau canton d’Audincourt. Il perdit encore vers le même temps ses portions de Beaucourt et de Montbouton, qui entrèrent dans le canton de Delle, compris dans le district de Belfort et dans le département du Haut-Rhin.

Quant à la partie des communes de Beaucourt et de Montbouton qui était du ressort du canton de Blamont, elle entra dans le canton de Delle, dans le district de Belfort et dans le département du Haut-Rhin vers le même temps.

Les six districts qui entrèrent en 1790 dans le département du Doubs furent ceux de Besançon, de Pontarlier, de Quingey, d’Ornans, de Baume-les-Dames, et Saint-Hippolyte. Il y eut avant la fin de cette année quelques modifications dans les circonscriptions du dit département pour les cantons et les communes.

Quant aux communes de l’ancien comté de Montbéliard, elles furent incorporées dans le département de la Haute-Saône dont elles formèrent le 7éme district.

Les protestants des 4 terres de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelôt, courbés si longtemps sous le joug de l’arbitraire et de l’intolérance, adressèrent a l’Assemblée nationale de France en 1790 un mémoire pour lui faire connaître leurs justes griefs, et ils chargèrent M. Kilg pasteur à Blamont, connu par son dévouement et son énergie, de se rendre à Paris pour le lui présenter.

M. le pasteur Kilg étant arrivé à Paris, se disant mandataire ou représentant des protestants des quatre terres de Blamont, de Clémont, d’Héricourt, et de Chatelot, présente à l’Assemblée nationale de France une très humble et très respectueuse adresse revêtue de la signature d’un bon nombre d’entre eux pour obtenir le recouvrement de leur liberté religieuse. Il joignit à la Requête un mémoire. Il y eut aussi une Réponse des protestants des quatre terres au Mémoire publié sous le nom de la municipalité de Favel prés d’Héricourt qui cherchait à mettre opposition aux demandes des protestants.
Ils obtinrent de cette Assemblée le 9 septembre 1790 un décret sanctionné par le roi le 18 du même mois, portant que, comme leurs coreligionnaires d’Alsace, ils jouiraient dorénavant de l’exercice public de leur culte avec tout ce qui en dépendait, c’est à dire avec églises, écoles, sépultures, fabriques, consistoires, paiements des ministres et des maîtres d’école, et que les atteintes qui pouvaient y avoir été faites, seraient regardées comme nulles et non avenues. Aussitôt que les protestants des 4 terres eurent connaissance de ce décret, ils en demandèrent l’exécution.
Mais, excités par des ennemis de leur culte, les administrateurs du département du Doubs, comme ceux du département de la Haute-Saône, leur firent éprouver de longues difficultés. Enfin le Directoire du département du Doubs autorisa les protestants de Glay à rentrer dans l’église de ce lieu qui devint commune aux deux cultes dans le mois de mars 1792, et il arrêta le 29 avril suivant que les droits des protestants de son ressort étaient suffisamment établis. En conséquence, dès le commencement de mai de la même année, les protestants recouvrèrent entière possession des églises de Seloncourt, de Bondeval, d’Autechaux, de Montécheroux, de Lougres, de Longevelle, de Saint Maurice et de Colombier-fontaine avec les cimetières, les presbytères et leurs dépendance et ils partagèrent avec les catholiques la jouissance des églises de Blamont et Villars-les-Blamont, quoi qu’ils eussent du en avoir la jouissance entière d’après le décret de l’Assemblée nationale ci-dessus rapporté.

Dès que les catholiques de Blamont, qui avaient pour eux l’église et la chapelle du château de ce lieu, eurent connaissance du décret de l’Assemblée nationale du 9 septembre, ils en témoignèrent leur mécontentement ; ils ne furent point disposés à partager la jouissance de leur église avec leur concitoyens protestants, qui dès 1744 étaient obligés de se rendre à Pierrefontaine pour l’exercice de leur culte. Chacun savait que l’église de Blamont, après l’incendie de 1726, avait été reconstruite en 1731 avec les fonds provenant presque entièrement des protestants et sur un emplacement qui leur appartenait, et que néanmoins, on avait profité de cette circonstance pour les exclure. Après bien des difficultés, cette église devint commune aux deux cultes en vertu de l’arrêté du directoire du département du Doubs du 29 avril 1792.

Les protestants de Haute-Saône ne rentrèrent qu’en 1793 dans l’église de Chagey et en 1798 dans l’église de Favey, à cause des difficultés qu’on leur faisait sans cesse éprouver ; l’une et l’autre église restèrent communes aux 2 cultes ; il en fut de même des églises d’Héricourt et de Voujeaucourt. Quant à l’église de Blussan, elle resta définitivement aux catholiques, malgré toutes les démarches faites par les protestants, sous prétexte qu’elle avait été bâtie depuis peu de temps par le clergé catholique ; mais n’était-ce pas avec des fonds provenant presque entièrement des protestants ?

Les protestants de Blamont, privés dès 1744 de la faculté d’avoir chez eux un instituteur de leur culte, durent en reprendre un dès la fin de 1790, époque où l’Assemblée nationale venait de proclamer la liberté religieuse dans toute la France. Leur école se tint d’abord dans une maison particulière ; elle fut transportée dans une salle du bâtiment des Halles lorsque la commune eut fait acquisition de ce bâtiment vers 1796.

Les paroisses protestantes de l’ancienne seigneurie de Blamont qui avaient été supprimées violemment pendant le séquestre de cette seigneurie par le gouvernement français, savoir celle de Seloncourt et de Glay furent reconstituées en 1792 telles qu’elles étaient avant le séquestre. La paroisse protestante de Blamont, qui dès 1744 n’avait plus eu de son pasteur qu’un service dans l’église de Pierrefontaine, eut chaque dimanche dès 1792 deux services, l’un dans l’église mixte de Blamont, l’autre dans l’église de Pierrefontaine, qui était toujours restée exclusivement aux protestants. L’église de Blamont fut de nouveau attribuée aux seuls catholiques du lieu en 1803, comme on le verra.

Un autre décret de l’Assemblée nationale de France très important pour les protestants d’Alsace et des 4 seigneuries de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot fut celui du ? décembre 1790, sanctionné par le roi le 10 du même mois, portant que les biens possédés par les établissements des protestants dont il s’agit, seraient exceptés de la vente des biens nationaux et continueraient d’être administrés comme du passé, et que les dîmes possédées par les mêmes établissements devaient être comprises dans la classe des dîmes inféodées dont l’indemnité serait prise sur les deniers du trésor public. Il faut faire observer que toutes les dîmes ont été supprimées sans indemnité par des décrets du 25 août 1792 et du 17 juillet 1793. D’après ces décrets, les protestants des 4 seigneuries perdirent tout droit à l’indemnité qui devait leur être payée pour leurs dîmes sur le trésor public ; et par suite de la suppression des Recettes dans lesquelles était versé le produit de ces dîmes, ils durent se cotiser eux-mêmes pour le traitement du pasteur.

Dans les premiers mois de 1792, quand la guerre eut éclaté entre la France et les puissances étrangères, les biens des Nobles émigrés de France avaient déjà été confisqués par ordre du gouvernement français, et déclarés biens nationaux, pour être vendus plus tard. Sur la fin de 1792, l’administration du département du Doubs fit apposer le séquestre sur tous les immeubles du prince de Montbéliard situés dans les ci-devant seigneuries de Blamont, de Clémont et de Chatelot. L’administration du département de Haute-Saône prit une semblable mesure relativement aux immeubles de ce prince situés dans la ci-devant seigneurie d’Héricourt. Parmi les immeubles du prince saisis par les agents du gouvernement français dans l’ancienne seigneurie de Blamont se trouvaient le bâtiment des Halles de Blamont, d’autres bâtiments, des champs, prés, étangs, bois situés en différents lieux. En raison de la saisie dont il s’agit, le conseil de Régence de Montbéliard crut devoir adresser le 27 décembre 1792 au Ministre des affaires étrangères de France des protestations de neutralité au nom du duc Charles-Eugène de Wurtemberg. Les biens du prince restèrent néanmoins entre les mains du gouvernement français, qui les fit vendre vers 1795 et plus tard encore comme on le verra.

Afin de soustraire le clergé français à l’influence de la cour de Rome, l’Assemblée nationale rédigea en 1770 une constitution civile du clergé, à laquelle les prêtres devaient prêter serment. Comme la plupart d’entre eux s’y refusaient, l’Assemblée législative, qui succéda à l’Assemblée nationale en octobre 1791, prit des mesures pour les y contraindre. Elle arrêta que les prêtres réfractaires seraient privés de leurs traitements, et qu’ils seraient passibles de détention. Le 27 mai 1792 un nouveau décret de cette assemblée autorisa les directoires de département à prononcer contre eux la peine de déportation. Le curé de Blamont et ses confrères de Glay, de Villars-lesBlamont, etc, aimèrent mieux quitter leurs paroisses en août 1792 que de prêter le serment civil. Un prêtre constitutionnel fut élu peu de temps après curé de la paroisse de Blamont ; les places de curés de Glay et de Villars demeurèrent vacantes, faute de candidats pour les occuper.

La Convention nationale, qui remplaça le 20 septembre 1792 l’Assemblée législative, se montra encore plus acharnée que cette Assemblée contre le clergé. Dès qu’elle eut fait périr sur l’échafaud le 21 janvier 1793 le roi Louis XVI, elle veilla à l’entière destruction du christianisme en France. A près avoir condamné à la déportation, à la réclusion ou à la mort les prêtres qui refusaient de prêter serment d’obéissance aux lois de l’état, elle alla jusqu’à suspendre de leurs fonctions, les ecclésiastiques qui l’avaient prêté. Après avoir proclamé l’athéisme et favorisé le culte de la Raison, elle revint au Déisme, croyant répondre par là au reproche d’impiété que lui faisaient ses ennemis, elle rendit sous la date du 7 mai 1794 ( 18 floréal an II ) un décret portant que le peuple français reconnaissait l’existence de l’être suprême et l’immortalité de l’ âme, et que la liberté des cultes serait maintenue.

Aussitôt que les habitants de Blamont eurent connaissance du décret de l’Assemblée nationale du 9 septembre 1790 portant rétablissement de leur coreligionnaire des Quatre seigneuries dans les différents droits dont on les avait dépouillés, ils s’empressèrent de demander l’exécution de ce décret pour ce qui les concernait. Leur plus grand désir était de célébrer leur culte dans l’église du lieu qui est ainsi devenue commune au deux cultes ; mais ils éprouveraient une forte opposition chez leurs concitoyens catholiques de la localité, qui fut appuyée par les fonctionnaires départementaux ceux-ci croyant être justifiés au devant que l’église avait été construite nouvellement par le clergé catholique, mais ils ne disaient pas qu’elle l’avait été presque entièrement avec les fonds des protestants .Mais toute résistance cessa de la part des habitants catholiques de la localité et des fonctionnaires des départementaux lorsque la Société républicaine et montagnarde formée nouvellement dans le canton de Blamont eut déclaré que l’église seraient commune aux deux cultes, ce qui reçut son exécution le 1er décembre 1793. L’église revint aux seuls catholiques dès 1803.

Néanmoins les agents du gouvernement proscrivirent dans toute la France l’exercice des différents cultes chrétiens. M. Georges Kilg, pasteur à Blamont et tous ses collègues des environs durent donner leur démission dès le mois de mai au mois de juillet 1794 et quitter leurs presbytères. Le prêtre catholique de Blamont et tous les autres prêtres du département du Doubs furent également obligés de donner leur démission pour se retirer ailleurs. Pendant l’interdiction des cultes chrétiens, les protestants de notre pays se réunirent secrètement dans les maisons d’école ou dans des maisons particulières pour l’accomplissement de leurs devoirs religieux. Les ecclésiastiques prévenus d’ avoir exercés en secret quelques fonctions pastorales se virent exposés aux plus grands dangers. C’est ainsi qu’on arrêta en décembre 1794 les pasteurs Louis-Christophe Cuvier de Montécheroux et Jacques-Christophe Perdrizet de Vandoncourt, le premier fut conduit par la gendarmerie dans les prisons de Saint-Hippolyte et de Besançon, où il fut détenu pendant 11 jours, le deuxième fut remis en liberté peu de jours après ayant été absous par le tribunal de Saint- Hippolyte. Le pasteur de Saint-Maurice, Charles Frédéric Goguel, emprisonné de même, fut acquitté par le tribunal de Saint-Hippolyte, mais on lui enjoignit d’abandonner son presbytère. Le pasteur Kilg de Blamont fut traduit devant le tribunal révolutionnaire de Paris en 1794, il eut le bonheur d’échapper au supplice. D’autres pasteurs du pays de Montbéliard virent aussi leur liberté menacée, et devinrent les objets de maintes persécutions, mais aucun d’eux ne perdit la vie !

M. le pasteur Kilg de Blamont était accusé d’avoir exercé secrètement les fonctions de son ministère, d’avoir refusé de livrer les vases sacrés de son église aux agents du gouvernement français d’avoir caché pendant un certain temps ou d’avoir fait évader plusieurs prêtres catholiques réfractaires afin de les soustraire aux poursuites de la justice et de leur sauver la vie. D’après ce qu’on a rapporté des prêtres réfractaires de la montagne des environs de Blamont auraient été incarcérés dans cette localité en 1794 et leurs paroissiens seraient venus, hommes, femmes et enfants de Blamont dans l’intention de les reprendre par force. Pour éviter une bataille avec les gens armés de la petite garnison qui se trouvait à Blamont M. Kilg serait allé au devant de cette bande d’individus de tout âge et de tout sexe sur le chemin de Pierrefontaine, afin de les haranguer et de les dissuader de leur entreprise, en leur faisant comprendre la témérité et l’inutilité, et en leur promettant d’employer tous les moyens en son pouvoir pour faire relâcher les prêtres. Ceux-ci auraient disparus la nuit suivante. Ce serait là une cause de l’incarcération de M. Kilg. Ayant été arrêté en 1794 par ordre des agents du gouvernement français, il resta quelque temps en prison à Besançon, avant d’être conduit à Paris devant le tribunal révolutionnaire.

Il présenta lui-même sa défense devant ce redoutable tribunal, et grâce à l’appui de quelques personnes influentes de la province de Franche-Comté, il parvint à échapper au supplice qui l’attendait, les juges prononcèrent son acquittement, et le firent relâcher. Pendant l’incarcération de M. Kilg, sa femme Catherine- Elisabeth Parrot, originaire de Montbéliard, était devenue mélancolique et presque folle. Comment exprimer la joie qu’elle éprouva lorsqu’elle le vit rentrer dans son domicile !

M. Kilg remplit les fonctions pastorales à Blamont dès le 1er mai 1776 jusqu’au 16 octobre 1789, il y remplit les mêmes fonctions tant par lui-même qu’à l’aide d’un vicaire jusqu’au mois d’avril 1794 et ce durant ses fonctions d’administrateur du département du Doubs. Une pièce prouve que c’est après le mois d’avril 1794 qu’eut lieu son arrestation ; il était encore en prison au commencement de juin 1794. Sa comparution devant le fameux tribunal eut lieu le 12 juillet 1794 quelques jours avant la révolution du 9 thermidor an II ( 27 juillet 1794 ). Echappé au supplice comme par miracle et rentré dans ses pénates, il ne pouvait rester plus longtemps dans l’obscurité où il semble avoir voulu se renfermer après tant de violentes secousses. L’an III de la république, Pelletier représentant du peuple, envoyé en mission dans divers départements, nomme le citoyen Georges-Louis Kilg, cultivateur à la place du juge de paix du canton de Blamont et le citoyen Pierre Masson à celle de greffier. Fait à Besançon le 1 nivôse an III ( 31 décembre 1794 ). Nous, maire et officiers municipaux de la commune de Blamont donnons acte au citoyen G.L. Kilg, cultivateur du dit Blamont du serment qu’il a prêté devant nous en la qualité de juge de paix en conformité de a loi le 18 nivôse an III (7 janvier 1795).

M. Viette occupa le poste de ministre de l’agriculture jusqu’en février 1889, époque du nouveau ministère. Ce témoignage de confiance de l’autorité supérieure fut bientôt confirmé par sa nomination comme membre du Directoire exécutif du Doubs où il figure, en brumaire an IX (octobre et novembre 1795) et même tôt après comme président de l’administration départementale. Le 14 germinal an VIII (4 avril 1800), il fut nommé Conseiller de préfecture et le 18 prairial an VIII (7 juin 1800), il devint Sous-préfet à Baume les Dames en remplacement du citoyen Corrot qui n’avait pas accepté. Kilg fut installé dans sa fonction de Sous-préfet le 28 prairial suivant (17 juin 1800).Le 14 novembre 1814, il fut remplacé dans sa fonction. La même année 1814, il fut nommé chevalier de la légion d’honneur et il se retira avec une pension de retraite dans sa ville natale où il décéda le 26 février 1816 dans sa 74ème année de son âge, ne laissant qu’une fille devenue l’épouse d’un brave officier supérieur M. ( Gogroel ? ).

M. Kilg accusé pour avoir pris part comme administrateur du Doubs au mouvement généraliste du Jura fut acquitté le 5ème( il y eut 6 acquitté sur 19 ) Un décret de Convention nationale du 3 ventôse an III ( 21 février 1795 ) autorisa le libre exercice des cultes qui était réclamé de tous côtés par l’opinion publique. Il fut mis à exécution le mois suivant dans la seigneurie de Blamont comme dans tout le reste du pays de Montbéliard. Les temples furent dès lors rouverts à l’exercice des cultes chrétiens. Mais il était défendu de ne célébrer aucune cérémonie religieuse sur la voie publique.

Au mois de mars 1795 cessa la défense faite par le gouvernement de se rendre dans les temples pour l’exercice des cultes chrétiens. L’exercice de tous les cultes fut de nouveau déclaré libre ; on n’exigea plus des ecclésiastiques que la simple promesse de soumission aux lois de la république sans les reconnaître d’une manière officielle. Les temples furent aussitôt rendus à leur primitive destination. Les chrétiens s’y portèrent en foule pour rendre au Tout-Puissant de solennelles actions de grâces ; tant il est vrai que les obstacles et la persécution raniment le zèle religieux. Les paroisses protestantes du canton de Blamont eurent dès lors des pasteurs zélés, qui reprirent leurs fonctions avec empressement. Tous ou presque étaient resté à leur poste pendant le temps de la crise qui venait de prendre fin. Un prêtre constitutionnel vint desservir la paroisse catholique de Blamont vers le mois d’avril 1795.

D’autres prêtres se chargèrent un peu plus tard des fonctions de leur culte à Glay et à Villars les Blamont.
Toutefois, malgré l’autorisation accordée aux ecclésiastiques de célébrer le service divin dans les temples, la liberté religieuse fut encore entravée quelque temps à cause des troubles et des agitations politiques où se trouvait alors la France. La sonnerie des cloches était interdite, et aucun ecclésiastique n’osait se montrer en public dans le costume de sa profession.

Le 26 octobre 1795 disparut la Convention nationale de France. Avant de se séparer, le 22 août 1795 (5 fructidor an III) elle avait publié une nouvelle Constitution dite de l’an III. Cette constitution confiait le pouvoir exécutif à un Directoire composé de 5 membres, elle maintenait la division de la France en départements et en cantons tels qu’ils existaient, mais elle supprima les districts. D’après la même constitution, les municipalités de commune cessèrent d’exister avec les places de maires, d’officiers municipaux et de notables, et il n’y eut plus par canton qu’une seule administration municipale, formée de la réunion des agents municipaux que les habitants de chaque commune étaient appelés à élire. Près de chaque municipalité cantonale, il fut établi un commissaire de Directoire exécutif, chargé de surveiller de requérir l’exécution des lois. Les administrations cantonales étaient d’ailleurs soumises à l’administration départementale. C’est en novembre 1795 qu’eut lieu l’élection des agents municipaux dans les 14 communes du canton de Blamont, ainsi que l’installation de l’administration municipale dudit canton, composé d’autant d’agents qu’il y avait de communes. Un président de l’administration cantonale fut désigné par les électeurs de tout le canton.
En 1795, sur la fin d’octobre M. Kilg fut nommé président de l’administration départementale et membre du Directoire du département du Doubs, et devint ainsi l’un des administrateurs de ce département. Traduit devant le tribunal révolutionnaire à Paris en 1794, il avait eut le bonheur d’échapper au supplice, et il redevint pasteur de Blamont en 1795. Napoléon Bonaparte parvenu au consulat chercha à s’entourer d’hommes recommandables et dignes de la confiance publique. Il nomma M. Kilg sous-préfet de Baume en 1800. Il se montra aussi noble administrateur qu’il avait été pasteur intègre. Il fut décoré par le roi Louis XVIII en 1814, et peu après il se retira avec une pension de retraite à Montbéliard, son lieu natal où il mourut le 27 février 1816 dans sa 74ème année de son âge.

Pendant la proscription du christianisme en France, dès 1794 à 1795, le gouvernement fit saisir les presbytères.

Les presbytères protestants et catholiques, situés dans le pays de Montbéliard et d’Audincourt, appartenant alors au département du Mont-Ferrible, ne furent pas mis en vente. Ceux situés dans le département du Doubs furent vendus comme biens nationaux sauf ceux réclamés pour maison d’école, pour service public. La même mesure fut prise dans le département de la Haute-Saône.

Des presbytères protestants de ce dernier département, un seul resta invendu, celui de Clairegoutte, réclamé pour la tenue de l’administration cantonale de ce lieu, alors chef-lieu de canton. Les articles 5 et 6 du décret du 17 brumaire an III (7 novembre 1794) portaient que le ci-devant presbytères devaient être transformés en maisons d’école dans les communes qui en avaient besoin. Les presbytères de Saint-Maurice et de Longevelle restèrent également invendus.

Pendant la proscription du christianisme en France, le gouvernement français fit saisir les presbytères, avec les fonds curiaux et de fabrique tant des protestants que des catholiques dans le département du Doubs, qui renfermait aussi les communes des anciennes seigneuries de Blamont, de Clémont et de Chatelot, ainsi que dans le département de la Haute-Saône, auquel avaient été réunies les communes de l’ancien comté de Montbéliard et de l’ancienne seigneurie d’ Héricourt. L’administration centrale du département du Doubs fit mettre en vente au profit de l’état, vers 1796, les propriétés ci-dessus mentionnées, qui se trouvaient dans son ressort, exceptant toutefois de cette mesure les presbytères qui pourraient être employés à un service public. C’est ainsi que le presbytère catholique de Blamont resta invendu parce que l’autorité locale le revendiqua pour une maison commune. (Le presbytère catholique de Blamont existe encore aujourd’hui. Il parait très ancien). Il en fut de même des presbytères de Glay, de Seloncourt et de Montécheroux, les fonctionnaires de ces lieux réclamèrent pour maisons d’école ; mais le presbytère protestant de Blamont et les presbytères de ? et de Vandoncourt furent vendus parce que personne n’éleva d’intérêt à leur sujet. Il sembla que l’administration locale de Blamont aurait pu trouver quelque moyen d’empêcher la vente du presbytère protestant, comme elle le fit pour le presbytère catholique, que l’on serait en droit de l’accuser de n’avoir pas montré assez de partialité dans cette affaire. M. le pasteur Kilg de Blamont, pour n’être pas délogé, fit acquisition du presbytère qu’il avait fait bâtir au moyen des quêtes depuis 13 ans environ. Ses héritiers revendirent en 1820 à la commune de Blamont, comme on le verra. Les presbytères de Roche et de Vandoncourt furent aussi rachetés au bout de peu d’années par les communes qui en avaient besoin pour le logement de leurs pasteurs. L’administration centrale du département de la Haute-Saône, animée du même esprit que celle du département du Doubs, fit mettre aux enchères publiques les biens ecclésiastiques avec les presbytères situés dans son ressort au mois de décembre 1797 ; cette mesure reçut son exécution dans les cantons d’Héricourt et dans les autres cantons de la Haute-Saône, et se trouva partout des adjudicataires.

Après avoir échappé au supplice dont il était menacé devant le tribunal révolutionnaire de Paris, M. Kilg était revenu à Blamont, bien qu’il ne put y remplir de fonctions pastorales, les cultes chrétiens se trouvant alors interdits dans toute la France d’après des arrêtés du gouvernement ; il put toutefois les reprendre dès le mois de mars 1795, les cultes ayant été de nouveau proclamés libres par le gouvernement. Il ne tarda pas à le quitter pour remplir des fonctions civiles dans le département du Doubs. Il fut nommé sur la fin d’octobre 1795 Président de l’administration civile de ce département et un certain temps après membre du directoire du même département. Un décret de Napoléon Bonaparte, premier consul de la République française du 18 prairial an VIII (7 juin 1800) lui donna le titre de sous-préfet de Baume. Il fut relevé de ses fonctions par une ordonnance du roi Louis XVII du 14 novembre 1814. M. Kilg se retira avec une pension de retraite à Montbéliard, son lieu natal où il mourut le 27 février 1816 dans la 74ème année de son âge, sans postérité masculine.

Heureusement les communes de l’ancien comté de Montbéliard avaient passé depuis quelques mois, en juin 1797, du département de la Haute-Saône dans celui de Mont-Ferrible, qui avait Porrentruy pour chef-lieu, l’administration centrale de ce dernier département ne fit vendre aucun des presbytères, aucun des fonds curiaux et de fabrique qui se trouvaient de son ressort. On sait d’ailleurs que la vente des biens ecclésiastiques des protestants de France n’avait été prescrite par aucune loi, et qu’ un décret de l’Assemblée nationale du 1er décembre 1790 avait même formellement excepté de la vente des biens nationaux, les biens possédés par les établissements des protestants des 4 terres de Blamont, de Clémont, d’Héricourt et de Chatelot. Cela n’empêcha pas non plus que les immeubles appartenant aux recettes ecclésiastiques protestantes de Montbéliard, de Blamont et d’ Héricourt fussent aliénés au profit de l’Etat de 1796 à 1798. Quant aux biens de l’ancien prieuré de Dannemarie, dont le clergé catholique était entré en possession en 1700, et au bien de divers corporations religieuses, notamment à ceux des moines du prieuré de Lantenans, situés dans la circonscription du canton de Blamont, ils avaient déjà été vendus en 1791 conformément à une loi de l’Assemblée nationale du mois de juillet 1790, qui faisait remise à l’état de tous les biens de cette nature. Le duc de Wurtemberg Frédéric-Eugène crut qu’il pouvait joindre ses troupes à celles des autres princes de l’ Allemagne pour faire la guerre à la France, qui avait enlevé à sa maison en 1793 le comté de Montbéliard. Mais il fut vaincu en 1796 par un corps de l’armée française du général Moreau, qui avait pénétré en Allemagne, et obligé de demander la paix. Par un traité fait à Paris le 7 août 1796 ratifié dans le même mois tant pour le gouvernement français que par le duc de Wurtemberg, celui-ci céda à la république française tous ses droits sur la principauté de Montbéliard ainsi que les seigneuries d’Héricourt, de Passavant et autres, sur les propriétés qu’il avait en Alsace et sur la rive gauche du Rhin. La seigneurie de Blamont, comme celles de Clémont et de Chatelot, fut implicitement comprise dans la cession dont il s’agit.

Ce n’est pas seulement aux ecclésiastiques que le gouvernement français enleva leurs propriétés ; il en dépouilla aussi les Nobles qui avaient émigrés de leur patrie pour fixer leur résidence en pays étranger. Les biens provenant des donations faites en 1716 dans différents lieux de la seigneurie de Blamont et dans d’autres terres par le prince Léopold-Eberhard de Montbéliard à ses enfants naturels furent pris à leurs descendants qui avaient quittés la France en 1792, et vendus comme biens nationaux au bout de 2 ans environ. Les immeubles que possédait le prince de Montbéliard dans la seigneurie de Blamont, n’échappèrent pas en 1792 à la saisie des Autorités françaises. Ayant été mis aux enchères publiques, sauf les bois, de 1795 à 1797, ils passèrent en différentes mains. Quant aux bois ils restèrent dans le domaine de l’état jusque vers 1817, époque de leur aliénation. Parmi les biens du prince de Montbéliard vendus de 1795 à 1797 se trouvait le bâtiment des halles de Blamont. Ce bâtiment fut acheté par les habitants de Blamont non seulement pour la tenue des foires au rez-de-chaussée, mais encore pour la tenue de la justice de paix et celle de l’école primaire protestante à l’étage.

Dès que le général Napoléon Bonaparte fut devenu en 1799 le chef de l’état sous le nom de Premier-Consul de la république, il travailla à rétablir l’ordre dans les administrations civiles et ecclésiastiques. C’est à lui que la France est redevable de la puissante et simple organisation qui la régit encore aujourd’hui. Par la loi du 17 février 1800 (28 pluviôse an VIII) le territoire de la République fut divisé en départements et en arrondissements communaux. Le département de Doubs comprit les 4 arrondissements de Besançon, de Pontarlier, de Baume et de Saint-Hippolyte. Les communes des 8 cantons ou ressort des justices de paix de l’ancien district de Saint-Hippolyte formèrent l’arrondissement de Saint-Hippolyte. Cette dernière localité fut ainsi indemnisée de la perte qu’elle avait subie en 1795 en cessant d’être chef lieu de district. Par la même loi du 17 février 1800, les municipalités de canton furent supprimées et les municipalités de commune furent rétablies, chaque commune dut avoir son maire et un ou plusieurs adjoints avec un conseil municipal plus ou moins nombreux suivant la population.

La loi du 28 janvier 1801 (8 pluviôse an 11) prescrivit une nouvelle organisation des cantons ou justice de paix pour toute la France. Conformément à cette loi un arrêté du gouvernement du 19 octobre 1801 (27 vendémiaire an X, les 8 cantons ou ressorts de justice de paix de l’arrondissement de Saint-Hippolyte furent réduits à 5. Les cantons d’Ecot , d’Indevillers et de Vaucluse disparurent alors, et les communes qui les composaient furent réparties dans les cantons de Saint-Hippolyte, de Pont de Roide, du Russey et de Maiche. La circonscription du canton de Blamont resta la même.

Le général Napoléon Bonaparte n’eut pas plus tôt les rênes de l’Etat, qu’il se montra favorable à la liberté de conscience. Des lois ne tardèrent pas à être faites pour assurer à tous les cultes les droits qu’ils réclamaient. Sur sa proposition, le corps législatif adopta le 8 avril 1802 (18 germinal an X) des articles organiques tant pour le culte catholique que pour le culte protestant. Ces articles eurent le grand mérite de mettre fin à l’état d’abandon et d’anarchie où se trouvaient les différents cultes, et d’assurer à leurs ministres des traitements sur le budget de l’état.
Pour le culte catholique, la France fut divisée en évêchés et en archevêchés. Le canton de Blamont et tout le département du Doubs furent compris dans le diocèse de Besançon. Pour le culte protestant de la confession d’ Augsbourg, il y eut des consistoires locaux, des inspections et des consistoires généraux, et pour le culte réformé, des consistoires locaux et des synodes.

En conséquence des dispositions de la loi du 8 avril 1802, dont il vient d’être question, et conformément aux instructions du conseiller d’état Portalis, chargé de toutes les affaires concernant les cultes, l’archevêque de Besançon et le préfet de département du Doubs furent invités à se concentrer dans les derniers mois de 1802 pour la circonscription des cures et succursales catholiques de ce département, et pour les églises que chaque ecclésiastique aurait à desservir. Pendant que ce travail de réorganisation se faisait, le préfet prit sous la date du 22 nivôse an XI (12 janvier 1803) un arrêté portant que les catholiques auraient l’entière possession de l’église de Blamont, et que les protestants, qui en partageaient la jouissance avec les catholiques, en seraient exclus. Ceux-ci, qui formaient la majorité dans la population du lieu, protestèrent en vain contre l’arrêté du préfet, qui avait été gagné par le clergé catholique, et qui se montra toujours disposé à l’appuyer dans son intolérance, et même à accepter ses mensonges pour des vérités. Le clergé catholique objectait que l’église de Blamont, dès sa reconstruction en 1731, avait servi uniquement pour le culte catholique, et qu’il convenait de rétablir les choses dans leur ancien état. Le parti protestant répondait que l’église en question se trouvait sur l’emplacement de l’ancienne église appartenant aux protestants, et qu’elle avait été bâtie avec des fonds provenant presque entièrement des protestants. Il appuyait ses revendications sur la loi des 9 et 18 septembre 1790, prescrivant la restitution aux protestants du pays de Montbéliard des temples et des édifices religieux dont ils avaient été spoliés. Le préfet, pour justifier ses procédés, dit dans une lettre que le motif qui lui avait fait ôter l’église de Blamont aux protestants, c’est qu’il ne devait y avoir dans le canton qu’une seule église réservée aux catholiques, et qu’il convenait de la placer au chef-lieu. En attendant qu’on fit droit à leur juste réclamation, les protestants de Blamont se résignèrent à célébrer leur culte dans la salle du bâtiment des halles affectée à la tenue des classes de leur instituteur. Le plan de circonscription des cures et succursales du département du Doubs, rédigé par le préfet et par l’archevêque, fut enfin approuvé par un arrêté du gouvernement du mois de mars 1803. Pour cette circonscription, on s’était conformé, d’après la loi, aux limites des cantons. Il fut établi une cure à Blamont avec deux succursales, dont une à Glay et l’autre à Villars-les-Blamont. Ces 3 paroisses comprirent les catholiques disséminés dans les autres communes du canton presque entièrement protestantes. Le préfet avait donc agi contre la vérité quand il avait dit qu’il n’y aurait qu’une seule paroisse pour les catholiques dans le canton de Blamont. Les églises de Glay et de Villars continuèrent à servir pour les 2 cultes, protestant et catholique, comme cela se faisait depuis 1792. Le clergé catholique ne se contentant pas des lieux des cultes qui lui étaient accordés dans le canton de Blamont, demande au préfet de Bry une succursale de plus, et lui proposa d’en placer le chef-lieu à Hérimoncourt. Grande fut la surprise des habitants de cette commune lorsqu’en juin 1803 leur maire, G. N. Mégnin, reçut par l’intermédiaire du sous-préfet de Saint-Hippolyte, un arrêté du 9 germinal an XI ( 30 mars 1803 ) portant que l’église d’Hérimoncourt, n’étant point affectée au culte protestant, serait érigée en succursale catholique, et l’invitation de convoquer le conseil municipal pour délibérer sur cette affaire. Le maire écrivit sous la date du 7 messidor an XI ( 26 juin 1803 ) une lettre au préfet pour lui faire connaître l’erreur dans laquelle il était tombé ; il lui exposa qu’il se trouvait dans sa commune un seul individu catholique, célibataire, fermier du moulin, qui y était venu depuis bien peu de temps et qui n’y résidait que précairement, que tous les autres habitants, au nombre de 342, professaient le culte protestant ; et il ajouta que depuis la réforme religieuse du 16è siècle le culte protestant n’avait point cessé d’être exclusivement exercé dans le temple d’Hérimoncourt. Le préfet n’osa pas mettre son projet à exécution, et les protestants conservèrent leur édifice religieux. Il ne fut créé de nouvelles succursales catholiques dans le canton de Blamont que lorsque le nombre des catholiques s’y fut accru par des immigrations d’ouvriers à partir de l’an 1851, comme on le verra. On travailla à la réorganisation des cultes protestants dans toute la France dès le même temps que le culte catholique, c’est à dire dès les derniers mois de l’an 1802, conformément à la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) concernant ces cultes. Parmi les églises à réorganiser se trouvaient celles du pays de Montbéliard, alors réparties dans les 3 départements du Haut-Rhin, de la Haute-Saône et du Doubs. Les communes de l’ancien comté de Montbéliard qui étaient incorporées dans le département du Mont- Ferrible, avaient passé avec tout ce département du Haut-Rhin, en vertu de la loi du 17 février 1800, et faisaient partie de l’arrondissement de Porrentruy. Sur l’invitation du Conseiller d’état Portalis, chargé de toutes les affaires des cultes, le préfet du Haut-Rhin dut s’entendre avec M. Kern, président du Consistoire général de Strasbourg, pour la circonscription à faire des églises de la confession d’Ausbourg situées dans le département du Haut- Rhin. M. Kern venait d’être nommé au poste qu’il occupait, par un décret impérial, bien que le consistoire général de Strasbourg n’eut pas encore été constitué. Le préfet du Haut-Rhin chargea une commission composée de 5 membres résidant à Colmar de faire le travail que lui demandait le gouvernement. Comme il y avait des protestants de la confession d’Augsbourg dans les 2 arrondissements de Colmar et de Porrentruy, la commission proposa de former dans le département du Haut-Rhin 2 Inspections ecclésiastiques relevant du Consistoire général de Strasbourg, une pour l’arrondissement de Colmar, ayant son siège à Colmar et l’autre pour l’arrondissement de Porrentruy, ayant son siège à Montbéliard. Après avoir terminé à Colmar le 25 frimaire an XI (16 décembre 1802 ) son travail pour la circonscription des églises de l’ Inspection de Colmar, elle s’occupa de la circonscription des églises de l’ Inspection de Montbéliard. D’après les renseignements qui lui furent fournis sur les communes du pays de Montbéliard par les pasteurs et les maires, elle décida qu’il y aurait 3 églises Consistoriales pour les communes de ce pays situées dans l’arrondissement de Porrentruy, que ces 3 églises consistoriales seraient établies à Montbéliard, à Audincourt et à Saint-Julien ; elle désigna aussi les communes à comprendre dans les paroisses de chacune de ces Eglises Consistoriales. Comme les communes du pays de Montbéliard appelées à constituer les 3 églises consistoriales ci-dessus constituées étaient loin d’avoir une population suffisante pou former une Inspection ecclésiastique, la commission proposa d’y joindre les communes du pays de Montbéliard situées dans le département de la Haute-Saône pour la formation d’un consistoire à Héricourt, et les communes du même pays situées dans le département du Doubs pour la création d’un consistoire à Roche-les-Blamont. Elle composa les paroisses telles qu’elles avaient été jusqu’alors, et les répartit dans les 5 Consistoires sans se conformer ponctuellement aux limites des départements, bien que la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802) portât textuellement que le ressort d’un même consistoire ne pouvait s’étendre dans des départements différents. Elle croyait qu’il y aurait de graves inconvénients à démembrer certaines paroisses du pays dont les communes n’appartenaient pas au même département, et elle pensait que le gouvernement aurait égard à cet état de choses, et n’exigerait pas l’observation littérale de la loi. D’après son projet, l’église consistoriale de Roche devait comprendre 7 paroisses, desservies chacune par un pasteur, savoir les paroisses de Roches, de Blamont, de Glay, de Seloncourt, de Vandoncourt, de Montécheroux et d’ Abbevillers.
1) La paroisse de Roches devait comme auparavant, renfermer Roche, église mère, Tulay, annexe, Autechaux, église filiale, et Ecurcey, annexe.
2) La paroisse de Blamont, Blamont, église mère, et Pierrefontaine, église filiale.
3) La paroisse de Glay, Glay, église mère, Meslière, annexe, Dannemarie, annexe, et Villars-les-Blamont, église filiale.
4) La paroisse de Seloncourt, Seloncourt, église mère et Bondeval, église filiale.
5) La paroisse de Vandoncourt, Vandoncourt, église mère, Dale, église filiale et Beaucourt, annexe.
6) La paroisse de Montécheroux, Montécheroux, église mère et Liebvillers, annexe,
7) la paroisse d’Abbévillers, Abbévillers, église mère, et Hérimoncourt, église filiale.

La commission termina son travail par l’inspection de Montbéliard dans la réunion qu’elle tint à Colmar le 14 nivôse an XII (4 janvier 1803. Elle reçut au bout de quelques jours du pays de Montbéliard de nouveaux renseignements qui la déterminèrent à porter à Blamont le chef lieu du consistoire, que, pour motif de centralité plus grande, elle avait placée à Roche. Elle prit cette détermination dans sa dernière réunion qui eut lieu à Colmar le 25 nivôse an XI (15 janvier 1803).

Le plan de circonscription de l’Inspection ecclésiastique de Montbéliard proposé par la commission de Colmar fut remis au préfet du département du Haut-Rhin, qui peu de jours après l’envoya avec son avis au Conseiller d’ Etat Pontarlis, chargé des affaires des cultes. Il ne fut pas approuvé par le gouvernement, parce que pour la circonscription des églises consistoriales, on ne s’était pas conformé aux limites des départements et qu’en outre d’autres projets étaient présentés pour les églises protestantes du canton de Blamont, dont un par le préfet du département du Doubs sous la date du 9 floréal an XI ( 29 avril 1803 ), le projet qui laissait aux protestants comme aux catholiques les églises de Glay et de Villars-les-Blamont, mais qui réservait aux seuls catholiques l’église de Blamont, ne fut pas non plus approuvé par le gouvernement par suite d’oppositions des parties intéressées. Un nouveau plan de circonscription des églises protestantes du département du Doubs, dont le préfet de ce département se disait l’auteur, mais qui était sans nul doute l’œuvre du clergé catholique, fut adressé sous la date du 2 pluviôse an XII ( 23 janvier 1804 ) au conseiller d’ état Portalis par le préfet qui l’accompagna d’une lettre explicative. Le nouveau plan de circonscription était beaucoup plus préjudiciable aux protestants du canton de Blamont que le précédent. Il ne leur laissait que 4 paroisses savoir
1er) Blamont, église consistoriale, avec Dannemarie, annexe sans église
2eme) Pierrefontaine, église principale, avec Villars-les-Blamont, annexe sans église
3eme) Roche, église principale, Tulay, annexe sans église, Hérimoncourt, église filiale, Glay, annexe sans église et Meslière, annexe sans église ;
4eme) Seloncourt, église principale, Bondeval, annexe sans église, et Vandoncourt, église filiale.

Dans sa lettre au conseiller d’état Portalis, le préfet disait que l’église de Blamont accordée aux catholiques pouvait leur être laissée définitivement, en raison de ce que les protestants de cette commune étaient en possession d’un autre local, qui de leur propre aveu, leur convenait à tous égards, que les églises de Glay et de Villars devaient être encore affectées au seul culte catholique, attendu que l’église et le presbytère de Glay avaient été de tous la propriété de ce dernier culte ; que les mêmes motifs militaient en faveur de l’église de Villars, dont la population comprenait à peu près le même nombre de catholiques et de protestants, etc... Ainsi, d’après le projet du préfet, il ne devait plus y avoir d’églises communes aux deux cultes dans le canton de Blamont, l’église de Blamont devait rester entre les mains des seuls catholiques ; les églises de Glay et de Villars-les-Blamont où il y avait des curés, devaient aussi leur appartenir exclusivement ; les places de pasteur protestant à Glay et à Vandoncourt étaient supprimées, mais une place de pasteur protestant devait être créée à Pierrefontaine ; enfin l’église de Montécheroux n’était attribuée à aucun culte, et nulle mention n’était faite à cette église.

Le plan de circonscription du préfet du Doubs, et sa lettre d’accompagnement furent communiqués par M. Pontarlis au président du consistoire général de Strasbourg pour avoir son avis. Celui-ci envoya sous la date du 23 pluviôse an XII (13 février 1804) une copie de l’une et l’autre pièce à M. Georges Frédéric Fallot, pasteur protestant à Glay, en lui demandant les renseignements nécessaires sur leur contenu. M. Fallot était connu par son dévouement aux vrais intérêts de ses coreligionnaires, comme par sa connaissance des actes d’intolérance qu’on avait autrefois exercés à leur égard. M. Kern, ne trouvant pas suffisants les renseignements que M. Fallot s’était empressé de lui transmettre, lui en demanda de plus étendus par sa lettre du 10 ventôse an XII (29 février 1804), et le pria même de rédiger un mémoire à présenter au gouvernement. M. Fallot se mit à l’œuvre sans perdre de temps, et eut bientôt rédigé le mémoire qui lui était demandé. Dans cette pièce, il commença par déclarer ce qui suit : le plan du préfet du Doubs me parait conçu par la malice ou par l’ignorance la plus crasse des localités et des convenances ; par la malice, puisqu’on s’y sert des mensonges les plus évidents pour l’appuyer, par l’ignorance puisqu’on forme des paroisses sans avoir égard aux localités et aux intérêts qui lient les différentes communes entre elles. M. Fallot dit ensuite : Le local dans lequel les protestants de Blamont célèbrent leur culte est bien loin de leur convenir, il est vieux, sombre et trop étroit. L’église de Glay, loin d’avoir été de tout temps affectée au culte catholique, a été arrachée aux protestants en 1746 d’après un ordre arbitraire du roi provoqué par le fanatisme du clergé. Elle a été construite à la vérité en 1763 sur la demande du curé, mais cette reconstruction s’est faite sur le même emplacement et avec des fonds provenant des protestants. C’est en vertu de la loi des 9 et 18 septembre 1790 que l’église de Glay est devenue commune en 1792 aux catholiques et aux protestants. En expulser de nouveau ceux-ci, ce serait le comble de l’injustice. D’ailleurs, la population catholique de Glay est presque nulle, elle ne comprend qu’une femme née dans une ferme comprise dans le territoire de Glay, d’un père Suisse allemand et 2 ou 3 autres individus nés dans des communes étrangères. Quant au nombre des catholiques des environs venant à Glay pour le culte, il est bien peu considérable. Le presbytère de Glay, que l’on a prétendu avoir toujours appartenu aux catholiques, a été bâti pour le logement du pasteur protestant en 1714 dans le temps qu’il n’y avait pas un seul catholique dans la commune, et il devrait, en toute justice, rentrer dans les mains des protestants. L’église de Villars-les-Blamont n’a pas été non plus affectée de tous temps à l’exercice du culte catholique, elle a été enlevée aux protestants dans le même temps que celle de Glay en 1746, lorsqu’il ne s’y trouvait point de catholiques dans cette localité. Les protestants en ont partagé la jouissance avec les catholiques en 1792 en vertu de la loi déjà mentionnée des 9 et 18 septembre, et l’on ne peut les en priver sans commettre une grande iniquité. D’ailleurs le nombre de protestants de Villars est bien plus considérable que celui des catholiques, qui n’ont commencé à s’y établir que dès le milieu du 18ème siècle. On fait de Bondeval une simple annexe de la paroisse de Seloncourt, pourquoi priver cette commune de son église qui était filiale de celle de Seloncourt. Bientôt les catholiques diront que l’église dont il s’agit, est inutile aux protestants, et voudront s’en emparer. Les temples dans lesquels les catholiques célèbrent actuellement leur culte, doivent rester communs aux protestants et aux catholiques, si ceux-ci n’en veulent pas, ils peuvent en bâtir d’autres. La constitution des paroisses protestantes dans le canton de Blamont comme le propose le préfet, présente de graves inconvénients, elle est contraire aux usages, aux droits acquis et aux intérêts matériels des protestants, elle serait pour eux une cause de désordre et un inconvénient de tout genre. Telle est l’analyse du mémoire de M. Fallot qui se termine par ce vœu : Puissent les plaies sanglantes que l’intolérance avait faite avant la révolution, ne pas se rouvrir !
Le président du consistoire de Strasbourg mit à profit les renseignements de M. Fallot pour combattre auprès de M. le conseiller Portalis le plan de circonscription du préfet du Doubs pour les paroisses protestantes du canton de Blamont. M. Portalis ne tarda pas à reconnaître la vérité que le parti clérical cherchait à lui déguiser. Il déclara au préfet que les plans de réorganisation qui lui avaient été présenté jusqu’alors, ne lui paraissaient pas dictés par un esprit de justice et d’impartialité, et il invita à se concerter avec le président du consistoire général de Strasbourg pour la rédaction d’un nouveau plan. Ce travail devait se faire dans le plus court délai. Il faut savoir que des 5 églises consistoriales qui devaient composer l’Inspection ecclésiastique de Montbéliard, 4 avaient déjà leur plan d’organisation convenu entre les différentes autorités ; c’étaient celles de Montbéliard, d’Audincourt et de Saint-Julien pour les communes du pays de Montbéliard situées dans le pays du Haut-Rhin et celle d’ Héricourt pour les communes situées dans le département de la Haute-Saône. La 5ème église consistoriale, savoir celle de Blamont pour les communes du pays de Montbéliard situées dans le département du Doubs, devait avoir son organisation pour que l’on put constituer définitivement l’inspection de Montbéliard et ensuite le consistoire général de Strasbourg. Le président du consistoire général parvint enfin à s’entendre avec le préfet du Doubs pour la rédaction d’un plan qui eut l’agrément du gouvernement ; peu de temps après parut le décret impérial du 26 vendémiaire an XIII (18 octobre 1804) qui sanctionne l’établissement de l’Inspection ecclésiastique de Montbéliard. Il reprend toutes les anciennes paroisses du pays, et il indiqua les communes qui devaient les composer, ainsi que le nombre des pasteurs qui devaient les desservir.
D’après le décret impérial du 26 vendémiaire an XIII (18 octobre 1804), ci-dessus rapporté, l’église consistoriale de Blamont comprit les 8 paroisses de Blamont, de Roche, de Glay, de Seloncourt, de Montécheroux, de Vandoncourt, de Saint-Maurice et de Longevelle, desservies chacune par un pasteur. Il n’y eut point de changement de circonscription pour les 5 premières paroisses ; mais il y en eut pour les 3 autres, savoir pour celles de Vandoncourt, de Saint-Maurice et de Longevelle. La paroisse de Vandoncourt appartenant au département du Doubs ne put conserver l’église de Dale, ni Beaucourt son annexe, qui étaient du département du Haut-Rhin, elle les céda à la paroisse d’Abbévillers, qui était aussi de ce dernier département, et obtint d’elle en échange l’église d’Hérimoncourt, comprise dans le département du Doubs. La paroisse de Saint-Maurice, qui se composait des paroisses de Saint-Maurice, de Colombier-Fontaine, de Colombier-Chatelot, de Blussang et de Blussangeaux avec le Chatelot, céda Blussangeaux avec le Chatelot à la paroisse de Longevelle pour l’indemniser de la perte de l’église de Lougre, comprise dans le département du Haut-Rhin, qui passa dans la paroisse de Beutal , appartenant au même département. Il fallut faire des modifications pour se conformer à la loi du 18 germinal an X (8 avril 1802), portant qu’aucune église consistoriale ne pourra s’étendre d’un département dans un autre. Toutefois l’église consistoriale de Blamont ne conserva pas longtemps les limites que lui avait données le décret impérial du 26 vendémiaire an XIII ; des changements y furent apportés dès l’an 1821, comme on le verra.
Il avait été convenu entre M. Kern, président du consistoire général de Strasbourg, et par M. de Bry, préfet du département du Doubs, lorsqu’ils se concertaient pour faire le plan d’organisation des paroisses protestantes de ce département, lequel fut sanctionné par le décret précité du 26 vendémiaire an XIII, que les trois églises du canton de Blamont dans lesquelles le culte catholique était exercé, seraient aussi communes au culte protestant. En conséquence le préfet, dans sa correspondance avec le gouvernement, lui avait proposé le simultané ou exercice des deux cultes dans les églises de Blamont, de Glay et de Villars les Blamont, le président du consistoire général, de son côté, lui avait demandé le simultané pour les églises de Glay, de Villars les Blamont et de Bondeval, est c’est cette dernière proposition qui fut adopter par le gouvernement et insérée dans le décret du 26 vendémiaire an XIII. Le président du consistoire général s’était évidemment trompé, il avait pris Bondeval pour Blamont, on l’engagea en vain à réclamer auprès du gouvernement la rectification de son erreur. Il en résulta que l’église de Blamont, occupée par les seuls catholiques dés l’an 1803, leur resta définitivement. Les protestants de la localité espéraient d’après le décret précité entrer pour la célébration de leur culte dans l’église de Blamont. En effet l’article IV de ce décret, en assurant aux catholiques seuls la possession des presbytères de Blamont et de Glay, donnait à entendre qu’il laisserait aux catholiques et aux protestants l’usage commun des églises de ces lieux. Mais les espérances des protestants de Blamont s’évanouirent à la vue d’une lettre écrite au Maire de Blamont par le sous préfet de l’arrondissement. Celui ci manda au maire en janvier 1805 qu’il venait de recevoir du préfet du département du Doubs une dépêche portant que par une nouvelle disposition arrêtée par le gouvernement, les catholiques resteraient seuls en possession de l’église de Blamont. Les protestants de Blamont ne manquèrent pas de témoigner hautement leur mécontentement. Pour les apaiser, la municipalité s’engagea à faire bâtir pour eux un temple convenable aussitôt que les ressources de la commune le permettraient. En attendant ils durent continuer à s’assembler dans la salle d’école du bâtiment des halles, comme ils le faisaient depuis 1803.

Il fallait régler les heures où les différents offices devaient se faire dans les 3 églises de Glay, de Villars-les- Blamont et de Bondeval conformément au décret du 26 vendémiaire an XIII. L’heure de la messe fut fixé pour les 3 églises à 8 heures du matin et l’heure du culte protestant fut fixé à 10 heures du matin par une commission composée du curé Jobin de Blamont, du pasteur Fallot de Glay, chargé de la desserte de Villars-les -Blamont, et du pasteur Cuvier de Seloncourt, chargé de la desserte de Bondeval, laquelle se réunit le 3 avril 1805 a Saint-Hippolyte en présence du sous préfet. Le procès verbal de cette commission fut approuvé par un arrêté du préfet du département du Doubs du 10 de ce dernier mois. L’exercice du culte protestant n’avait jamais été interdit à Glay ni a Villars-les- Blamont dès 1792 malgré toutes les tentatives du préfet Jean de Bry, et du pasteur Fallot était toujours resté à son poste malgré toutes les entreprises faites pour l’en éloigner. Le culte catholique ne fut jamais introduit dans l’église de Bondeval, elle resta entièrement aux protestants, attendu que la population catholique était nulle dans cette commune, et qu’elle ne comprenait qu’une ou deux familles dans les communes voisines appartenant au même canton.

Il ne manquait à Napoléon Bonaparte que le titre de roi, attendu qu’il en exerçait tout le pouvoir sous le nom de premier consul de la république ; il fut proclamé Empereur des Français sous le nom de Napoléon Ier le 18 mai 1804, et couronné le 2 décembre suivant. A la suite de nombreuses victoires sur les puissances étrangères, il devint l’arbitre de l’Europe presque entière. Parvenu à l’apogée de sa gloire en 1811, il ne tarda pas à déchoir. Après avoir perdu ses armées en Russie sur la fin de 1812, il avait besoin d’argent pour en organiser de nouvelles. En exécution d’une loi sur les finances qu’il fit promulguer le 20 mars 1813, les communes du canton de Blamont se virent enlever la plus grande partie de leurs biens ruraux, champs, prés, fermes, sauf les pâturages et les bois qu’elles purent conserver. Les biens furent vendus au profit de l’état, et les communes ne reçurent qu’une faible indemnité sur le trésor public. Mais ce n’était là pour notre pays qu’un faible dommage en comparaison des charges énormes qu’allait lui causer bientôt après l’invasion des troupes étrangères.

Napoléon, ayant essuyé de grandes défaites dans les états d’Allemagne en 1813, ne fut plus en état de défendre les frontières de son grand empire. Le 20 décembre 1813 et les jours suivant, une des grandes armées des puissances coalisées, dite armée de Bohème, placée sous le commandement du général autrichien prince de Schwartzenberg, forte de plus de 200 000 hommes, passa le Rhin sur les ponts de Bâle et de Rheinfeld, et prit sa marche pour la Haute-Alsace et le pays de Porrentruy, violant ainsi la neutralité Suisse. L’avant garde de cette armée, composée de troupes bavaroises, investit Belfort le 24 du même mois. Elle ne tarda pas à s’assurer du passage de Montbéliard, qui était sans fortifications et sans troupes, et d’Héricourt, qui était également sans défense. Le 25 décembre 1813 environ 9000 hommes d’infanterie et de cavalerie du corps bavarois se trouvèrent rangés en bataille entre Villars-les-Blamont et Pierrefontaine. Ce jour là, à 11 heures du matin, l’adjudant-général Heideezherr, à la tête de 25 cavaliers et de quelques centaines de fantassins bavarois, entra à Blamont, et pris possession de la place sans coup férir. Le capitaine Calame, originaire de Montbéliard, était resté seul avec un garde du génie dans le fort de Blamont, dont il était le commandant depuis plusieurs années. Il n’avait eu avec lui que quelques dragons invalides, qui s’étaient sauvés la nuit précédente à la première nouvelle de l’approche de l’ennemi, sachant qu’ils ne pouvaient lui faire aucune résistance. Calame remit au chef bavarois les clefs du fort sur la porte même en brisant son épée, il fut laissé libre de se retirer où bon lui semblerait. L’adjudant-général Heideezherr, après avoir pris possession de la place de Blamont, y laissa 400 soldats bavarois de garnison sous les ordres du capitaine Werderer, et il continua sa route avec le gros de l’armée. Les habitants de la localité durent se charger de l’entretien de ces soldats et leur fournir les vivres nécessaires.
L’occupation de Blamont et de tout le pays des environs ne devait pas prendre fin de sitôt. Le 3 janvier 1814 des soldats autrichiens et bohémiens en grand nombre vinrent prendre leur station dans les différentes communes du canton de Blamont, ils remplacèrent à Blamont même les Bavarois.


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